![]() ![]() ![]() ![]() La
guerre est une rupture violente de la compétition, elle vise à transformer les
champs et les règles de la compétition, mais elle n'en a plus le pouvoir. La
force est maintenant diffuse. Le pouvoir appartient à l'innovation, destruction
créatrice ou création destructrice.
Milieux Les sociétés, quelle que soit leur nature, s'adaptent à leur milieu. Un milieu intérieur s'adapte à un milieu extérieur, l'inverse n'étant pas exclu. Il est stable lorsqu'il est adapté à son milieu extérieur. Il est déstabilisé lorsqu'il est inadapté, lorsque leurs échanges déséquilibrés ne sont pas stabilisés. L'équilibre n'est pas la règle. Le déséquilibre peut vider le milieu intérieur de ses éléments et menacer son existence, à l'inverse, le milieu intérieur peut s'incorporer des éléments extérieurs et rééquilibrer ses échanges. Ainsi pour subsister, la déstabilisation pousse le milieu intérieur à s'adapter en modifiant sa propre composition, en modifiant ses échanges avec le milieu extérieur. Les rapports entre les milieux sont des rapports d'échanges symétriques et asymétriques, d'interdépendance, de compétition et de domination. Certaines sociétés (en émergeant) peuvent déstabiliser le milieu extérieur. Les rapports entre milieu intérieur et milieu extérieur peuvent prendre des configurations variables. Le milieu intérieur s'étend sur le milieu extérieur d'une manière précise et s'ouvre à lui de manière précise. Le milieu intérieur chinois s'ouvre de manière à s'étendre sur son milieu extérieur. En termes économiques, il ouvre son marché intérieur de manière à étendre son marché extérieur. En termes de dispositions sociales, une forte propension à épargner réduit les propensions à consommer et à importer. On dira en termes marxistes que la « force productive » chinoise peut ainsi déstabiliser les « rapports de production » mondiaux qui doivent s'adapter. Ce qui fait la différence entre milieu déstabilisé et milieu déstabilisant, c'est la capacité d'innovation du milieu. On peut parler alors d'innovation disruptive. Produire à moindre coût, plus vite et en plus grande quantité, perturbe le milieu et constitue des innovations pour le milieu. L'innovation peut-être de l'ordre de l'organisation sociale, de la technique ou des dispositions sociales. Processus d'accumulation culturelle ... Les sociétés sont déjà dans la nature, ainsi, l'inceste et la division du travail ne sont pas spécifiquement humains. Ce sont les processus d'accumulation d'artefacts qui modifient le rapport des milieux et les différencient. La déstabilisation des sociétés avec l'expérimentation de nouveaux environnements et l'incorporation de nouveaux artefacts est à la base des processus de recomposition sociale et d'accumulation. Le sociologue français Bernard Lahire parle de processus d'accumulation culturelle[1]. Pour lui, la société est dans la nature (humaine et animale), la culture est dans la société, dans le sens où des humains s'associent à des non-humains (vivants et artefacts) pour former société, les uns augmentant, les autres. Le processus d'accumulation culturelle tend à étendre le milieu de la société sur le milieu extérieur et la préhension sur ce milieu par la production d'artefacts. ... en contexte postcolonial Les sociétés segmentaires étaient adaptées à leur environnement ; stables ainsi que leur environnement, elles avaient tendance à se reproduire comme à l'identique. Leur ordre social n'était pas perturbé. Mais avec l'intervention intempestive de l'ordre capitaliste et leur intégration dans un ordre colonial, elles ne furent pas seulement déstabilisées, mais défaites. La société indigène persiste, bien que pulvérisée elle est immergée dans un ordre mondial ; l'individu est séparé de son collectif, le collectif est désintégré, l'individu se trouve plongé dans un environnement capitaliste, radicalement différent de son ancien environnement, sur lequel il n'a quasiment pas de prise. La société indigène ne sera pas placée dans la situation de s'adapter au nouvel environnement, elle ne pourra pas l'expérimenter, répondre à ses défis. Elle subsiste, mais ne résiste pas disait Mouloud Mammeri. Le nouvel ordre social excluait sa recomposition, en fait il programmait sa mort lente. Mais la vie a plus d'un tour dans son sac, l'histoire a ses ruses, toutes deux elles firent faire corps à la société pour rejeter ce corps étranger mortifère, la compétition sociale disposant de nouvelles ressources et prit de nouvelles voies. Le nouveau cours mondial défavorable aux puissances coloniales et les nouvelles ressources indigènes rendirent possible l'éradication du cancer colonial. S'adapter au nouveau milieu signifiait rejeter le colonialisme, se défaire du colonialisme. Ce qui fut fait. À l'indépendance se posait la question comment la société va-t-elle se recomposer, faire corps dans le nouvel environnement débarrassé de la colonisation directe pour stabiliser ses rapports ? Comment va-t-elle expérimenter son nouvel environnement et comment va-t-elle trouver sa stabilité ? Quelles voies vont emprunter la compétition sociale quant à la compétition mondiale et comment va-t-elle structurer la société ? Compétitions sociale et mondiale, mouvements de capitaux La stratégie industrielle axée sur la diversification des exportations ne doit pas être l'occasion d'une mainmise d'une société sur les ressources collectives. Elle ne doit pas consister en l'exportation d'un capital dont nous n'entretenons pas la reproduction. Cette production et cette répartition ne peuvent conduire qu'à un appauvrissement et ne seraient le résultat que d'une compétition autour des ressources nationales et non autour de la production mondiale pour une distribution plus équitable de la valeur ajoutée mondiale qui est le véritable enjeu de la géopolitique mondiale actuelle. Une telle politique d'accroissement des exportations aurait pour résultat une augmentation des importations de consommation et une exportation du capital plutôt que son réinvestissement et son accumulation. Les exportations doivent être le moyen de s'approprier une partie de la production mondiale, une manière de porter la compétition sociale dans la compétition mondiale. Elles doivent être le moyen pour la société de valider un travail social, de s'incorporer un savoir-faire mondial et non le moyen pour des moyens de production importés d'extraire une plus-value de rente. La protection de la compétition interne de la compétition externe, autrement dit une compétition sociale isolée de la compétition mondiale ne peut qu'introvertir la compétition sociale et ne conduire qu'à un transfert du capital du milieu interne vers le milieu externe, puis avec l'appauvrissement à une guerre civile. Seule une compétition sociale partie prenante de la compétition mondiale peut entraîner le mouvement inverse pour rééquilibrer les rapports du milieu interne et du milieu externe. Or les ressources de la période postcoloniale ont été peu propices à une entrée de la compétition sociale dans la compétition mondiale. La compétition sociale a été protégée de la compétition mondiale, reste à savoir ce qu'a permis une telle protection : accumulation de forces ou dissipation de ressources. A suivre... |
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