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Exit la «Pifométrie» ?

par Belkacem Ahcene Djaballah

Tout dernièrement, un accord de partenariat a été scellé entre l'Institut national de santé publique (Insp) et l'Ecole nationale supérieure de statistiques et d'économie appliquée (Enssea).

Voilà qui, peut-être, et il faut l'espérer, marquera une étape dans le renforcement des activités de recherche scientifique et d'études sur la santé publique en Algérie et, surtout, aider les opérateurs sur le terrain à mieux cerner et connaître les problèmes, à travers le éléments fournis par les chercheurs et, ainsi, mieux étudier pour réussir les projets et/ou les campagnes. Ou, au moins, avoir un minimum d'échecs ou un max' de réussites.

Je me permets non de douter -honni soit qui y pense- mais surtout et avant tout de m'interroger sur les suites de l'opération. Tout particulièrement sur sa continuité (ou sa constance).

Revenant à mes bons souvenirs, par le passé, on a eu un décret exécutif (Joradp n°77 du 3 novembre 1999) n° 99-243 du 31 octobre 1999, fixant «l'organisation et le fonctionnement des Comités sectoriels permanents de la recherche scientifique et du développement technologique» au niveau, entre autres, des institutions publiques telles que les ministères. En clair, ces ensembles composés de chercheurs, d'universitaires et de responsables administratifs sectoriels devaient fleurir et essaimer et, grâce à leurs réflexions, commandés ou non, sortir la décision politique et/ou administrative finale, juste avant l'exécution ou la mise en œuvre, de la sphère «pifométrique» afin qu'elle repose sur des études rationnelles, sur des données et des chiffres réels et non plus approximatifs. Les décisions finales raisonnées ne pourront alors qu'être efficaces.

Beaucoup d'eau a coulé sous les ponts depuis 99 et je ne crois pas savoir que ces comités aient fleuri. Une absence qui a laissé place, dans bien des secteurs, à l' «à-peuprisme» quand ce n'est pas à l'absence quasi totale ou la présence erronée d'images de la réalité des terrains. Ajoutez-y une absence de bonne diffusion (publique c'est-à-dire touchant le grand public et non pas seulement les spécialistes «numériquement» et par le biais de publications papier) des résultats des recherches multiples et divers entreprises au sein du secteur de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique et on aura, au final, une «navigation à vue», avec des résultats qui «tournent en rond», rendant difficile l'exécution des Plans et projets nationaux de développement projetés par le décideur politique.

Depuis quelques années, des efforts sont faits pour redresser la barre mais tout cela suffira-t-il à tenir en compte de l' «existence» du chercheur, à lui redonner confiance à travers le respect de sa production, à prendre en considération, avant toute décision finale, les résultats des recherches, commandées ou entreprises ça et là, à être exact sur les chiffres et les données, à ne plus émettre des conclusions hâtives ou se lancer dans des critiques généralistes. Bref ! Ne plus laisser perdurer la confusion entre les sciences (qui cherchent à comprendre) et les pratiques (qui cherchent à agir), que la démarche raisonnée et scientifique prenne le pas sur l'intuition et les affects et sur les «discours parasites» et/ou charlatanesques autour de la science. Et, surtout, ne pas croire que l'IA, ce nouveau totem (créé par l'Intelligence naturelle, humaine et donc, jamais neutre et incapable de penser et d'exprimer des choses improbables mais pertinentes en réduisant le champ des possibles selon des critères moraux) va résoudre ou même contourner les problèmes. Contribuer à découvrir rapidement les solutions ? Certainement ! En espérant qu'elle ne créera pas de «nouveaux» problèmes en étant mise au service d'objectifs inavouables ou criminels.

Ps: Svp, relire ma chronique du samedi 18 mars 2023 :»Les stat': (dire) tout... mais pas l'essentiel !»