![]() ![]() ![]() De l'industrie industrialisante au Conseil d'experts en industrie automobile: Qu'est-ce qui a vraiment changé ?
par Chaalal Mourad ![]() Il
est quand même curieux que depuis le troisième mandat de Bouteflika, le débat sur
l'industrie automobile s'est imposé en force sur tous les autres débats
concernant le développement du tissu industriel national en sa globalité. Après
les échecs à répétition, la création d'un conseil d'expertise nationale
consultatif dans l'industrie automobile et la fabrication des pièces détachées
serait-il en mesure de remettre cette filière sur de bons rails ?
Mais qui a convaincu nos décideurs de placer l'industrie automobile au cœur du schéma industriel national ? Certains avancent des raisons politiques. D'autres, la pertinence économique de cette filière qui pourtant, peine à préserver sa part de marché dans ses propres pays, à cause de la transition vers l'électrique, la concurrence accrue, les fluctuations économiques, ainsi que les contrainte normatives. Depuis son indépendance, notre pays avait expérimenté divers plans d'industrialisation, articulés autour du secteur publique. « L'industrie industrialisante » de Boumédiene qui axait sur les filières lourdes et de base en a été le plus significatif. En matière d'industrie, Boumédiene voyait grand et misait gros. Pétrochimie, construction mécanique, sidérurgie, textile, etc. Malheureusement et en l'absence de vision claire, de réalisme et de bonnes approches managériales, l'échec était inévitable. Voyant d'un très mauvais œil cet élan d'industrialisation du pays, l'ancien colonisateur n'aurait pas apprécié voir cet État Algérien récemment né, vouloir courir avant d'apprendre à marcher. Il aurait fait bouger ses leviers en intra-muros pour le capoter, disent certains. Contribuant à hauteur de 4,1% seulement au PIB national, tous les gouvernements qui se sont succédé depuis 1989, ont voulu faire du redressement industriel une priorité absolue. Cependant les reformes bâclées, le clientélisme et les scandales à répétition, n'ont fait que compliquer la situation. Le secteur industriel publique a était rendu anémique par l'impossibilité, durant plus d'une quinzaine d'années, d'investir dans la modernisation de ses outils de production, tandis que le privé lui s'était vu cantonné, à coups de bureaucratie dans des activités relevant plus du bazar et tourné vers l'importation que vers l'économie productive. En dépit de la volonté louable de vouloir ressusciter notre secteur industriel, certaines réalités, viennent nous rappeler ; à bien des égards, que l'Algérie s'est malheureusement forgé un contexte incompatible d'avec un «climat des affaires» sain. L'autre station déterminante dans cette histoire d'industrialisation, fut l'ère Ouyahia qui donna le coup de grâce à ce projet, en démantelant ce qui restait comme vestiges industriels de l'ère Boumediene. Son cheval de Troie : préparer le terrain à la privatisation à tour de bras d'un bon nombre d'industries publiques. Ainsi plus de 1500 entreprises industrielles publiques avaient été privatisé, dont 800 vendus au dinar symbolique. À cet effort de désindustrialisation, venait s'ajouter l'ingérence suspecte d'un administratif trop protectionniste envers les uns et trop restrictif envers les autres. Cela a été l'un des freins devant toute forme sérieuse d'industrialisation publique ou privée du pays. Un projet industriel à Tiaret, Saida ou Mascara, ne devait pas voir le jour si le même avait été projeté ou déjà opérationnel ailleurs, où des usines publiques en difficulté, étaient boostées, contrairement à ceux des régions tombées en disgrâce aux yeux des décideurs. Dans cette Algérie polarisée jusqu'aux os, chacun tirait la couverture de son coté. Contrairement aux autres, ces polarisés avaient accès directe à une information de première main et avaient leurs mots à dire chez des décideurs aussi polarisés qu'eux. Toute tentative d'industrialisation sérieuse de tout le pays n'était donc plus possible. En l'absence d'une cartographie industrielle nationale équilibrée et de vrais opérateurs industriels de tout le pays, ces gens ont pu dicter leur marche à suivre, fixer les priorités et dessiner le schéma industriel qu'ils voulaient pour le pays, secteur par secteur, filière par filière. Le dessin d'une cartographie industrielle déséquilibrée, avait commencé dés 1989 déjà. Habiller Paule et déshabiller Pierre étaient le modus operandi. L'industrie lourde doit être ici, la légère là-bas et les services ailleurs, c'est-a-dire, tout à fait l'opposé de ce que voulait Boumédiene. Dans certaines régions, les équipements des usines publiques fermées, ont atterri dans les régions où la dynamique industrielle était sans cesse boostée. Des usines privées flambant neuf, entravées elles aussi pour un bout de papier. Ainsi, en 2022, on apprend que 877 usines nouvelles, reparties sur 40 wilayas et prêtes à entrer en service, étaient en attente de délivrance d'autorisations d'exploitation. Problème soulevé par le président de la République Abdlemadjid Tebboune lui-même. L'industrie nationale n'était alors portée que par certains opérateurs plutôt que par l'ensemble des compétences nationales. Des patrons d'industries, jadis anonymes, du coup ont surgi dans ce paysage industriel fourbe ou l'on protège les amis de toute forme de concurrence interne ou externe. Pour remédier à cette problématique que posait l'équilibre régional, les mêmes opérateurs étaient invités à investir en dehors de leurs zones géographiques traditionnelles mais, sans valeur ajoutée réelle pour les wilayas d'accueille, qui pourtant, leur ont tout facilité et leur ont tout offert : foncier, main d'œuvre bon marché et énergie, etc. Revenons donc à cette fièvre de l'industrie automobile qui s'en est emparée de nos dirigeants. Un secteur secoué par moult scandales, est devenu source de préoccupation en raison de ses échecs à répétions. N'arrivant plus à installer une industrie automobile sérieuse et viable, on se sentait obligé de faire quelque chose. Cependant et en l'absence de vision claire et révision des stratégies, cela sonnait faux. L'Algérie a voulu développé sa propre filière automobile en faisant appel aux mêmes partenaires étrangers Renault et Fiat, installés au Maroc depuis les années 50 déjà. L'Algérie n'arrivait donc ni à construire sérieusement des bagnoles ni les importer d'une manière rationnelle. Abus, malversations, corruption et incompétences, ont été derrière la faillite des usines automobiles « made in Algéria » qui a traîné ses patrons dans les tribunaux. À ce jour, ce fiasco ne cesse d'alimenter une grande controverse nationale. Des concessionnaires sans aucune expérience du monde industriel, devenus très riches par l'importation de véhicules dans un marché spéculatif qui les protégeait de toute forme de concurrence, du jour au lendemain, sont devenus des patrons d'industrie. L'importation de véhicules leur faisait gagner un argent fou et ils n'étaient pas disposés à lâcher. La Chine était là pour fournir des usines bon marché, à configuration minimale et clé en main. Exception faite pour les plus sérieux des opérateurs privés, qui dés le début, ont épousé une vision sérieuse et pérenne. Se pliant donc aux exigences des énièmes cahiers des charges à monter localement via leurs partenariats étrangers des ateliers de »montage automobiles» ont vu le jour, mais plus en configuration » garage spécialisé » que de vraies usines de montage, aux standards internationaux. Dés lors, des partenariats privés, ont vu le jour en 2016 et 2017 avec le sud-coréen Hyundai et l'allemand Volkswagen, installés à Tiaret et à Relizane. Après Renault en 2014, en partenariat publique avec la SNVI et le FNI (Fonds national d'investissement). Au lieu de focaliser sur des filières nationales d'équipementiers et de fabricants de pièces de rechange, en invitant les grandes équipementiers et fabricants de pièces de rechange du monde, à venir investir chez nous, comme Ils le font en Asie pour produire en OEM ( Original Equipment Manufacturer), c'est-à-dire des pièces d'origine et dont la production alimentera aussi bien la chaîne d'approvisionnement nationale qu'internationale, nos décideurs ont invité des marques d'automobiles qui eux-mêmes dépendent à hauteur de 60 à 80% d'éléments intégrés provenant de divers régions du monde. Au demeurant, ces intrants coûtent des millions de dollars en importation annuelle à notre trésorerie publique. Contrairement à la filière automobile qui suffoque sous les contraintes normatives, de concurrence et qui vit un contexte difficile, la filière équipementier et celle de la pièce de rechange, affichent quant à elles chaque année des résultats économiques stables. Il faut savoir qu'un véhicule moderne intègre quelques 30.000 éléments, tous fournis en chaîne d'approvisionnement mondialisée. Compter sur des sous-traitants locaux pour assurer 40% d'intégration est surréaliste. En plus, et bien quelles ne soient destinées que pour le marché local, les pièces fabriquées localement, se heurtent aux problèmes d'homologation. Sachant que les pièces d'origine constructeur peuvent parfois être re-usinées par des sous-traitants locaux sous un cahier des charges moins contraignant. Cependant il est fondamental pour les marques automobiles de s'assurer que leurs véhicules n'intègrent que des pièces d'origine pour assurer un niveau de qualité et de sécurité fiable et constant. Nonobstant le lancement le 22 février 2025 du réseau national des producteurs locaux de pièces détachées pour véhicules automobiles demeure une bonne décision. Idem pour ce nouveau conseil d'experts lancé par le ministère de l'industrie dont les contours doivent à mon sens être peaufinés. En effet, cette nouvelle structure à caractère consultatif se présente comme un fourretout qui rassemble l'ensemble des intervenants du domaine automobile : experts et opérateurs industriels en intra et en extra muros. Avec le risque de conflit d'intérêts, puisque chacun voudra imposer ses choix restreints. Théoriquement, le but de ce conseil est « l'élaboration de recommandations stratégiques définissant les bases techniques et réglementaires nécessaires au développement d'une industrie nationale concurrentielle et au renforcement de l'intégration industrielle ». Bien que l'Algérie soit dotée depuis 2005 d'un organisme de normalisation technique dans le domaine mécanique que préconisait déjà le décret exécutif n° 05-464 du 06 /12/2005, sous l'égide de l'Institut Algérien de normalisation IANOR, ce conseil d'experts résonne plus comme un organisme consultatif et de proposition qu'autres choses. Pour rappel, soixante-douze comités techniques nationaux mis en place à partir de l'année 1989 ont doté les opérateurs économiques des premières normes algériennes. Finalement, ce conseil d'experts devra s'inscrire dans une perspective de développement national de cette filière et sortir des schémas traditionnels. Il faut donc rendre à l'industrie nationale toutes ses lettres de noblesse moyennant une vision réaliste, claire et viable. Encourager les micros entreprises et les industries intelligentes et savoir choisir ses partenaires et ses consultants en intra comme en extramuros et surtout, dresser une cartographie industrielle exhaustive du paysage industriel du pays pour savoir qui fait quoi et où ? Avec des actualisations semestrielles et bien sûr, assainir le foncier industriel, devenu plus une zone de stockage que de production pour certains opérateurs parasitaires. |
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