![]() ![]() ![]() Insécurité dans les cités: Société civile à l'épreuve et police communale en perspective !
par Cherif Ali* ![]() Des
groupes de jeunes délinquants s'organisent en gangs territorialisés,
revendiquant des espaces extérieurs comme leur propriété privée. Des conflits
surgissent à propos de l'utilisation de ces lieux publics, générant un
sentiment d'insécurité, suivi d'agressions sur les personnes et de dégradations
sur leurs biens. Ce climat contribue à dépeindre des quartiers entiers comme
des zones de «non-droit».
S'agit-il d'un épiphénomène ou d'un sérieux problème sociétal ? Cette violence d'un nouveau genre touche notamment les nouvelles cités, où des bandes, souvent composées de dealers et de trafiquants de drogues, imposent leur diktat. Les cris de détresse des familles, les appels réitérés des citoyens et leurs multiples sollicitations appellent à une riposte ferme et surtout à une thérapie de choc, capable de s'attaquer aux racines de cette criminalité qui menace ouvertement la cohésion de la société. Aujourd'hui plus que jamais, les incivilités, déviances et violences urbaines contre les personnes et les biens sont au cœur de l'actualité de notre pays. Un phénomène qui s'accentue avec l'urbanisation accélérée et le relogement d'habitants venus d'horizons divers, dont l'incompatibilité à vivre ensemble apparaît au grand jour. Ces incidents se multiplient, au grand dam des habitants des cités populaires qui n'en peuvent plus. Les grands ensembles d'habitat ont été livrés à des populations contraintes d'apprendre le «vivre-ensemble», ce qui ne va pas sans frictions. Dès lors, une question essentielle s'impose : que faire pour éradiquer ou, à défaut, contenir ces explosions sporadiques de violence ? Quels leviers d'action envisager ? 1. Mettre à contribution la société civile Si les forces de sécurité assurent la répression nécessaire, la solution durable réside dans la prévention et la reconstruction du lien social. Ici, la société civile apparaît comme un acteur incontournable. Les associations de quartier peuvent jouer un rôle d'alerte et de médiation. En étant au plus près des réalités locales, elles identifient les familles en difficulté, les jeunes à risque, et peuvent contribuer à prévenir les tensions. Les structures éducatives et les comités de parents ont un rôle essentiel. L'école doit redevenir un espace de citoyenneté. Avec l'appui des associations, des programmes de soutien scolaire, d'activités sportives et culturelles, ou encore de sensibilisation au respect des espaces communs, peuvent détourner les jeunes de la rue et de la délinquance. Les acteurs religieux et culturels - mosquées, maisons de culture, clubs sportifs - peuvent véhiculer des valeurs de respect, de solidarité et de vivre-ensemble. Ils sont un antidote à l'oisiveté, terreau des dérives. Les citoyens eux-mêmes doivent être associés. La mise en place de cellules de vigilance citoyenne, en coordination avec les communes et les forces de l'ordre, pourrait renforcer la confiance et la sécurité dans les cités. Enfin, la coopération avec les autorités locales est déterminante. Des forums de concertation réguliers entre habitants, élus et services de sécurité, ou encore des partenariats public-privé-associatif (ex. sponsoring d'activités de jeunes par des entreprises locales), constitueraient des instruments de régulation sociale efficaces. En somme, la société civile ne doit pas être un simple spectateur, mais un partenaire stratégique dans la coproduction de la sécurité et la restauration du vivre-ensemble. 2. La police communale : un débat à rouvrir En parallèle, la réflexion sur la création d'une police communale mérite d'être relancée. Le code communal, dans son article 93, prévoit théoriquement un tel corps. Pourtant, il n'existe pas, laissant les maires démunis face aux appels pressants de leurs administrés. Certains responsables, à l'instar de Daho Ould Kablia, avaient proposé de donner corps à ce projet, en s'appuyant notamment sur les anciens gardes communaux. Une telle structure, loin de concurrencer la police nationale et la gendarmerie, pourrait assumer des missions de proximité : rassurer la population, gérer les conflits de voisinage par le dialogue, servir de relais entre les habitants, le maire et les forces de l'ordre, contribuer à la prévention, au social et à la tranquillité publique. Néanmoins, plusieurs défis demeurent : Quelle tutelle ? Celle du maire, au risque de dérives, ou du ministère de l'Intérieur ? Faut-il armer ce corps, et si oui, dans quelles limites ? Quels moyens financiers et humains lui allouer, alors que le pays traverse une conjoncture économique difficile ? Le débat reste donc ouvert, mais il ne peut être éludé, car il n'est pas question d'abandonner nos cités aux gangs et aux trafiquants ! Conclusion La montée des violences urbaines interpelle la société algérienne dans son ensemble. Elle exige une approche globale : répressive, certes, mais surtout préventive et sociale. La société civile doit être érigée en premier rempart, en acteur de prévention, de médiation et de cohésion. La question de la police communale, quant à elle, mérite d'être revisitée avec sérieux, pour renforcer la proximité sécuritaire sans empiéter sur le rôle des forces classiques. Laisser prospérer des zones de non-droit reviendrait à fragiliser l'autorité de l'État et la cohésion nationale. C'est pourquoi la balle est désormais dans le camp des décideurs, notamment ceux de la Commission nationale de révision des codes communal et de wilaya, pour trancher ce débat et donner aux citoyens les outils nécessaires à une sécurité partagée. *Ancien Cadre supérieur de l'Etat |
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