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Femme, mérite et développement: Entre avancées légales et débats instrumentalisés

par Salah Lakoues

L'Algérie a franchi une nouvelle étape importante dans l'affirmation des droits et du rôle des femmes dans la société. La récente décision de lever une réserve de longue date sur un article précis de la Convention CEDAW, qui concerne la liberté pour hommes et femmes de choisir leur lieu de résidence, est en réalité un simple ajustement technique, parfaitement cohérent avec nos réformes nationales déjà engagées.

Pourtant, cette évolution juridique responsable est aujourd'hui l'objet d'une polémique virulente, lancée et amplifiée par des courants conservateurs et rétrogrades. Ces derniers exploitent un malentendu délibérément grossi pour créer un climat de controverse artificielle, dans l'espoir d'occuper la scène politique et de remettre en cause les progrès concrets qui ont été réalisés.

Un malentendu déformé en prétexte politique

Il faut rappeler clairement les faits : la réserve levée ne concerne pas les domaines sensibles du statut personnel ou de l'héritage, qui restent protégés par notre Constitution et nos lois inspirées de l'Islam. Elle porte uniquement sur un alinéa déconnecté depuis longtemps de notre texte légal, car sa base juridique a été abrogée en 2005. Ainsi, la levée de cette réserve est un acte technique visant à harmoniser le droit algérien avec ses engagements internationaux, sans altérer notre identité juridique ni nos valeurs culturelles.

Par ailleurs, ces forces conservatrices savent parfaitement que la grande majorité des femmes algériennes, qui sont plusieurs millions, subviennent aux besoins de leurs familles, travaillent, s'organisent et accomplissent leurs responsabilités sans qu'aucune restriction problématique liée à la résidence ou à la circulation ne vienne entraver leur quotidien. Le débat mis en scène sur ce point est donc un faux-semblant, un prétexte fabriqué de toutes pièces pour détourner l'attention. Pourtant, certaines voix cherchent à en faire une remise en cause des fondements de notre société. Ce brouillage intentionnel vise à alimenter les peurs, à rallumer d'anciens débats stériles, et surtout à détourner l'attention des véritables enjeux : la pleine reconnaissance et l'intégration effective des femmes dans tous les compartiments de la vie économique, sociale et politique.

L'excellence féminine, un moteur de développement ignoré

Car au-delà de ces polémiques, la réalité est claire et saisissante : les jeunes filles algériennes brillent par leur mérite scolaire, qu'illustrent des exemples remarquables comme celui de Rawnak Zani ou Malak Yahiyaoui, premières lauréates des concours nationaux et symboles d'une génération ambitieuse et engagée. Cette réussite n'est pas seulement individuelle : elle est l'expression vivante du rôle crucial que joue la femme dans le développement de notre pays.

De l'éducation à l'université jusqu'aux portes du monde professionnel, les femmes représentent plus de la moitié des étudiantes et font preuve d'une résilience et d'une énergie exceptionnelles. Pourtant, elles butent encore trop souvent sur des plafonds invisibles, dans l'accès aux postes à responsabilité, ou face à des contraintes sociales qui freinent leur plein épanouissement.

Dépasser le débat stérile pour adopter des mesures structurelles

Face à ces enjeux, il est urgent que notre société et nos institutions cessent le jeu de la diversion et passent à l'action concrète. L'État doit mettre en œuvre une politique claire : observer et soutenir les parcours d'exception féminins, encourager la présence des femmes dans les sphères de décision par des quotas temporaires, développer des programmes de mentorat, et adapter le cadre professionnel aux réalités des femmes d'aujourd'hui, notamment en matière de conciliation vie familiale/vie professionnelle. Ces avancées ne sont ni des concessions ni des privilèges, mais des leviers indispensables pour tirer pleinement parti d'une moitié du potentiel national. Renforcer la place des femmes est un choix stratégique pour accélérer la croissance économique, réduire les inégalités et bâtir une société plus juste et plus innovante.

Refuser les instrumentalisations pour avancer ensemble

La levée partielle de la réserve CEDAW est une étape technique qui vient clarifier notre droit et sécuriser nos engagements internationaux. Elle ne remet pas en cause nos valeurs ni notre identité. À ceux qui veulent voir dans cette évolution un prétexte pour rouvrir des vieux débats politisés, il faut répondre avec fermeté : l'Algérie préfère avancer, encourager ses filles brillantes, et bâtir un avenir où le mérite et l'égalité seront enfin des réalités concrètes, débarrassées des jeux d'ombres idéologiques. La force de notre pays réside dans sa capacité à accueillir toutes ses filles et tous ses fils dans le projet national, à reconnaître leur talent et à leur donner les moyens de participer pleinement au développement économique et social. C'est ainsi que nous assurerons une Algérie plus forte, plus juste et plus prospère.