Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

L'escroc condamné à 10 ans de prison à Londres : L'Algérie aurait acheté de faux détecteurs d'explosifs

par Moncef Wafi



Son nom ne vous dira rien mais il est forcément connu des services de sécurité de plusieurs pays pour avoir été bernés par les fameux Advanced Detecting Equipment (ADE) de James McCormick. Ces ADE, ces détecteurs d'explosifs réputés « infaillibles » dans un rayon d'un kilomètre, qui ont fleuri depuis quelques années dans les barrages fixes des services de sécurité des pays en proie à des violences domestiques. Parmi les victimes de ce truand au col blanc, le quotidien français, « Le Monde », cite l'Algérie entre les clients de McCormick. Tous les automobilistes algériens ont eu le loisir de contempler à satiété ces boîtiers en main semblables à un gros allume-gaz, et sa longue antenne, similaire à celle d'un poste de radio dans les barrages routiers de la Gendarmerie nationale ou encore de la police et de se demander, dans un premier temps, à quoi pouvait servir ces bidules. Depuis 2010, les sûretés de wilayas du pays ont été dotées de détecteurs d'explosifs capables de déceler la moindre trace de substance explosive aussi bien à l'extérieur qu'à l'intérieur d'un véhicule. Ce matériel importé par l'Algérie est destiné à être utilisé par les brigades mobiles de la police judiciaire (BMPJ), au niveau des points de contrôle établis à travers le territoire national. Considérés comme les plus performants du marché, ils sont utilisés notamment aux Etats-Unis et au Canada. James McCormick, ce Britannique de 57 ans, après trois ans et demi d'une enquête policière, débutée en 2009, a été condamné, ce jeudi, à dix années de prison pour fraude. Celui qui se faisait passer pour un homme d'affaires déclarait avoir inventé une technologie révolutionnaire qui permettait de détecter des explosifs dans un rayon d'un kilomètre. Plus encore, l'ADE pouvait également détecter de la drogue, de l'ivoire, des billets de banque ou toute autre substance, voire des êtres humains, de quoi mettre en déroute terroristes et contrebandiers. Cette arnaque « explosive » a conquis des services de sécurité du monde entier qui se sont arraché l'ADE. 7 000 appareils pour plus de 50 millions d'euros seront ainsi vendus en Irak, Afghanistan, Niger, Arabie saoudite, Géorgie, Thaïlande mais aussi la Libye de Kadhafi ou les rangers kenyans. Même les Nations unies au Liban se sont fait berner, à l'instar de l'ancien chef du gouvernement libanais, Michel Aoun, dont la garde rapprochée utilisait l'ADE. Des pays ciblés dont le trait commun reste la situation sécuritaire sensible émaillée d'attentat à l'explosif. Cependant, l'Irak a été le principal client de James McCormick, avec 45 millions d'euros d'achats entre 2008 et 2010, et on soupçonne derrière cet engouement, malgré les mises en garde de l'armée américaine, plusieurs attentats à la bombe qui ont échappé à la vigilance des services de sécurité irakiens. Dès 2009, l'inspecteur général du ministère de l'Intérieur irakien, Akil Al-Turehi, a ouvert une enquête qui conduira à suspecter dix à quinze hauts responsables du pays qui auraient touché des pots-de-vin pour acquérir des milliers d'exemplaires de l'ADE. Trois sont aujourd'hui sous les verrous, dont l'ex-responsable des démineurs de Bagdad, le général Jihad Al-Jabari. McCormick, même s'il écope de dix ans pour fraude devrait cependant échapper à toute poursuite criminelle, parce qu'il sera très difficile à la justice de prouver le lien entre un attentat non évité et la vente de ces équipements. Désormais, la police britannique cherche à confisquer sa fortune. Elle a déjà gelé près de 18 millions d'euros, mais estime qu'une somme équivalente aurait été blanchie via Chypre, le Belize ou Beyrouth.