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LA DYNAMIQUE D'AT-TAHRIR

par M. Saadoune

L'accord interpalestinien signé mardi au Caire entre le Fatah et le Hamas résistera-t-il aux pressions israélo-américaines ? La question peut valablement se poser au regard de l'expérience. Ce type d'accord n'est pas le premier signé entre les deux principales formations politiques palestiniennes et les ruptures ont rapidement succédé aux poignées de mains.

 Il faut dire que les précédents accords imposés au Hamas par les anciennes autorités égyptiennes, soucieuses de complaire et même de prévenir les desiderata des Etats-Unis, étaient entièrement à l'avantage d'une «Autorité» palestinienne elle-aussi complètement soumise à l'agenda américain. L'accord du 3 mai paraît plus équilibré et ne semble pas constituer une manœuvre visant à isoler le Hamas pour mieux préparer la récupération politique de Ghaza.

 Il s'agit en l'occurrence d'une première manifestation d'une expression autonome de la diplomatie égyptienne post-Moubarak. Si le degré de rupture avec l'ancien régime n'est pas encore clair, le changement d'attitude du Caire est très perceptible et traduit incontestablement une avancée importante vers une politique étrangère indépendante. Israël ne voit pas d'un bon œil la constitution d'un front uni palestinien qui pèserait d'un poids bien plus significatif auprès de l'opinion mondiale et des institutions internationales dans un contexte global de reconnaissance de l'Etat de Palestine par de très nombreux pays.

 Washington, complètement aligné sur le Likoud, a également manifesté sa réprobation devant cet accord qui sort du cadre fixé par les Américains à l'Autorité de Ramallah. De fait, les négociateurs perpétuels de cette Autorité, qui avaient tout misé sur le soutien des Etats-Unis et une relative «compréhension» des Israéliens, se sont rendus à l'évidence. Les négociations ne mènent à rien et n'aboutissent qu'à la consolidation de la muraille «défensive», à une colonisation accélérée, à la judaïsation systématique de Jérusalem et à la permanence de l'occupation.

 Israël, assuré de sa supériorité militaire et du soutien illimité et inconditionnel des Etats-Unis, campe dans une position de mépris total du droit et dans une dérive assumée vers l'apartheid. De fait, la rivalité ? entretenue ? entre les deux principales formations palestiniennes ressemble beaucoup à celle qui prévalait en Afrique du Sud raciste entre l'ANC et l'Inkhata.

 Netanyahu, le chef du gouvernement de Tel-Aviv, craint que le rapprochement interpalestinien ne débouche sur la constitution d'un Etat «islamiste». L'argument israélien ressemble également à celui des racistes sud-africains qui craignaient qu'un accord politique unifiant les forces politiques anti-apartheid ne soit le prélude à la formation d'un Etat «communiste».

 L'épouvantail, pour avoir changé de nature, relève dans tous les cas d'un exercice de propagande qui ne trompe pas grand monde. La perspective d'un gouvernement d'union nationale composé de technocrates et l'organisation d'élections générales dans quelques mois inquiètent les dirigeants israéliens, qui perdent ainsi un levier très efficace pour justifier leur intransigeance et leur refus effectif de négocier.

 Par cet accord, l'immobilisme israélien, tout entier fondé sur la spoliation et le déni de droit à l'autodétermination du peuple palestinien, perd l'un de ses principaux prétextes. Il reste à voir si la dynamique enclenchée au Caire mardi dernier pourra résister aux pressions occidentales.

 En tout état de cause, les manœuvres d'isolement de Ghaza et de diabolisation du Hamas, si elles ont permis aux Israéliens de gagner du temps, n'auront pas donné les résultats escomptés. L'Etat de Palestine sera celui que le peuple palestinien choisira en toute liberté.