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Comment les peuples autochtones vont-ils faire avancer la COP30 ?

par Sonia Guajajara*

BELÉM - La conférence des Nations unies sur le changement climatique (COP30) qui se tiendra cette année à Belém, au Brésil, est attendue avec impatience dans le monde entier. Une COP en Amazonie suscite des attentes chez tous ceux qui reconnaissent l'urgence du changement climatique et son impact sur nos vies et notre environnement. C'est pourquoi le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva l'a qualifiée de «COP de la vérité».

En tant que co-organisateurs de cette COP, les peuples indigènes et les communautés locales de la région amazonienne du Brésil comprennent ce qui est en jeu. Nous sommes parmi ceux qui souffrent le plus du changement climatique, car nos vies et nos moyens de subsistance sont directement liés aux écosystèmes naturels et à la biodiversité que le réchauffement climatique menace. Nous faisons également partie de ceux qui peuvent apporter certaines des réponses les plus efficaces à ce problème. Par exemple, les territoires gérés par les peuples autochtones et les communautés locales affichent des taux de déforestation jusqu'à 50 % inférieurs à ceux des autres régions.

Ce n'est pas un hasard. Nous sommes spirituellement liés à la nature ; en nous appuyant sur les connaissances traditionnelles pour sauvegarder nos territoires, nous protégeons également des puits de carbone et des services écosystémiques essentiels qui profitent à tous.

Pour atteindre les objectifs urgents inscrits dans l'accord de Paris sur le climat, tout le monde doit reconnaître les contributions des peuples autochtones dans la formulation des politiques climatiques. Cela signifie qu'il faut reconnaître la protection territoriale et les politiques foncières comme des mesures climatiques intrinsèquement efficaces.

Cette reconnaissance met également en lumière un autre problème. Historiquement, les peuples autochtones ont reçu le moins de ressources dans le cadre des flux financiers liés au climat et à l'environnement : moins de 1 % de l'ensemble des financements parvient en effet à ces territoires, ce qui est à la fois inefficace et injuste. C'est pourquoi le gouvernement brésilien, en étroite collaboration avec d'autres pays et des organisations autochtones, s'est donné beaucoup de mal pour que la COP30 profite à ceux qui protègent les forêts.

Parmi les mesures nécessaires pour que cela devienne une réalité, il y a l'engagement intergouvernemental sur le régime foncier,, annoncé lors du sommet des dirigeants mondiaux de la COP30 le 6 novembre. L'objectif est de reconnaître et de sécuriser une quantité prédéfinie de terres ou de territoires gérés par les peuples autochtones et les communautés locales d'ici à 2030. Cet accord historique n'est pas seulement ambitieux ; il s'agit également du premier engagement mondial en matière de régime foncier. Le Brésil a travaillé avec le Partenariat des leaders pour les forêts et le climat, une coalition de 36 gouvernements et l'Union européenne, pour faire avancer cet engagement vital, préparant ainsi le terrain pour que la COP30 devienne un moment décisif dans l'agenda mondial sur le climat.

En outre, les gouvernements donateurs et les institutions philanthropiques renouvelleront un engagement pris en 2021 (initialement lors de la COP26 à Glasgow) d'allouer 1,7 milliard de dollars supplémentaires au cours des cinq prochaines années à des programmes visant à renforcer les régimes fonciers et les forêts. L'engagement initial a dépassé l'objectif initial et 1,86 milliard de dollars ont déjà été mobilisés. En le renouvelant, les gouvernements et la société civile montrent qu'ils restent plus que jamais attachés à cette dimension essentielle de l'action climatique.

Après avoir été annoncés par les chefs d'État et de gouvernement, ces engagements seront officiellement signés le 17 novembre lors d'un événement présentant le programme d'action de la COP30, dont l'un des thèmes centraux est l'instauration d'un «équilibre éthique mondial». Par exemple, on estime qu'environ 10 % seulement de ces 1,86 milliard de dollars ont été transférés directement aux peuples autochtones et aux communautés locales. Avec la «promesse 2.0», et dans le cadre du programme d'action de la COP30, nous visons à augmenter ce pourcentage de manière substantielle. Ceux qui gèrent leurs territoires plus efficacement méritent de gérer une plus grande part des ressources allouées à la protection territoriale.

À la suite de l'annonce faite lors du sommet des dirigeants mondiaux, les engagements financiers et fonciers seront officiellement lancés lors d'un événement dans la zone bleue que je dirigerai le 17 novembre. Je serai accompagné de ministres et de fonctionnaires d'autres pays tropicaux, de donateurs, d'institutions philanthropiques et, bien sûr, de dirigeants autochtones.

En outre, ces engagements serviront de base à une autre initiative majeure de cette COP : le lancement du Mécanisme pour l'amélioration des forêts tropicales. Les peuples autochtones et les communautés locales étant essentiels pour garantir le succès de la mise en œuvre de cette facilité, ils géreront au moins 20 % des fonds qu'elle mobilisera.

Il s'agit là d'avancées majeures, et il est important de rappeler qu'elles n'ont été rendues possibles que parce que les peuples autochtones et les communautés locales ont exigé d'avoir leur mot à dire dans les processus de prise de décision. La participation est essentielle à la reconnaissance. C'est pourquoi nous avons un ministère des peuples autochtones au Brésil, et c'est pourquoi la COP30 mettra en valeur nos voix et nos points de vue uniques. Grâce à mon ministère, à des organisations autochtones et à d'autres partenaires, nous rendons possible le village de la COP, un lieu d'hébergement pour trois mille autochtones qui seront au cœur de cette COP.

Nous aurons également le plus grand nombre d'autochtones au monde accrédités dans la zone bleue, grâce à la création d'un cercle populaire par la présidence de la COP30. En offrant de meilleures formes de participation et de plaidoyer, le Brésil a créé les conditions pour que les peuples autochtones et les communautés locales soient entendus comme jamais auparavant.

Le Brésil invite tous les gouvernements, donateurs et institutions de développement à adhérer à l'engagement intergouvernemental sur le régime foncier et à contribuer à l'engagement renouvelé sur les terres et les forêts. Ce n'est qu'en travaillant ensemble que nous pourrons protéger les écosystèmes de la planète, renforcer le régime foncier et les droits des peuples autochtones et des communautés locales, et investir dans les populations, fondement d'un développement résilient, d'une transition juste et d'une stabilité climatique durable.



*La ministre brésilienne des peuples autochtones.