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La paralysie budgétaire la plus longue de l'histoire plonge les États-Unis dans une crise politique et institutionnelle

par Salah Lakoues

Depuis plus d'un mois, Républicains et Démocrates s'enlisent dans un bras de fer budgétaire sans précédent, provoquant l'arrêt partiel de l'administration fédérale. Derrière ce blocage, c'est toute la fragilité du système politique américain qui se révèle, sur fond de polarisation extrême, de calculs électoraux et de perte d'influence internationale.

Un pays paralysé par ses divisions internes

Depuis le 1er octobre, les États-Unis vivent un «shutdown» historique : aucune entente n'a été trouvée entre les Républicains et les Démocrates pour adopter un nouveau budget fédéral. Cette paralysie budgétaire, la plus longue jamais enregistrée, a déjà dépassé les 35 jours du précédent record établi en 2019.

Ce blocage traduit la fracture politique profonde qui divise Washington. Les Républicains, dominés par leur aile la plus conservatrice, réclament des réductions massives de dépenses publiques, notamment dans les aides sociales et les programmes climatiques. Les Démocrates, eux, refusent de céder sur ces acquis, accusant leurs adversaires de «prendre le peuple américain en otage» à des fins électorales.

Des Millions d'Américains touchés

Les conséquences se font durement sentir sur le terrain :

Des centaines de milliers de fonctionnaires fédéraux sont en chômage technique ou contraints de travailler sans salaire jusqu'à la fin de la crise.

Les aides sociales destinées aux familles modestes sont ralenties ou suspendues.

Les aéroports sont perturbés par des pénuries de contrôleurs aériens, provoquant retards et annulations de vols.

Le ministre des Transports a même averti qu'une fermeture partielle de l'espace aérien américain n'était plus à exclure si le blocage persistait.

Selon le Bureau du budget du Congrès (CBO), un «shutdown» de huit semaines ferait chuter le PIB du quatrième trimestre de 2 points, une perte partiellement récupérable mais révélatrice de la fragilité économique du pays.

Des calculs politiques avant tout

À moins d'un an de l'élection présidentielle, cette crise budgétaire est aussi une arme électorale.

Les Républicains veulent démontrer l'»ingouvernabilité» du pays sous la présidence démocrate et renforcer le discours de Donald Trump sur la nécessité d'un «retour à l'ordre».

Les Démocrates, de leur côté, accusent les Républicains de saboter l'État pour affaiblir le président en place.

Cette lutte de pouvoir accentue le climat de méfiance entre institutions et nourrit un sentiment d'usure dans la population, déjà éprouvée par l'inflation, la dette et la précarité croissante.

Un signal d'alarme pour le monde

Sur la scène internationale, ce blocage prolongé envoie un mauvais signal :

Les alliés européens s'interrogent sur la fiabilité d'un partenaire affaibli par ses divisions internes.

Les pays du Sud global y voient la confirmation du déclin d'un modèle politique présenté depuis des décennies comme exemplaire.

Les rivaux stratégiques, notamment la Chine et la Russie, profitent de cette désorganisation pour renforcer leur image de stabilité et consolider leurs alliances économiques et diplomatiques.

Ainsi, cette crise dépasse la seule question budgétaire : elle révèle une érosion du leadership américain, miné par la polarisation et la perte de cohésion interne.

Une démocratie en panne de gouvernance

La paralysie budgétaire actuelle est le symptôme d'une crise plus profonde : celle d'un système démocratique épuisé, incapable de se réformer.

Entre dette publique record, polarisation idéologique et affaiblissement du consensus national, les États-Unis donnent aujourd'hui l'image d'une superpuissance en perte de contrôle.

Ce «shutdown» pourrait bien marquer un tournant historique : celui où l'Amérique, longtemps modèle de stabilité, révèle au monde les failles d'une gouvernance désormais en crise.