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Médicament Crainte d'un «monopole privé»

par A. Mallem

Les dernières déclarations du ministre de la Santé au sujet de la réorganisation du secteur de la distribution du médicament, ont suscité des réactions controversées chez les professionnels et les principaux représentants du secteur de la pharmacie qui nous ont contactés pour donner leur point de vue.

En premier, M. Bouherid, coordinateur du bureau de wilaya de Constantine du Syndicat national des pharmaciens d'officines (SNAPO), pense «que le gouvernement se confine toujours dans le rôle du pompier, après avoir laissé longtemps le secteur sans contrôle, entre les mains d'une faune de commerçants dont le seul souci était le gain facile et rapide. Il est impératif, dit ce responsable, que le secteur du médicament, de la production à la distribution, en passant par l'importation et la grossisterie, soit professionnalisé et géré par des pharmaciens diplômés car il s'agit d'un problème de santé publique».

Evoquant la liste des médicaments interdits à l'importation, ce pharmacien estime que cette mesure est en vigueur depuis des années, «mais cela n'a jamais empêché de voir en permanence ces fameux médicaments sur les étagères des pharmacies et pour cause, ceux-ci ne sont pas fabriqués localement». Et pour illustrer ses propos, il donne un exemple: celui de la Digoxine en comprimés, un médicament pour cardiaques et le Foradil en comprimés nécessaire aux insuffisants respiratoires, qui ne sont pas fabriqués par les producteurs locaux. «Ces médicaments vitaux pour les malades, sont actuellement en rupture de stocks», a indiqué M. Bouherid qui estime que «la production locale est insuffisante et n'est pas encore en mesure de répondre aux besoins».

L'opinion de M. Baghloul, président du Conseil régional de l'ordre des pharmaciens, va plutôt dans le sens d'un soutien aux mesures annoncées par le ministre puisque celui-ci n'a pas manqué de «saluer» ses décisions et de voir «que le problème du médicament est pris à bras-le-corps» par le premier responsable du secteur. «A l'évidence, dit-il, on sent qu'il y a une volonté réelle de régler le problème du médicament». Jugeant la décision de réduire le nombre d'importateurs «tout à fait pertinente», ce responsable estime que «les enjeux inhérents au contrôle de la distribution du médicaments sont trop importants pour que le secteur soit laissé à la portée du premier venu. Au niveau du conseil de l'ordre, nous avions tiré la sonnette d'alarme depuis belle lurette en dénonçant les dérives connues par le secteur car la pharmacie qui devait être un espace santé, est devenue un espace commercial, géré par des gens qui n'ont aucun rapport avec la profession et l'officine ne connaissait aucune espèce de contrôle».

 Il juge «qu'il y avait un antagonisme entre les exigences de santé publique et l'aspect commercial». Il rappelle que son organisme avait demandé l'installation urgente d'une agence nationale de produits pharmaceutiques pour réguler et contrôler le marché du médicament. «Et nous sommes très contents de l'entrée prochainement en fonction de cette agence».

 Affirmant avoir entendu dire que des pharmaciens auraient proposé au ministre, la mise en place de «chaînes pharmaceutiques», le président du conseil régional de l'ordre des pharmaciens s'est demandé ce que cela veut dire. «Nous avons des réserves à émettre sur cette idée car nous soupçonnons, à juste titre, que c'est une tentative de créer une sorte de monopole privé qui s'installera à côté de celui de l'Etat. Et cela est inquiétant parce que, demain, des multinationales du médicament vont s'installer en Algérie pour gérer le secteur et menacer la souveraineté nationale». M. Baghloul dira, enfin, que «le pays recèle des compétences certaines qui peuvent gérer le secteur du médicament et le conseil de l'ordre des pharmaciens est tout à fait disposé à apporter son concours dans ce domaine».