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Vers un face-à-face Chine-USA (2ème partie)

par Pierre Morville

De sommet en sommet, Obama et Hu Jintao semblent n'être d'accord sur rien.

Après le sommet du G20, L'Apec, « l'Association des pays de l'Asie-Pacifique » réunissait ses membres samedi dernier, à Yokohama, au Japon. Chinois, Russes, Américains et autres pays de la zone asiatique et nord-américaine, ont donc continué à échanger de façon certes, fort infructueuse et parfois sur un ton très aigre sur le devenir de l'économie mondiale.

 Il est vrai que les conclusions du Sommet de Séoul, deux jours plus tôt, qui réunissait les 20 pays les plus riches de la planète (80% du PNB mondial !) ne brillaient pas, et c'est peu dire, par leur hardiesse à trouver quelques solutions à la crise économique, financière et banquière mondiale ouverte en 2008. Selon les chefs d'états réunis, les «grands déséquilibres persistants» des comptes courants sauront évalués grâce à des «lignes directrices indicatives» qui devront être déterminées ultérieurement, à en croire le communiqué final. La déclaration publiée le 23 octobre à l'issue de la réunion des ministres des finances et des gouverneurs des banques centrales des pays du G20 était déjà particulièrement significative de l'absence de solutions communes, avec un style « langue-de-bois » économico-bureaucratique rarement atteint : «La persistance de déséquilibres importants, évalués à l'aune de critères indicatifs qui restent à définir, entraînerait dans le cadre du processus d'évaluation mutuelle une estimation de leur nature et des causes des entraves à l'ajustement, en veillant à prendre en compte les conditions nationales ou régionales, parmi lesquelles (celles des) gros producteurs de matières premières.» Rompez le ban !

Monnaies : l'affrontement des intérêts nationaux

Il n'est guère étonnant que le Sommet du G20 ait, selon l'expression générale, « accouché d'une souris », celle-ci peut-être pas tout à fait mort-née, mais tout au moins en grave insuffisance respiratoire. L'affaire était entendue dès lors qu'à la veille du sommet de Séoul, la FED, la Banque centrale américaine annonçait publiquement l'injection de 600 milliards de dollars de liquidités, sous forme de rachats d'obligations de l'Etat américain, au grand dam de tous les autres participants du G20, un peu estomaqués par l'affaire. Barack Obama, mis en difficulté par les dernières élections et un chômage très élevé selon les critères sociaux américains, joue pleinement la carte « America first ». De ce point de vue, la décision de la Réserve fédérale est habile sur le plan technique : en faisant fonctionner la planche-à-billets verts, les Etats-Unis relancent leur économie, réduisent leur immense dette internationale, tout en réévaluant techniquement les monnaies de leurs principaux concurrents. Seul risque ? Une éventuelle pointe inflationniste aux Etats-Unis ? En période de menace de récession, le danger est marginal pour le pays qui possède la libre capacité d'émission de la seule monnaie internationale de référence. Le concert des protestations de bon nombre d'autres pays membres du G20 fleurait bon d'ailleurs, l'indignation hypocrite. Il est de réputation publique que le cours des monnaies des principaux pays émergents soit notablement sous-évalué. La politique monétaire des principales puissances est en cohérence : à «America first», peuvent faire écho, « China only», «Japon d'abord», «Deustchland über alles», etc. Ce retour à un nationalisme monétaire est explicable par l'ampleur de la crise qui secoue l'économie mondiale. Les gouvernements des puissances traditionnelles ont vu ces trois dernières années leurs déficits budgétaires et commerciaux s'accroître de façon vertigineuse, notamment en raison des fonds abyssaux versés pour sauver un système banco-financière pris de folie spéculative. Les pays émergents bénéficient d'une forte croissance mais l'essentiel de leur production prend la forme d'exportations dans les 1ers nommés. A défaut du développement encore insuffisant de marchés intérieurs développés, la Chine épargnante est devenu le 1er créancier des Etats-Unis, dettes libellés en dollars, et la valeur de celui-ci baisse? Au résultat, la guerre monétaire actuelle, n'est que l'un des signes du dysfonctionnement général de l'économie mondiale avec la persistance d'une immense épargne qui contraste avec une très faible part des capitaux qui vont à l'investissement, la persistance de mouvements spéculatifs mondiaux, notamment sur les monnaies et les matières premières alimentaires (malgré le grand choc de 2008 !), un G20 qui considère qu'aucune régulation est possible à court terme, et que dans ce domaine, il ne faut faire confiance qu'aux marchés. Errare humanum est, perseverare, diabolicum?

 Encore faut-il remarquer que ce très saint discours du « libéralisme globalisé » relève essentiellement de l'antienne « vertus publiques, vices privés » : ni la Chine, ni la Russie, ni l'Inde, ni même les Etats-Unis ne pratiquent en réalité le libre-échange ou le refus du protectionnisme qu'elles proclament hautement. Le président chinois Hu Jintao en a du faire sourire plus d'un en dénonçant dimanche dernier au sommet des pays Asie-Pacifique «l'augmentation notable sous différentes formes» du protectionnisme dans cette région qui représente plus de la moitié du PIB mondial. Rappelons qu'aucune entreprise étrangère ne peut être présente sur le marché chinois sans accord à parité avec une société chinoise.

Incompréhensible Union européenne

L'Union européenne est le 1er marché mondial. C'est aujourd'hui un nain politique absolu. Jusqu'à présent, ces difficultés à « parler d'une même voix » sur la scène internationale pouvaient être mises sur le compte d'un apprentissage d'un système d'alliance novateur, basé essentiellement sur un Parlement européen et une monnaie commune, à mi-chemin entre un ensemble fédéral (à l'exemple des USA) et une association d'Etats-nations qui gardent chacun leurs prérogatives en matière de politique intérieure, internationale ou de défense.

 Mais pour la 1ère fois, apparaissent des difficultés structurelles à une politique économique commune. Pour l'essentiel, du fait de l'Allemagne. Sous l'influence de ce pays, l'Europe est le seul ensemble régional important qui se félicite à la fois de sa totale ouverture mondialisée (aux marchandises et aux capitaux) de son refus de tout protectionnisme (sauf avec les pays du continent africain), du taux surélevé de sa monnaie, d'une rigueur budgétaire drastique qui empêche toute politique d'investissement concertée et qui menace sérieusement la consommation intérieure aux 27 états-membres.

 Disons que cette vision des choses n'arrange que l'Allemagne, la Hollande et un deux pays nordiques. Ces pays bien gérés, sont fortement exportateurs et engrangent des résultats positifs grâce à un Euro fort. Le reste des pays-adhérents, notamment au sud et à l'est de l'Europe, qui vivent essentiellement sur le marché intérieur européen, sont menacés d'asphyxie par une politique en apparence « vertueuse » mais en réalité basée sur des intérêts nationaux bien compris. En période de crise mondiale, une politique budgétaire d'une extrême rigueur, asphyxie l'investissement et la consommation. D'où des tensions internes à l'UE qui ne pourront être que croissantes, d'autant qu'Angela Merckel, qui s'est montrée très peu solidaires des attaques spéculatives contre la Grèce, le Portugal, l'Irlande, demain contre l'Espagne ou l'Italie, a tendance à se comporter comme la maîtresse sévère de l'Europe.

 Cette division inquiétante de l'UE qui s'avère largement incapable de faire peser son poids économique et politique sur les enjeux internationaux est renforcée par une stratégie constante de Washington qui, de Bush à Obama, considèrent que l'Europe, « c'est un machin qui n'existe pas ». La diplomatie américaine, considérant dans tous les cas, les Européens comme alliés d'obligation, jouent depuis des années sur les contradictions politiques au sein de l'UE (OTAN, Irak, relations avec la Russie, Turquie..).

 Pourra-t-elle maintenir longtemps cette posture un peu méprisante ? Non, si elle souhaite s'entourer de vrais alliés. Car l'Amérique a perdu en quelques années le rôle de super puissance ou même d'hyper-puissance qu'elle avait conquis après la chute du Mur de Berlin. Après les gabegies de type impérialiste dans les conflits moyen-orientaux, les Etats-Unis qui portent la 1ère responsabilité dans la crise économico-financière, actuel, ne peuvent plus s'adresser aux autres nations comme à des vassaux. C'est d'ailleurs ce que leur ont fait sentir les 19 autres membres du G20 qui ont parfaitement perçu que les Américains souhaitaient exporter la récession, fut-ce au prix d'importer chez eux un peu d'inflation.

Chine, ambitions impériales

La Chine a-t-elle un regard si différent sur les pays européens, souvent regardés comme puissances passées, de surcroît avec une histoire fortement teintée de guerres et de colonialisme ? Le constat n'est pas nécessairement faux, notamment sur l'histoire des deux derniers siècles. Mais il perce là un nouveau discours dominant et tout aussi nationaliste.

 L'une des principales difficultés de Pékin, c'est que surtout ses voisins régionaux se méfient d'elle. L'Inde qui sera dans une décennie, le pays le plus peuplé de la planète a ses exigences économiques et elle supporte mal les empiètements sur le Tibet et les comportements du Pakistan, principal allié de la Chine dans sa zone. La Russie considère d'un mauvais œil, la pénétration des centaines d'immigrants chinois en Sibérie et souhaite conserver une mainmise sur les ex-républiques soviétiques d'Asie centrale. Le cas le plus probant des mauvaises relations de la Chine avec son voisinage est celui de la « Mer de Chine ». Cet espace maritime considérable représente une surface considérable qui va du Japon à l'Indonésie, de la Thaïlande aux Philippines. Cette portion de l'Océan Pacifique représente une surface de 3, 5 millions de km2 et est bordé par les côtes de dix pays différents. Pour comparaison, la Méditerranée a une surface de 2,5 millions Km2 (3 avec la Mer Noire) et recueille 22 pays côtiers.

 La Chine depuis plusieurs années semble tentée de transforme la Mer de Chine en « mer chinoise », notamment par la revendication d'ilots qui élargirait fortement ses frontières maritimes. Deux de ces archipels, les îles Paracelse et les îles Spratly font l'objet d'un conflit territorial entre Taïwan, les Philippines, la Malaisie, Brunei, l'Indonésie et le Viêt Nam. Des ressources énergétiques y existeraient mais la motivation chinoise est pour l'essentiel, stratégique, avec la volonté de contrôle des voies maritimes en provenance du Moyen-Orient ou à destination des pays importateurs.

Les revendications chinoises ont récemment donné lieu à des tensions vives avec le Japon pour la revendication d'ilots inhabités. Les deux pays ont décidé de normaliser l'affaire en marge du sommet de l'Apec mais Le Premier ministre japonais Naoto Kan, qui a rencontré le président chinois Hu Jintao samedi, a toutefois réaffirmé dimanche que l'archipel au cœur du contentieux sino-japonais appartenait bien selon lui au Japon.

 Rappelons enfin dans le contexte actuel, que si la Chine a eu très peu de conflits extérieurs (sauf une aide militaire importante non officielle lors de la Guerre de Corée et une invasion infructueuse du Viêt-Nam en mars 1979), son gouvernement prend souvent un ton nouveau et menaçant vis-à-vis des ses voisins immédiats. Ces derniers voient donc naturellement les Etats-Unis comme un contrepoids rassurant.

Nouvelles de France : François Fillon

Nicolas Sarkozy va présider pendant un an le G20. Il a du boulot !

 Il a récemment reçu de façon princière, Hu Jintao en France, ce dernier lui concédant 16 milliards d'euros de contrats dont beaucoup étaient déjà dans les tuyaux. Mais, c'est bon à prendre !

Après avoir annoncé avec force qu'il souhaitait remanier en profondeur son gouvernement, il a mis cinq mois pour prendre la décision hardie de remplacer François Fillon, 1er ministre? par François Fillon, 1er ministre. Ca, c'est de l'annonce !