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Maroc-Sahara Occidental: Vive tension dans la région

par Ghania Oukazi

La reprise des hostilités entre le Front Polisario et le Maroc fragilise davantage la région et vise à provoquer un affrontement armé entre l'Algérie et le Maroc.

L'approche n'a rien d'une illusion d'optique. Elle est le constat d'observateurs avertis qui s'étonnent de cette guerre brusque qui s'est déclarée le 13 novembre dernier entre le Front Polisario et le Maroc. Les hostilités dans la zone tampon d'El Guerguerat entre les deux parties s'illustrent par des troupes des forces armées royales bien équipées opposées à des Sahraouis aux moyens de lutte dérisoires sans aucune commune mesure avec ceux auxquels ils font face. C'est un peu le schéma des guerres menées par l'armée israélienne contre le peuple palestinien dont les enfants jettent des pierres sur des blindés de dernière génération.

Le Front Polisario veut en évidence gagner cette tranche de l'histoire qui vient toutefois bouleverser un agenda politique dans lequel les Nations unies ont inscrit depuis de longues années la cause sahraouie comme étant une question de décolonisation. Mais l'évidence est que dans une guerre entre deux peuples proches, il n'y a ni vainqueur ni vaincu. Les institutions internationales, notamment celles onusiennes, auraient dû contenir le conflit d'El Guerguerat dans un contexte politique qui non seulement oblige au calme et à la sagesse mais doit ramener les belligérants à la table des négociations pour s'entendre sur son règlement et de là, examiner enfin d'une manière sérieuse la mise en œuvre de la résolution du Conseil de sécurité relative à la tenue d'un référendum d'autodétermination du peuple sahraoui. Si les choses ne se sont pas passées de la sorte, c'est parce que ceux qui ont décidé d'imposer aux Sahraouis l'ouverture de la frontière d'El Guerguerat avec la Mauritanie au trafic commercial marocain et international vers l'Afrique subsaharienne doivent forcément avoir d'autres visées qu'une inévitable réaction de légitime défense des occupants authentiques de la région. Les conséquences de « cette ouverture commerciale » sur des territoires occupés ont bien bouclé la boucle d'un encerclement de l'Algérie par les feux des guerres entretenues au niveau de ses frontières sud et est. Les manipulateurs de la géostratégie viennent, en effet, de projeter sa frontière ouest dans une atmosphère marquée par des bruits de bottes et des décharges militaires.

Des rappels historiques étranges

Décidée dans un contexte régional miné par les provocations et les tentatives de déstabilisation avérées, la reprise des armes entre les deux pays se veut plutôt une incitation à l'affrontement armé entre l'Algérie et le Maroc. Ces jours-ci, de puissants lobbies du renseignement ont rendu public un rapport de la CIA qui renvoie étrangement aux terribles affrontements entre les deux armées, algérienne et marocaine en 1976 dans l'une des oasis du Sahara Occidental. L'histoire retient que des unités de l'ANP ont été attaquées à deux reprises (en janvier et en février) par des troupes des FAR à Amgala, une ville sahraouie située à plus de 200 km de la frontière algérienne ouest. Le royaume marocain avait reproché à l'Algérie d'avoir apporté assistance aux réfugiés sahraouis qui fuyaient les attaques des FAR. Autre fait étonnant, les réseaux sociaux viennent de s'emparer d'une vidéo qui explique que si les Etats arabes ont perdu en 1967 la guerre des 6 jours face à l'entité sioniste, c'est parce que le roi Hassan II avait remis au Mossad l'enregistrement des travaux du Sommet de la Ligue arabe qui s'était tenu à Casablanca la même année avec comme ordre du jour une attaque arabe commune contre Israël. Le timing de tels rappels n'a rien de fortuit. Il semble choisi pour mettre le feu aux poudres -au vrai sens du terme- entre les deux pays.

Certes, la guerre actuelle entre le Front Polisario et le Maroc n'aura aucun gagnant et ne sera bénéfique pour aucun d'entre eux. Mais si elle oppose Alger et Rabat, elle ravagera la région et enfoncera le continent africain dans le chaos. Une confrontation entre les armées algériennes et marocaines serait une véritable folie, une catastrophe à grande échelle. Selon les observateurs, c'est ce qui est recherché. « Elle fera le jeu de leurs pires ennemis à tous les deux », soutient un analyste. L'on sait que le Maroc est très proche des monarchies du Golfe, particulièrement l'Arabie Saoudite et les Emirats arabes unis. Ces derniers le crient haut et fort et appuient fortement le royaume pour mettre en œuvre son plan d'autonomie pour le Sahara Occidental. Les EAU ont été les premiers à ouvrir une représentation diplomatique à Dakhla, ville sahraouie occupée située au bord de l'océan Atlantique.

Ce relâchement qui ne trompe pas

Le Maroc est aussi très proche d'Israël et de ses pires lobbies, «ceux qui le poussent à provoquer l'Algérie», notent nos sources. Il est souvent cité comme pays qui « normalisera bientôt ses relations avec Israël » quoiqu'il l'ait déjà fait dans les années 80 et avait même une représentation « commerciale » à Tel-Aviv.

De grands analystes pensent que l'Algérie fait l'objet « d'études » géopolitiques alarmantes. «Le scénario du complot existe bel et bien et ses concepteurs veulent plonger la région dans une insécurité semblable à celles en Palestine occupée et au Moyen-Orient en général. Au-delà du fait qu'elle reste le plus grand pays d'Afrique et du bassin méditerranéen, de surcroît riche, elle devra « au moins » payer ses positions historiques pour les causes justes, en premier la cause palestinienne.

L'absence du président de la République pour une aussi longue durée encourage les détracteurs de l'Algérie à exercer sur elle toute sorte de pressions pour l'affaiblir davantage. La situation politique et financière interne fait craindre le pire. Le relâchement constaté sur le plan sanitaire face au respect des mesures de prévention contre le coronavirus n'est pas le seul. Un relâchement tout aussi flagrant est aussi observé dans la gestion des affaires de l'Etat et de la Cité. Des villes renommées pour leur grand patrimoine historique, leur attachement à la culture arabo-musulmane et leur sens intellect vif croulent sous les ordures et empestent les mauvaises odeurs. Ce sont des signes d'abandon et de renoncement qui ne trompent pas. Seul et unique rempart de la défense des territoires, l'ANP est plus que jamais appelée à préserver l'unité de ses rangs et à garder son sens de l'engagement et de la responsabilité. La vigilance doit être de taille et à tous les niveaux.