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Education: Une rentrée et des appréhensions

par Yazid Alilat

La rentrée scolaire 2019-2020 sera fortement marquée par les profonds bouleversements politiques que connaît le pays depuis le 22 février dernier, qui ont fait émerger les syndicats autonomes du secteur en tant que force alternative affiliée aux différentes organisations de la société civile. Face aux appréhensions quant à un report de cette rentrée, le ministre de l'Education nationale Abdelhakim Belabed avait affirmé la semaine dernière «qu'il n'y a aucune raison pour la reporter». C'est aujourd'hui que les enseignants vont faire leur «rentrée des classes», alors qu'elle était prévue hier dimanche (1er Moharem) par le ministère de l'Education nationale.

Cette rentrée des classes, celle des enseignants, intervient à un moment politique crucial, avec l'implication pleine et entière des syndicats-enseignants dans le Hirak et les efforts de la société civile de trouver des solutions de sortie à la crise politique que traverse le pays. Cependant, les syndicats des enseignants restent pleinement conscients de leur rôle dans la facilitation des conditions sociales et administratives d'une bonne rentrée scolaire. Même si les problèmes de fond restent les mêmes, dont la surcharge des classes, le programme pédagogique, les revendications syndicales non satisfaites?etc. Pour ces raisons et celles liées à leur implication dans la lutte de la société civile pour un changement radical de système de gouvernance, les différents syndicats du secteur de l'éducation s'attendent à une rentrée scolaire plus ou moins difficile, «chaude». L'intersyndicale prévoit ainsi une première réunion ces jours-ci, après la rentrée des élèves prévue ce mercredi 4 septembre pour faire une première évaluation de la situation. Il s'agira de faire le point sur les insuffisances, notamment la surcharge des classes, le matériel pédagogique, le programme, etc. L'intersyndicale aura ainsi deux pots au feu, celui de la défense de ses acquis sociaux et la poursuite des revendications sociales non satisfaites par l'ex-ministre de l'Education nationale et, en même temps, rester actif au sein du Hirak. Selon le président du Syndicat autonome des travailleurs de l'éducation et de la formation (SATEF) Boualem Amoura, «la rentrée sociale, d'une manière générale sera spécifique». «Elle intervient, a-t-il dit, dans un contexte politique particulier au moment où l'Algérie n'a pas encore élu son président de la République et que le gouvernement est toujours contesté et rejeté par le peuple». Amoura a fait savoir que «cette crise qui secoue le pays depuis plus de six mois ne sera pas sans effet sur le monde du travail», avant de relever que la rentrée scolaire cette année «pourrait être difficile». Pour lui, il est clair qu'elle ne se fera pas «dans de bonnes conditions surtout que les problèmes soulevés durant l'exercice écoulé n'ont pas été pris en charge». Il citera notamment la surcharge des classes, le manque d'enseignants et d'infrastructures scolaires, ainsi que «le nombre important d'enseignants et d'agents d'administration partis à la retraite chaque 31 août, qui n'ont pas été remplacés». «Cela va provoquer un grand problème d'encadrement. Encore une fois, la tutelle va recourir à des contractuels qui ne peuvent pas assurer un enseignement de qualité», a-t-il rappelé, avant de souligner que cette rentrée risque d'être marquée également par des mouvements de protestation. «Avec le Hirak, le peuple s'est libéré. Les travailleurs vont mettre sur la table leurs revendications socioprofessionnelles, notamment celles liées au pouvoir d'achat, qui s'érode de manière vertigineuse». Il estime que des grèves de protestation ne sont pas à écarter. «Des travailleurs perçoivent des salaires de 18 000 dinars, voire même moins. C'est indécent», a-t-il dénoncé, avant d'indiquer que des décisions seront prises lors d'une prochaine réunion de l'intersyndicale.

Zoubir Rouina , porte-parole du Conseil national des lycées d'Algérie (CLA), affirme de son côté que les syndicalistes sont déterminés à faire valoir les revendications des enseignants. Il estime que «la rentrée scolaire sera marquée par notre position de soutien au mouvement populaire», avant d'annoncer une réunion du conseil national prévu ce mois de septembre. Meziane Meriane, coordinateur national du Syndicat national des professeurs du secondaire et technique (SNAPEST) estime enfin que si la «rentrée sera calme et normale au mois de septembre, elle risque d'être perturbée dans les prochains mois». «Le mouvement social continue toujours et les problèmes soulevés perdurent».

De son côté, le ministre de l'Education nationale Abdelhakim Belabed a tenu jeudi dernier une réunion d'information avec les représentants des associations des parents d'élèves, au cours de laquelle il a abordé toutes les dispositions prises par le gouvernement pour une bonne rentrée scolaire 2019-2020. M. Belabed a annoncé que le traditionnel cours inaugural cette année sera en relation avec le contexte politique que vit le pays, estimant que «l'école ne saurait rester en marge de ce qui se passe dans le pays». «Elle va contribuer en collaboration avec nos partenaires, pour faire connaître les efforts consentis par l'Etat. Un cours qui encourage, entre autres, le raffermissement des liens entre les citoyens, et entre les citoyens avec leur Etat dans l'intérêt du pays», a-t-il expliqué. Plus de neuf millions d'élèves devront rejoindre les établissements scolaires lors de cette rentrée scolaire 2019-2020.