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![]() ![]() ![]() ![]() « Champion mon frère ! » tweete Jupiter
Depuis le XVIIIème siècle, sur la ruine de l'Ancien Régime, la doctrine libérale, sous diverses variantes, prêche la libre circulation des marchandises, des idées et des hommes quelle que soit leur confession, la couleur de leur peau, leur parti pris politique ou leur condition sociale pour peu qu'ils respectent les droits et la liberté de leur voisin. Par-delà les physiocrates et l'économie, les classiques et les néoclassiques hissent la liberté à la hauteur d'une éthique, d'une morale inoxydable. En gage de progrès, de promotion des valeurs humaines les plus élevées en faveur de l'équité, de l'innovation, conformément à la foi chrétienne d'une plus grande jouissance des bienfaits que Dieu a offerts aux hommes. Cette idée vient de loin. Epître de Paul aux Galates (3:28) : « Il n'y a plus ni Juif ni Grec, il n'y a plus ni esclave ni libre, il n'y a plus ni homme ni femme ; car tous vous êtes un en Jésus-Christ. 29. Et si vous êtes à Christ, vous êtes donc la postérité d'Abraham, héritiers selon la promesse. » Principe que l'Europe emmurée, déchristianisée, xénophobe, réfractaire à toute différence a oublié. L'Amérique d'avant D. Trump, ouverte au monde, a prétendu être l'image même de ce monde bigarré, cosmopolite, respectueux des différences en ce qu'elles ont porteuses de jeunesse, de richesses et d'inventivités. (On sait, par-delà les fables, ce qu'il en a été réellement). Rien ne devait entraver l'exercice des lois du marché qui seul régule de manière appropriée les quantités et les prix sans que nul ne puisse contrarier les règles de la concurrence loyale et transparente entre les acteurs. Depuis la fin du XIXème siècle, la professionnalisation est partie du Royaume uni et a gagné peu à peu le reste du continent. Ce sont ces principes qui fondent l'industrie du sport, en l'occurrence le football européen, depuis l'arrêt Bosman du 15 décembre 1995 mettant fin au quota de joueurs étrangers dans les clubs européens. Le Paris Saint Germain vient de réaliser une prouesse sans égale : écraser l'équipe milanaise par le score sans appel de 5 à 0. Le Président, les autorités politiques et sportives françaises se sont réjouies de cette performance dont Marseille détenait jusque-là l'exclusivité depuis 1993. Mais ont-ils raison de se l'approprier comme une réalisation qui devrait tout au génie de leur pays à l'exclusion de toute « racines impures » ? Récapitulons et constatons : Le PSG est une entreprise privée. Le capital de cette équipe appartient à 87,5% à Qatar Sports Investments (filiale sportive du fonds souverain qatari, Qatar Investment Authority, QIA) et à 12,5% à Arctos Sports Partners (Etats-Unis). Le PSG a été acheté en 2011 à un fonds d'investissement américain Colony Capital. Son président est un Arabe du Qatar, Nasser al-Khelaïfi. Ministre sans portefeuille du gouvernement de son pays. Il serait opportun de préciser (pour éviter toute confusion inutile, fréquente en ces temps troubles) que Nasser al-Khelaïfi est uniquement qatari. L'écrasante majorité des joueurs de son équipe ne sont pas français ainsi qu'on peut le voir ci-après : Equipe du PSG qui a débuté le matche à Munich contre l'Inter de Milan. Donnarumma (Italie) - Hakimi (Maroco-espagnol), Marquinhos (brésilien), Pacho (Equatorien), Nuno Mendes (Portugais) - Vitinha (Portugais), J. Neves (Portugais), F. Ruiz (Espagnol)- D. Doué (franco-ivoirien), O. Dembélé (français d'un père sénégalais et d'une mère mauritanienne), Kvaratskhelia (Géorgien). Le capitaine d'équipe est brésilien et l'entraîneur espagnol. Le PSG triomphant cache le désert français. Si on enlevait cette équipe paradoxale, emblème de la capitale, le football hexagonal serait déclassé, renvoyé en 4ème division. Au tel point que la plupart des joueurs de l'équipe de France, eux-aussi pour la plupart originaire d'ailleurs, préfèrent exercer à l'étranger leurs talents. Mieux. Si on avait appliqué les restrictions migratoires qui font aujourd'hui l'essentiel des débats publics, et si les autorités avaient bloqué l'arrivée des familles des sportifs (ou chassé celles qui y étaient légalement ou non arrivées) qu'en serait-il des succès sportifs dont se félicitent aujourd'hui les autorités du pays ? Si on ajoute que la majorité des supporters vient des banlieues de la République, on se demande de quels mérites particuliers, en dehors de la localisation géographique hexagonale, devrait se prévaloir le football français, l'Elysée (qui a immédiatement sauté sur l'occasion pour tenter de capitaliser quelques points de popularité) et la Mairie de Paris en conflit avec la direction du PSG qui menace de quitter le Parc des Princes ? Où est la France là-dedans ? La France déficitaire, la France endettée, la France en décroissance, la France désindustrialisée, en perte de parts de marché ? N'en déplaise à A. Finkielkraut et à ses comparses qui se flattent, sur les plateaux de télévision monocolores, d'appartenir à la France qui perd. La France qui gagne est bel et bien « Black-Black-Black ». Nul n'oublie le sort réservé avant 1945 (et même après) aux « macaronis », aux domestiques espagnoles et aux ouvriers du bâtiments portugais ou aux mineurs Polonais corvéables à merci dont les représentants forment le reste de l'équipe du PSG, oubliant les Piantoni, Cantona, Platini, Kopaszewski (Kopa, plus facile à « digérer »), Bereta, Griezmann, Pirès, Pedros Qui ont écrits les plus belles pages du football français. Comment peut-on traiter les manifestants de « barbares » et, en même temps, se féliciter de la victoire de ceux qui, peu ou prou, qu'on le veuille ou non, viennent de leurs rangs ? Le monarque veut faire peuple. Quand le Président lance (condamné en cela par la France-extrême) : « Champion, mon frère ! » il sait parfaitement à qui il s'adresse et pourquoi en ces termes. Certes, des jeunes des « quartiers » ont profité de l'événement pour se rappeler aux bons souvenirs d'une République autiste pressée de fabriquer des soldats et de submerger ses prisons. Certes, personne ne peut consentir et approuver le désordre et les violences urbaines. Cependant, on ne doit pas évacuer la seule question qui vaille : non pas qui, non pas comment, mais « Pourquoi ? » Il est un désordre et une violence pire faite à ces gamins. Les priver de logement décent, d'éducation, d'emploi privés d'avenir, reclus dans un urbanisme vertical, discriminatoire. Cette iniquité a des ancêtres et une longue histoire. Bien avant les gamins des banlieues et des « quartiers », ce furent les « faubourgs », les « ceintures rouges » insalubres autour des villes industrielles, des mines, les canuts (les « saboteurs » du textile lyonnais) qui ont été gratifiés par cette novation lexicale de « barbares ». Cette violence est de nature politique, même si elle ne parvient pas à s'exprimer dans les formes constitutionnelles policées dans des Assemblées où leur parole est inaudible et ne parvient pas à défendre leurs droits. Le Beur et les biscoteaux du Beur : une économie de la transpiration. Ces gouvernants amnésiques, incivils veulent, le beur et le produit de sa sueur. Sans le beur. Un larcin, une rapine, un acte de brigandage « civilisé », avec des lois iniques summum de l'injustice légale. Ils veulent au fond des joueurs qui gagnent et à la fin de la partie leur dérober leur trophée pour parader entre soi sur les Champs Elysées, festoyer entre souchistes de bonne éducation. Une « coupe » à soi en criant : « c'est à nous ! » parce que « on est chez nous ! ». Un peu comme si ces tenants de « haute extraction » civilisée, ces patrons de droit divin privaient un ouvrier de son salaire à la fin du mois comme dans le monde de serfs d'avant le salariat, parce sans le capital et le risque pris par son propriétaire, il n'y aurait ni travail, ni travailleurs, ni salaire. C'est aussi de ces mêmes « bienfaits », avec les mêmes arguments dont ces braves bourgeois vertueux comblaient leurs colonies depuis des siècles. Et c'est toujours en faisant « suer le burnous » des forçats du travail étrangers importés qu'ils ont fait fortune. Aujourd'hui, c'est de la coupe d'Europe que ces perdants se saisissent en la volant à ceux qui ont transpiré pour la gagner. Un acte de propriété plus que symbolique. Par-delà la France, c'est toute l'Europe, de Londres à Milan, de Munich à Paris, d'Amsterdam à Zurich qui gagnerait à reconnaître sa dette à l'égard de ces pays pauvres qui fournissent l'essentiel de ces nouveaux gladiateurs des stades de foot. Il est vrai que les joueurs de talent sont bien payés. Mais pour un joueur qui réussit, combien reste-t-il sur le carreau, dans les banlieues, victimes collatérales d'une sélection darwinienne impitoyable ? De plus, ceux qui dénoncent les cachets des footeux qui ont réussi se gardent bien de rendre publiques les sommes considérables que leur transpiration rapporte aux actionnaires, aux médias et aux intermédiaires, à ces requins esclavagistes, à ces barbares impitoyables des temps modernes. Naguère, surtout aux Etats-Unis, c'était la boxe, puis l'athlétisme qui servait à recycler la misère institutionnalisée, où tous les coups sous la ceinture étaient permis. Aujourd'hui, c'est le foot, le « sport-roi » qui rapporte des milliards aux esclavagistes planqués dans les salles de marché derrière leurs écrans et leurs programmes à Ultra-Haute-Fréquence. Communication patronale indémodable du capital qui se lamente de se ruiner à verser des salaires « indécents », mais qui se garde bien de se réjouir publiquement des Himalaya de profits que rapportent ces « gamins gâtés » placés opportunément sous les « feux de la rampe » pour escamoter les détenteurs du vrai magot. Les oripeaux de la République Qui a gagné cette coupe ? Paris ? La France ? Le génie français ? Le Qatar ?... Pour esquisser une réponse à cette question, on peut suggérer au lecteur de s'inviter aux Fêtes Galantes (IXème édition mimétique organisée à Versailles ce lundi 02 juin), une soirée costumée fastueuses, un bal en tenues d'époque qui remet les idées en place. Cette mise en scène renvoie tous les descendants des sans-culottes, d'où qu'ils viennent, à leurs illusions. Relisons donc Octave Mirbeau. Ceux qui gouvernent réellement ce pays, avec à la bouche la « Démocratie » et la « République », n'ont jamais renoncé aux privilèges qu'ils ont fait mine de céder une « nuit du 04 août ». Le message de ce simulacre est clair : entre le 18 juillet 1668 et aujourd'hui, il ne s'est rien passé. La France n'a jamais cessé d'être gouvernée par l'arbitraire monarchique : de Gaulle, Tonton, Jupiter ou n'importe quels ci-devant d'apparat, roturiers anobli, viandosaures irrémédiablement cramponnés à la tête d'une chaîne alimentaire que les Maximilien Robespierre avaient oublié de raccourcir. Le comte de Lampedusa avait bien raison : la France a irréversiblement éteint ses Lumières. |
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