Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Quand une athlète devient cible des obsessions médiatiques et idéologiques: Imane Khelif ou le ring des fantasmes

par Laala Bechtoula

Le sport, miroir de nos sociétés ? Alors regardons ce qu'il reflète : des préjugés puissants, des intérêts bien placés et une frénésie à juger avant de comprendre. ». L'Affaire : des fuites sans source, des accusations sans preuve. Le 2 juin 2025, certains tabloïds britanniques publient un «scoop» : selon un rapport médical supposé confidentiel, Imane Khelif, boxeuse algérienne, médaillée et qualifiée pour les Jeux Olympiques de Paris, serait « biologiquement de sexe masculin ». Aucune source officielle n'est citée. Aucun médecin identifié. Aucun document publié.

La presse sérieuse de la BBC au Monde, n'a pas confirmé ces affirmations. L'IBA (International Boxing Association), déjà accusée de corruption, de manipulations politiques et d'opacité sur ses critères de sélection, n'a pas encore fait de déclaration formelle. Le CIO, garant de la transparence olympique, n'a jamais disqualifié Imane Khelif, malgré ces « révélations ». On se souvient pourtant que Khelif avait été écartée des finales du championnat du monde 2023, à la dernière minute pour un motif jugé « administratif et confidentiel » par l'IBA, sans plus d'explication. Depuis, l'opacité règne.

Un contexte mondial d'hystérie identitaire

L'affaire s'inscrit dans un climat mondial particulièrement inflammable autour des questions de genre, d'identité et de compétition féminine. Ce débat, légitime dans ses fondements scientifiques, est devenu un champ de bataille idéologique.

D'un côté, certaines militantes féministes dites « radicales » comme J.K. Rowling, auteure de Harry Potter, ont fait de la lutte contre la reconnaissance des personnes transgenres une croisade. Rowling, depuis ses publications polémiques sur Twitter en 2020, a activement participé à un climat de suspicion généralisée envers toute athlète dont l'apparence ne correspondrait pas aux stéréotypes occidentaux du féminin. Son influence est devenue une arme idéologique, reprise sans nuance par certains groupes conservateurs et médias de droite.

De l'autre côté, des figures comme Elon Musk, patron de X (ex-Twitter), ont encouragé une liberté d'expression absolue... sauf quand elle dérange leur ligne éditoriale personnelle. Musk a permis la diffusion massive de contenus haineux, islamophobes ou sexistes sous couvert de « liberté ». Ses algorithmes valorisent les discours polarisants, souvent contre les femmes issues du Sud global, musulmanes ou racisées.

IBA et le soupçon de manipulation politique

L'IBA, dirigée depuis 2020 par Umar Kremlev, proche du Kremlin, est régulièrement critiquée pour sa gestion opaque. Plusieurs enquêtes journalistiques (notamment celle du New York Times, octobre 2023) ont mis en lumière :

-Des pressions géopolitiques sur les fédérations nationales, notamment africaines et asiatiques ;

- Une instrumentalisation des contrôles médicaux pour écarter des athlètes gênantes ou symboliques ;

- Une absence de critères clairs et transparents sur la participation des femmes soupçonnées d' « hyperandrogénie » ou de conditions inter-sexes.

Imane Khelif, seule représentante maghrébine à ce niveau du sport mondial, n'a jamais été notifiée officiellement d'un problème biologique. Elle n'a pas eu l'occasion de se défendre, ni publiquement, ni juridiquement. Et pourtant, les rumeurs prolifèrent.

Une tempête médiatique soigneusement orchestrée

Pourquoi une telle affaire explose-t-elle à quelques semaines des JO ? La réponse se trouve peut-être dans le besoin de narratif de certains médias occidentaux : une femme forte, musulmane, voilée, qui frappe fort sur le ring, dérange l'imaginaire dominant. L'histoire ressemble à celle de Caster Semenya, athlète sud-africaine interdite de courir sans traitement hormonal, malgré sa condition naturelle. Ou encore à Annet Negesa, Ougandaise forcée à une opération chirurgicale pour « régulariser » son taux d'hormones.

Là aussi, on criminalise le corps, on exploite l'ambiguïté biologique pour masquer des intérêts géopolitiques, raciaux et économiques. Où sont les preuves ? Où est la justice ?

À ce jour :

-Aucun rapport médical n'a été rendu public.

-Aucun organe officiel n'a validé la disqualification de Khelif.

-Aucun médecin indépendant n'a été mandaté pour une contre-expertise. Et surtout : - Aucune loi sportive n'interdit à Imane Khelif de concourir.

Alors, pourquoi cette cabale ? Pourquoi ce silence des institutions algériennes et internationales ? Pourquoi ce relais massif de rumeurs sans fondement ?

Parce qu'au fond, cette affaire dépasse le sport. Elle touche au droit d'exister librement quand on est une femme, arabe, sportive, musulmane, fière de l'être et performante.

Un appel au calme et à la responsabilité

Imane Khelif est une athlète. Pas une anomalie biologique. Pas un objet de débat idéologique. Si des questions légitimes se posent sur l'équité sportive, elles doivent être traitées avec méthode, transparence et respect de la personne humaine.

Mais ce que nous observons ici, c'est autre chose : un tribunal médiatique sans procès, une chasse aux sorcières masquée sous de faux habits de science.

Conclusion : ce n'est pas à elle de se justifier, c'est à vous de prouver. En l'absence de preuve, tout discours sur cette affaire relève de la diffamation pure, de l'instrumentalisation politique et du racisme ordinaire déguisé en débat éthique.

Ce n'est pas Imane Khelif qui doit répondre à vos soupçons.C'est vous - médias, institutions, figures publiques - qui devaient prouver vos accusations ou vous taire. L'histoire jugera. Le Sport, lui, n'oubliera pas.