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Ce que cache la campagne israélienne anti-Kerry

par Kharroubi Habib

A se fier aux attaques féroces et à la méfiance générale dont le secrétaire d'Etat américain John Kerry est la cible en Israël depuis qu'il était revenu dans la région porteur d'un projet américain d'accord-cadre de paix palestino-israélien, l'on peut naïvement penser que cela est dû au fait que son projet prévoit des concessions israéliennes inacceptables pour l'Etat sioniste. Or et si le contenu du plan Kerry est encore enveloppé du secret, des médias américains toujours bien informés ont avancé avec certitude qu'il n'en est rien et que le projet d'accord américain est au contraire très favorable à Israël. Et c'est là un euphémisme au vu de ce qu'ils ont rapporté sur ce qu'est le contenu du projet d'accord.

Le plan Kerry prévoit certes la création d'un Etat palestinien, mais rejette les plus cruciales des demandes palestiniennes qui sont : le retour aux frontières de 1967, Jérusalem-Est pour capitale de l'Etat palestinien et la reconnaissance du droit au retour des réfugiés. Il va encore plus loin en faveur de l'Etat sioniste puisqu'il ferait également droit à ses revendications au contrôle de la frontière sur le Jourdain et sa reconnaissance par les Palestiniens et le monde arabe en tant «qu'Etat nation du peuple juif». Sur ce dernier point, ce qui a été écrit par les médias américains a été corroboré avant-hier par Barack Obama lors du discours sur l'état de l'union qu'il a prononcé devant le Congrès. Pour lui, la chose est en effet entendue, Israël est bel et bien l'Etat nation du peuple juif, les Palestiniens et les Arabes devant admettre et accepter cette réalité.

Un plan américain donc plus que favorable à Israël dont les amis de la cause nationale palestinienne ont à craindre que son concepteur va très certainement vouloir imposer à un président palestinien et à l'autorité qu'il dirige en les mettant devant le fait accompli du soutien que les dirigeants saoudiens et jordaniens lui ont manifesté. Cette connivence arabe risque de neutraliser le reste de résistance qu'opposent Mahmoud Abbas et la direction palestinienne affaiblis, divisés et en rupture de confiance avec leur peuple.

Pourquoi alors dira-t-on l'establishment dirigeant et politique d'Israël s'en prend à John Kerry et l'accuse du parti pris pro-palestinien ? Pour simplement créer l'illusion qu'en signant l'accord, Israël aura fait des concessions «douloureuses» pour sauver l'alliance stratégique qui le lie aux Etats-Unis. Si le plan Kerry est réellement ce qu'en ont dit les médias américains, Benyamin Netanyahu le signera en faisant valoir hypocritement «que c'est un mauvais accord mais meilleur que pas d'accord du tout». Pour les Palestiniens, ce serait une nouvelle «nekba» aux conséquences incalculables.

John Kerry s'apprête à revenir incessamment dans la région convaincu, dit-on, de parvenir cette fois à «arracher» leur signature aux deux parties. Il entrerait ainsi dans l'histoire en tant que fossoyeur de la cause palestinienne, parvenu à sa fin en jouant sur les lâchetés d'une direction palestinienne déconsidérée et les paniques des Etats arabes voisins de voir l'Amérique esquisser de la prise de distance à leur égard et amorcer son rapprochement avec l'Iran.