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Hydrocarbures : Sonatrach veut racheter un groupe gazier grec

par Salem Ferdi

La compagnie publique Sonatrach fait partie d'un groupe de 14 entreprises de douze pays différents, en course pour l'opération de privatisation du groupe gazier grec Depa. La déclaration d'intérêt de Sonatrach, comme celle des treize autres candidats, a été annoncée conforme. L'offre financière va être décisive.

Dans cette course dont le gagnant sera connu à la fin du mois de mai prochain, Sonatrach est en concurrence avec les entreprises Socar (Azerbaïdjan), Mitsui and Co (Japon), Enagas et Gas Natural (Espagne), ENI et Edison (Italie), Negusneft et Gazprom Finance (Russie), Vopak LNG (Pays-Bas), Israël Corporation Ltd, Mitilineos & Motor Oil et Terna (Grèce) et Capital Partners Fund BV (République tchèque). Contraint par la crise de la dette à imposer un régime d'austérité drastique à la population et à vendre les bijoux de la famille, l'Etat grec a lancé en février dernier un appel d'offres international pour la privatisation du groupe gazier national Depa. Cet appel d'offres entre dans le cadre d'un large programme de cession d'actifs imposé dans le cadre du programme d'ajustement de l'économie grecque conclu avec l'Union européenne et le Fonds monétaire international. Ce programme global doit permettre de lever 19 milliards d'euros d'ici à 2015. L'appel d'offres porte sur une cession de 100% des actions de Depa, détenu à 65% par l'Etat grec et à 35% par la compagnie pétrolière grecque Hellenic Petroleum. En outre, la Grèce envisage de vendre 66% de Desfa, la filiale de distribution de Depa. Les offres financières soumises par les concurrents seront bien entendu déterminantes. On peut penser que Gazprom, qui est un important fournisseur de la Grèce (2,9 milliards de m3 en 2011), est le plus motivé car une telle acquisition serait un jalon important dans sa stratégie de contrôle du marché européen. Sans compter que le groupe Depa représente la partie grecque dans les projets de gazoduc russo-italien «South Stream», le gazoduc Grèce-Bulgarie (IGB) et le gazoduc Grèce-Italie (IGI). Mais il est clair que les autres compagnies dont Sonatrach ne soumissionnent pas simplement pour faire acte de présence. Dans le cas de Sonatrach, prendre pied de manière active sur le marché international et européen en particulier est une nécessité. Le rachat de la compagnie gazière grecque constitue une opportunité qui entre en droite ligne dans la logique de développement du groupe algérien.

UNE OPERATION TRES SURVEILLEE

Certains ont suggéré que Sonatrach est de facto le «fonds souverain» de l'Algérie. Mais il faut bien voir que les investissements extérieurs de Sonatrach ne sortent pas, dans ce cas, de son domaine de spécialisation. Postuler pour le rachat de la compagnie grecque correspond à la volonté d'intégrer la commercialisation de manière active pour conforter une démarche et renforcer sa cohérence d'acteur global sur le marché gazier. «Il ne s'agit pas de prendre des participations en tant qu'investisseur financier, comme ce serait le cas d'un fonds souverain, mais bien de soutenir une stratégie d'implantation internationale, aux plans commercial et de distribution, sur les marchés de consommation», explique un expert algérien qui considère que la démarche de Sonatrach est une «bonne chose». Quelles sont ses chances de l'emporter? Certains paramètres qualitatifs vont probablement entrer en compte. Les relations entre la Russie et la Grèce sont étroites et Gazprom est déjà un des fournisseurs les plus importants d'Athènes. La Grèce aurait peut-être intérêt à diversifier ses fournisseurs mais peut-elle se payer le luxe de mécontenter un partenaire classique et «orthodoxe», dont l'influence et le poids financier sont bien plus importants que ceux de l'Algérie? Sans compter que des entreprises de l'espace de l'Union européenne sont très visiblement en lice. Dans cette opération qui sera particulièrement surveillée -la Grèce est observée avec attention par ses créanciers-, l'offre financière va être décisive. La valeur totale de Depa est estimée à 991 millions d'euros. Il n'y a pas d'estimation disponible pour son opérateur de réseau gazier Desfa. Selon les informations disponibles, la vente de Depa et une cession d'une participation majoritaire de Desfa devraient permettre de lever entre 1,5 milliard et 2 milliards d'euros.