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Hillary Clinton à Alger, entre décorum «civil» et messages politiques: Une «coopération plus étroite» entre l'Algérie et le Maroc

par Salem Ferdi

Qu'est ce qu'une «société civile» ? Ce vieux débat algérien aura reçu une réponse surprenante de la part des Américains, à l'occasion du passage de Mme Hillary Clinton à Alger. Mais ce n'est pas l'essentiel, ce n'est qu'un décor. L'un des messages à retenir est l'affirmation que les Etats-Unis n'ont pas le gouvernement comme seul interlocuteur. L'autre message, probablement le plus important, est l'incitation à une coopération «plus étroite» entre l'Algérie et le Maroc.

Le court passage de Mme Hillary Clinton par Alger aura remis en débat de façon assez spectaculaire la notion fourre-tout de «société civile». Le choix de l'ambassade américaine des membres de la «société civile» s'est fait visiblement sur la base d'affinités linguistiques (des anglophones) et de l'activité «privée». Ces jeunes filles et garçons qui ont été «élus» ont néanmoins surtout servi de décor au message politique que la secrétaire d'Etat a choisi d'adresser aux Algériens avant même de rencontrer les officiels. L'Algérie doit occuper la «place qui lui sied pour les 50 années à venir, avec un programme de développement en faveur de la société». Le message est bien entendu très calibré pour ne pas froisser le gouvernement tout en lui indiquant qu'on attend mieux de lui. Et surtout, le message a été aussi l'occasion d'affirmer que les Etats-Unis ne dialoguent pas exclusivement avec le gouvernement mais aussi avec les entrepreneurs du secteur privé et la société civile. «Nous sommes au 21ème siècle et je conçois la société comme un tabouret à 3 pieds ou 3 piliers. Il s'agit d'un gouvernement «responsable» qui «rend des comptes et crée des opportunités pour la population», du secteur économique privé, il «doit être dynamique et ouvert sur le monde afin de créer des opportunités et de l'emploi» et de la société civile.

BRIEFING EN PLEIN CIEL

Les choses sont plus claires dans le «background briefing» donné à la presse par un haut responsable du département d'Etat aux journalistes, dans l'avion qui menait la secrétaire d'Etat de Tunis à Alger. L'Algérie et le Maroc, explique ce haut responsable dans le briefing publié sur le site du département d'Etat, «sont à un stade différent du développement politique de la Tunisie». En clair, ils sont en retard. Le haut responsable note que le gouvernement algérien a invité le NDI et le Centre Carter pour observer les élections et que la secrétaire d'Etat parlera avec le gouvernement algérien des mesures qu'il peut prendre «dès maintenant» pour encourager une «plus large participation» aux élections du 10 mai afin qu'elles «soient le reflet des sentiments populaires algériens». Mme Clinton, qui n'a pas rencontré d'opposants algériens -sa visite était trop courte pour que cela soit envisageable-, a traduit cela en affichant une disponibilité, au cas où la demande est faite, à soutenir la tenue des élections. En contactant des groupes d'experts pour qu'ils travaillent avec les autorités en Algérie pour appuyer les élections. Et bien entendu, elle a surtout contesté l'idée que les Etats-Unis sont en train de soutenir les partis islamistes. «Nous ne finançons aucun parti politique dans le monde, toutefois, nous proposons de travailler avec les partis pour échanger des idées et donner un soutien en ce qui concerne l'organisation d'élections pour pouvoir assurer un scrutin libre, équitable et crédible», a-t-elle indiqué.

«VALEUR AJOUTEE» ALGERO-MAROCAINE

Sans surprise, du «débriefing» aux propos officiels de Mme Clinton, la question de la relation algéro-marocaine a été «essentielle» dans ce périple maghrébin. Le haut responsable a expliqué que les Etats-Unis avaient des partenariats «forts» avec Alger et Rabat «en termes d'élargissement des objectifs régionaux et les buts contre le terrorisme». Il souligne que le «Maroc et l'Algérie ont été des partenaires très forts avec nous sur la lutte antiterroriste» mais, par contre, ils «n'ont pas été aussi forts» dans le partenariat entre eux. «Il y a, de toute évidence, la valeur ajoutée s'ils pouvaient travailler plus étroitement entre eux», a indiqué le haut responsable américain en relevant l'accroissement des «signes d'ouverture entre Alger et Rabat». «Nous y travaillons, l'un des objectifs de la secrétaire d'Etat est de les encourager à travailler plus étroitement ensemble». C'est probablement la vraie priorité des Américains. Pour ne pas dire la seule au cours de cette courte visite où une «nouvelle société civile», version américaine, a miraculeusement émergé sous les lambris de l'ambassade américaine.