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Le dossier grec

par Akram Belkaïd, Paris

La Grèce va-t-elle faire faillite ? Dans une chronique précédente, il était mentionné l’appartenance de ce pays au club des très peu enviés PIIGS (Portugal, Italie, Irlande, Grèce et Espagne), dont la dette publique rapportée au Produit intérieur brut atteint une telle dimension qu’elle inquiète non seulement les marchés mais aussi les dirigeants de la zone euro. Un indicateur simple montre l’ampleur du problème grec. En 2009, le déficit public de ce pays a atteint 12% du PIB et non pas 4% comme on le croyait jusqu’en novembre dernier. La situation est simple : pour emprunter de l’argent frais, le gouvernement grec est obligé de payer des taux d’intérêts digne d’un pays du tiers-monde jugé peu solvable. Et si l’on ne sait toujours pas quelle va être l’issue de cette situation, on peut d’ores et déjà en tirer deux enseignements majeurs.


Opacité grecque, faiblesse européenne


En premier lieu, il est évident que les autorités grecques n’ont pas fait preuve de la transparence nécessaire à propos de leurs finances publiques. Bien sûr, le nouveau gouvernement issu de la victoire récente des socialistes aux législatives a beau jeu d’accabler la majorité conservatrice qui l’a précédé en l’accusant d’avoir trompé les citoyens grecs et l’Union européenne. Pour autant, le problème est que ce n’est pas la première fois qu’Athènes fait preuve d’opacité sur ses comptes publics voire de « comptabilité créatrice » pour les arranger pour ne pas dire les maquiller. Ce fut déjà le cas à la fin des années 1990 et de nombreux économistes continuent d’affirmer aujourd’hui encore que la Grèce n’aurait jamais dû faire partie de la zone euro car, n’ayant absolument pas répondu aux exigences et critères du Traité de Maastricht. En second lieu, les déboires grecs et les hésitations des capitales européennes qui se demandent comment l’aider mettent en exergue l’une des plus grandes faiblesses intrinsèques de la zone euro. En effet, et contrairement à ce l’on pourrait penser, le Traité de Maastricht - qui régit l’union monétaire - interdit à tout Etat de cette zone de se porter au secours financier d’un autre membre. Cela signifie qu’il manque cruellement à l’Europe un mécanisme de solidarité financière. Et, déjà, certaines voix se font entendre pour critiquer cette faille et exiger la mise en place de l’équivalent d’un « FMI » européen. Un tel fonds aurait pour émission d’éviter qu’un membre de la zone euro ne fasse défaut et, par conséquent, ne mette en péril la crédibilité de la monnaie unique.


Sanctions et compétition exacerbée


D’ailleurs, on sent bien que la Commission européenne aimerait bien jouer un rôle comparable à celui du Fonds monétaire international, du moins en ce qui concerne le registre de l’ajustement structurel. Les messages en provenance de Bruxelles vont ainsi dans le même sens : la Grèce doit mettre de l’ordre dans ses affaires et réduire d’urgence son déficit. Ce qui signifie une baisse de ses dépenses publiques. Et si aucune amélioration ne survient, ce pays pourrait bien être le premier à être sanctionné par Bruxelles dans le cadre de sa procédure pour déficit excessif. Le climat social étant déjà tendu, on devine pourquoi la tâche des socialistes grecs ne sera pas facile.

 Enfin, les cris d’orfraie que l’on entend ici et là sur les finances grecques peuvent cacher des réalités peu prosaïques. Tous les pays européens ont un besoin urgent de s’endetter (1.000 milliards d’euros d’obligations souveraines vont être émises dans la zone euro en 2010 contre 2.000 milliards aux Etats-Unis), le fait d’accabler le voisin permet de se poser en moins mauvais élève et de bénéficier des faveurs du marché. L’année qui s’annonce va donc certainement donner lieu à une compétition féroce entre les membres de la zone euro en matière de levée de fonds. Une bagarre qui fera beaucoup de mal à la solidarité communautaire.