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Adulte ou mineure, la femme algérienne divise

par Yazid Alilat

Un projet de loi, un autre de plus, pour protéger la femme en Algérie contre les violences. Aussi bien physiques, sexuelles, morales et autres. C'est bien. C'est même d'un très bon effet médiatique à la veille d'une célébration mondiale des droits de la femme. L'espace d'une journée, cependant, sans que les vrais problèmes de genre soient posés. Ici en Algérie beaucoup plus qu'ailleurs dans le monde où les lois protègent hommes et femmes sans grand discernement. Comme la discrimination dans le travail, les filières universitaires, les postes de responsabilité, etc.

C'est bien de protéger la femme algérienne contre les débordements de tout genre et de criminaliser les différentes agressions dont elle fait l'objet, chez elle ou ailleurs. Pour autant, la femme en Algérie reste encore marginalisée, considérée comme une marchandise ou, selon les cas, comme «une esclave» des temps modernes. Car il ne faut pas se voiler la face, ni rester dans cette phase temporelle de grande hypocrisie en renforçant l'arsenal criminalisant la violence de genre, encore faut-il prospecter d'autres territoires, défricher d'autres jungles dans lesquelles les droits de la femme en Algérie sont oubliés, foulés aux pieds. Sinon comment expliquer qu'une pension sordide de 800 DA par mois est donnée à la femme au foyer, plaçant celle-ci de fait comme une indigente, alors que l'Etat, pour mieux protéger sur le plan économique la femme au foyer et la protéger du besoin, aurait dû augmenter cette prime, qui était de 50 DA seulement (moins que le prix d'un kg de semoule), beaucoup plus que la «sadaka» des 800 DA.

Quelle vilenie plus grande peut-on asséner à cette femme algérienne, qui a fait tant de sacrifices durant la longue nuit coloniale, que de lui accorder des droits au-dessous de ce qu'elle mérite. Car il est vain de parler de protection des droits de la femme lorsque la société tout entière n'est pas préparée à comprendre sa place réelle dans l'architecture sociale de la nation. En faire juste une «victime», ou ce que certains désignent comme une implacable victimisation de la femme algérienne, est contre-productif dans l'état actuel de la société algérienne. A plus forte raison quand les parlementaires ne s'écoutent pas et ne se comprennent pas, encore moins s'entendre sur un minimum social pour donner corps à des textes de loi qui érigent la femme comme un véritable acteur politique, social, économique et qui fait avancer la société algérienne. Qui participe à l'effort national de développement et de progrès social. Et non pas aller dans le sens déprimant et nuisible qui assimile la femme algérienne à un objet social et humain qu'il faut protéger contre les dépassements de l'homme.

Là, il est clair que la position des ONG, de la société civile est plus avancée et moderne que celle de l'Etat et ses institutions, qui doivent donner une perspective et une identité irréfragable à la femme pour qu'elle puisse se placer dans l'échiquier social de la nation. Et non pas produire des textes de loi facilement «corruptibles» pour la protéger contre des violences que certains députés osent même lui attribuer la responsabilité par son accoutrement. «On ne peut criminaliser un homme qui a été excité par une femme», aurait dit ce député en séance plénière lors des débats sur le projet de loi amendant et complétant l'ordonnance n°66-156 portant code pénal et relatif aux violences faites aux femmes. Quelle tristesse ! A cette allure, la femme algérienne ne sera jamais «adulte».