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Jeunesse algérienne: Partir pour apprendre, revenir pour construire !

par Cherif Ali*

La mer est une vaste douleur, elle ne peut être domptée. Il y a « harragas » lorsqu'il n'y a pas de visas.

Depuis des décennies, les déplacements humains se sont compliqués. Là où le monde libre vantait jadis les frontières ouvertes face au « rideau de fer », aujourd'hui les pays développés ferment leurs portes aux jeunes du Sud, accusant même leurs États d'« encourager le départ».

De nombreux jeunes Algériens veulent tenter la « harga », au moment même où d'autres, du même âge, s'imposent dans l'économie, la culture, le sport et la politique.

L'État ne peut ni enfermer les premiers, ni offrir un avenir immédiat à chacun.

Faute de perspectives, certains continuent à « tenter le diable », défiant les vagues à bord d'embarcations de fortune.

Beaucoup de jeunes diplômés, médecins notamment, ne demandaient pas des privilèges mais seulement des moyens décents pour exercer dans les régions enclavées. Faute de dialogue avec les tenants du pouvoir de l'époque, certains sont partis. Recrutés par des hôpitaux français, ils ont même été décorés pour leur rôle dans la lutte contre la Covid-19 et aussi et surtout d'avoir comblé les déserts médicaux de l'hexagone

L'immigration choisie : quand l'Occident sélectionne

Sous couvert de « politique d'immigration choisie », des pays comme la France ciblent les profils d'excellence : chercheurs, artistes, sportifs, étudiants brillants…

Autrement dit, on chercherait du côté de l'hexagone à troquer les meilleurs grâce à leur pays contre les médiocres qu'on veut rapatrier «à coups d'OQTF »!

Réussir ailleurs, inspirer ici

Qu'ils partent donc ces jeunes s'ils le veulent ; qu'ils reviennent surtout, car l'Algérie a besoin de leur énergie et de leurs idées.

Découvrir le monde est une richesse, à condition de ne pas rompre le lien avec la patrie.

Des figures comme Mouna Hamitouche, Dr Elias Zerhouni, Arezki Idjerouidene, ou encore pour illustrer davantage la réussite des Algériens qui partent, rappelons à Bruno Retailleau et consorts ce chiffre de 99000 entreprises créées en France par nos compatriotes qui ont ainsi offert ainsi pas moins d'un million d'emplois aux Français !

Tout ceci pour dire que l'Algérien n'est pas moins productif qu'un Allemand ou un Coréen, il lui manque surtout des conditions de travail sérieuses. L'exemple du barrage de Taksebt, construit dans les délais avec des ouvriers 100% algériens, le démontre : la rigueur du management change tout.

De ce qui précède, d'aucuns pourraient faire remarquer qu'exhorter les jeunes à partir équivaudrait à vider le pays de sa substance, de sa force de mobilisation, de l'élan et du dynamisme de ce segment particulier de la population.

Ils se trompent ceux qui pensent ainsi, car il s'agit d'un mouvement global de migration qui s'est déclenché dans le monde, inexorablement. Les jeunes de tous les pays émigrent et veulent aller dans les pays qui vont faire avancer le monde dans les 10, 20 ou 30 années prochaines.

Après, la destination choisie reste du domaine du libre arbitre !

Phénomène universel donc, à l'instar de ces français qui quittent l'hexagone pour trouver du travail, monter une entreprise ou réaliser leurs rêves. Ils sont partis vivre et travailler à New-Delhi, Shanghai, Hong-Kong ou Rio au Brésil. Certains d'entre eux ont monté des boulangeries au Québec ; ils croulent sous les CV de leurs compatriotes restés au pays, mais piaffant d'impatience de les rejoindre et de tenter l'aventure.

Alors que le chômage atteint des pics intolérables en France, des jeunes salariés dans les TIC et l'internet arrivent à gagner 25% de plus de ce qu'ils auraient perçus dans leur pays d'origine. Quelques chiffres concernant ces Français qui émigrent : ils sont 500 000 à Londres, 100 000 à Berlin, combien en Chine et à Dubaï ? En tout, ils sont quelque 2 000 000 !

Et combien sont-ils les Algériens qui sont partis et qui ont réussi ?

Autant ou plus, allez savoir.

Et cette question, faut-il partir pour réussir : oui peut-être au vu des exemples cités supra. Non, si on se réfère à ces exemples : Celui de cet Algérien, Hamza Bendelladj, jeune hacker de 24 ans qui a fait le buzz. Il était devenu célèbre malgré lui après avoir utilisé, frauduleusement, des serveurs destinés à prendre le contrôle d'ordinateurs personnels et aussi pour avoir fait une promotion agressive de leur virus pour voler des données confidentielles. Il avait fait l'objet d'une décision d'extradition et il a risqué gros dans cette affaire.

Non aussi, si l'on se rappelle de tous ces ingénieurs en pétrochimie et autres spécialistes en hydrocarbures, formés à grands frais par l'Algérie et vite débauchés par le Qatar et l'Arabie Saoudite !

Non également, si l'on pense au gâchis de tous ces informaticiens et autres hydrauliciens partis au Canada et ailleurs, car n'ayant pu cohabiter avec leurs responsables d'alors, aussi autoritaires que médiocres managers !

Faut-il pour autant encourager tous ces algériens et algériennes à rentrer au pays, à transformer leur savoir-faire et le mettre au profit du développement socio-économique du pays ?

Certainement au vu des facilitations qui leurs sont octroyées par le nouveau code d'investissement en matière de création de start-up !

Donc, partir pour réussir oui, partir pour fuir, non !

Le regard de l'État

Dés son premier mandat, le président Abdelmadjid Tebboune avait dénoncé les humiliations subies par les sans-papiers algériens à l'étranger, plaidant pour leur respect et leur dignité.

Il a ainsi proposé d'envoyer des jeunes séjourner temporairement en Europe afin qu'ils constatent par eux-mêmes que leur avenir se joue d'abord en Algérie.

Il convient de le rappeler avec force : ce texte n'est en aucun cas une incitation à l'immigration clandestine.

Partir sans papiers, au risque de sa vie, n'est pas une solution !

La « harga » est une tragédie humaine qui endeuille des familles entières. Si partir peut-être un projet réfléchi, mûri et encadré, fuir sans repères ni sécurité, c'est condamner sa jeunesse et son avenir.

Partir pour réussir, oui !

Pour étudier, travailler, apprendre et revenir plus fort !

Mais partir pour fuir, non !

La fuite n'offre que la douleur des familles, le deuil de vies englouties et la perte d'un potentiel précieux pour la nation. L'Algérie a besoin de ses enfants.

Pour conclure avec ce message destiné à Emanuel Macron et son fraichement nommé Premier Ministre Sébastien Lecornu : « Dans leur majorité, les algériens demandeurs de visas, ne sont pas des va-nu-pieds et la plupart de ceux qui se rendent en toute légalité en Europe savent s'assumer et se font un point d'honneur à déployer leur civilité et le respect envers les hôtes qui les accueillent !»

*Ancien Chef de Daïra