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Doha sous les bombes: Israël allume l'incendie, le Golfe tremble, le monde vacille

par Laala Bechetoula

La ville qui se rêvait capitale de la médiation. La ville des salons feutrés où se négociaient des trêves secrètes, des échanges d'ota ges, des équilibres impossibles. Hier, ce sanctuaire a volé en éclats.Israël a frappé. Cinq responsables du Hamas ont été tués. Mais ce n'est pas seulement un raid, ce n'est pas seulement une frappe : c'est une déflagration géopolitique. Car en visant le cœur du Qatar, Tel-Aviv envoie un message brutal : plus aucun sanctuaire n'est intouchable.Quand Israël teste les limites… et les complicesPour frapper Doha, il ne suffit pas de lancer un missile.Il faut franchir des espaces aériens verrouillés, contourner des radars, défier des pactes secrets.Alors, qui a ouvert le ciel ?L'Arabie saoudite ?La Syrie ?Ou les eaux internationales sous l'œil des drones américains ?Ce n'est pas seulement une opération militaire.

C'est un jeu d'échecs planétaire où les complices se taisent et où les alliances se redessinent dans l'ombre.Le Qatar humilié, la diplomatie assassinéeDoha, jusqu'à hier, jouait un rôle central : le médiateur invisible entre Washington, Tel-Aviv et la branche politique du Hamas. Mais avec ces frappes, les ponts secrets s'effondrent.

Des mois de négociations sont réduits en poussière.Les canaux de sortie de crise sont dynamités.Et plus grave encore : c'est le prestige du Qatar qui est piétiné.Un État qui se voulait l'arbitre des conflits devient, en une nuit, une cible sans défense.Les Accords d'Abraham sous respirateurOn nous avait vendu les Accords d'Abraham comme une révolution diplomatique.

On nous les avait présentés comme le modèle de paix économique entre Israël, les Émirats et Bahreïn.Hier, ce modèle s'est fissuré.Les Émirats arabes unis sont pris au piège : continuer à collaborer avec Israël, c'est se mettre à dos leur propre opinion publique.Bahreïn, où stationne la 5I” flotte américaine, marche sur un fil tendu entre obligations stratégiques et colère populaire. Chaque missile lancé sur Doha fait trembler ces accords.Chaque impact rapproche le Golfe d'une implosion diplomatique.Mohammed ben Salmane : l'équation impossibleMBS a condamné la frappe israélienne, la qualifiant d'« acte criminel ».Dans le langage codé de Riyad, c'est plus qu'une réprimande : c'est un signal de rupture potentielle.

Mais le prince héritier est pris dans un dilemme infernal :Se rapprocher d'Israël, sous la pression américaine. Ou écouter la rue arabe, qui bouillonne de colère.La Vision 2030, ce grand projet de modernisation économique, est désormais en danger.

Car une chose est devenue claire : aucun pétrodollar ne peut acheter la dignité arabe.Washington pris à son propre piègeLes États-Unis voulaient un Qatar médiateur.Ils voulaient un Israël protégé.

Ils voulaient un Golfe pacifié. Résultat : ils ont tout perdu.S'ils condamnent Tel-Aviv, ils se brouillent avec leur allié stratégique.S'ils se taisent, ils humilient leurs partenaires du Golfe.Le silence embarrassé de Washington est assourdissant.Et pendant qu'ils hésitent, le Moyen-Orient brûle.

La guerre des récits a commencéDerrière chaque missile, il n'y a pas seulement de la poudre et de l'acier.Il y a une bataille d'images. Qui contrôle le récit ? Qui écrit l'histoire? Qui impose ses vérités ?Israël frappe, Washington hésite, le Golfe tremble…Mais ce sont les opinions publiques qui deviennent l'arme ultime.Et dans cette guerre-là, chaque vidéo, chaque photo, chaque mot compte.

Demain ? Aujourd'hui, c'était Doha. Demain, peut-être Abou Dhabi. Peut-être Riyad.Peut-être Manama.Les lignes rouges bougent.

Les équilibres se brisent.La carte du Moyen-Orient se redessine sous nos yeux. La vraie question n'est plus qui tire.La vraie question, c'est : qui tombera ?.