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![]() ![]() ![]() Qui tiendra les Etats-Unis et son président responsables de leur agression ?
par Khaled Chebli * ![]() Le
gouvernement chinois a fermement condamné les récentes actions militaires américaines,
les qualifiant de violations flagrantes de la Charte des Nations Unies, du
droit international et de la souveraineté des États. Cette condamnation
illustre une inquiétude mondiale croissante face au mépris répété par les
États-Unis des normes juridiques établies, agissant avec une apparente
impunité, comme s'ils se plaçaient au-dessus des règles qui gouvernent la
conduite internationale.
Dans le paysage international actuel, complexe et souvent tumultueux, une question pressante se pose avec une urgence renouvelée : qui tient les États-Unis responsables de leurs actes d'agression ? Des interventions militaires au Moyen-Orient aux opérations secrètes portant atteinte à la souveraineté d'États, les États-Unis semblent opérer sous l'hypothèse que leur puissance immense les place au-dessus de toute réprobation. Pourtant, lorsqu'une superpuissance mondiale agit en dehors des limites du droit international, il est impératif de s'interroger : les États-Unis sont-ils vraiment au-dessus de toute responsabilité ? L'article 2(4) de la Charte des Nations Unies interdit explicitement le recours à la force entre États, n'autorisant d'exception que la légitime défense au titre de l'article 51 ou une autorisation du Conseil de sécurité. Or, les États-Unis ont fréquemment justifié leurs actions militaires par des notions vagues telles que la « dissuasion préemptive » ou la « lutte contre le terrorisme ». Ces prétentions échouent souvent à respecter les critères stricts de nécessité et de proportionnalité. Cette confusion entre légitime défense licite et agression illégale suscite de graves interrogations : les États-Unis font-ils preuve de la retenue que requiert une superpuissance responsable, ou agissent-ils avec l'arrogance de celui qui se croit au-dessus du droit international ? Plus inquiétant encore est l'usage récurrent de ces justifications pour légitimer des incursions militaires dans des pays ne constituant aucune menace imminente ou directe à la sécurité américaine. L'Iran, en particulier, a été la cible de multiples opérations militaires - frappes aériennes et actions secrètes- ne répondant pas au seuil de la légitime défense. Alors que Washington affirme que ces mesures servent ses intérêts de sécurité nationale, elles ressemblent en réalité davantage à des actes d'agression qu'à des actes défensifs. Le droit international ne traite plus l'agression comme une simple manœuvre politique ; elle est désormais reconnue comme un crime international grave. Les Amendements de Kampala de 2010 au Statut de Rome de la Cour pénale internationale ont codifié l'agression comme une infraction pénale, rendant les dirigeants d'État responsables de tels actes. En théorie, cela signifie que le président américain actuel Donald Trump, ainsi que ses prédécesseurs, pourraient être poursuivis pour des décisions ayant conduit à des actes d'agression, si les critères juridiques sont réunis. Pourtant, la question clé demeure : l'establishment politique américain respecte-t-il véritablement le droit international ? Ou persiste-t-il dans un sentiment d'exceptionnalisme lui conférant une immunité face à ces règles ? Un obstacle majeur à la responsabilisation des États-Unis réside dans leur position privilégiée de membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, doté du droit de veto. Ce pouvoir confère à Washington une capacité quasi absolue de bloquer toute mesure substantive contre lui. L'invasion de l'Irak en 2003, menée sans l'approbation du Conseil de sécurité, en est un exemple criant. Tant que les États-Unis conserveront ce droit de veto, leurs actions resteront effectivement à l'abri de tout examen juridique international. L'ironie tragique est que le mécanisme conçu pour prévenir les abus de la force est utilisé pour protéger le principal contrevenant. Cette faille systémique permet aux États-Unis d'échapper à toute forme de reddition de comptes et mine la crédibilité même du droit international. Sous la présidence de Donald Trump, de nombreuses opérations militaires et assassinats extrajudiciaires ont été autorisés, notamment l'assassinat du général iranien Qassem Soleimani sur le sol irakien, sans le consentement de Bagdad ni l'approbation du Conseil de sécurité. Cet acte a violé de manière flagrante le droit international et la souveraineté irakienne, établissant un dangereux précédent qui continue d'influencer la politique américaine. Les interventions répétées de Trump en Iran et au Yémen illustrent le mépris manifeste des États-Unis pour les normes internationales et la souveraineté. Ces actes ne sont pas des incidents isolés, mais s'inscrivent dans un schéma plus large sapant l'ordre mondial que Washington prétend défendre. Malgré les difficultés, la responsabilisation des dirigeants américains n'est pas hors de portée. Des voies juridiques nationales et internationales restent à explorer. Aux États-Unis, le Congrès pourrait adopter des lois restreignant les interventions militaires non autorisées et mettre en place des mécanismes d'enquête rétrospective. Sur la scène internationale, la Cour pénale internationale et d'autres instances judiciaires pourraient exercer leur compétence si les conditions le permettent. Au-delà des tribunaux formels, des tribunaux populaires symboliques -comme ceux convoqués autrefois pour le Vietnam ou le conflit israélo-palestinien- peuvent exercer une pression morale et politique. Bien que dépourvus de force exécutoire, ces tribunaux sensibilisent et mobilisent l'opinion publique en faveur de la justice. Des précédents historiques offrent une lueur d'espoir. Le scandale du Watergate a conduit à la démission du président Richard Nixon dans les années 1970, déclenchant un débat sur la responsabilité présidentielle et affirmant qu'aucun dirigeant n'est au-dessus des lois -même si Nixon bénéficia finalement d'une grâce présidentielle. Plus récemment, des appels à tenir l'ancien président George W. Bush responsable de l'invasion de l'Irak en 2003 ont émergé dans la doctrine juridique et les cercles des droits de l'homme. Bien qu'aucune poursuite formelle n'ait eu lieu, des jugements symboliques comme celui du Tribunal des crimes de guerre de Kuala Lumpur en 2011 ont déclaré Bush et certains hauts responsables coupables de crimes contre la paix, renforçant l'idée que les dirigeants peuvent être tenus pour responsables, que ce soit par des moyens juridiques ou par la pression de l'opinion publique. Conformément à l'article 51 de la Charte des Nations Unies, l'Iran a le droit légal de se défendre contre une agression armée. Pourtant, les médias dominés par les États-Unis présentent souvent les ripostes iraniennes comme des « escalades injustifiées », reflétant une représentation profondément biaisée des événements. L'Iran, comme tout État souverain, a le droit de protéger son intégrité territoriale et de répondre légalement à des attaques illégales. Pour restaurer un système mondial de responsabilité fonctionnel, des réformes décisives sont impératives. La réforme du Conseil de sécurité est essentielle pour limiter ou suspendre l'usage du veto dans les cas de crimes internationaux graves tels que l'agression ou les crimes de guerre. Les tribunaux régionaux et nationaux devraient être habilités à poursuivre les auteurs étrangers. La mobilisation internationale doit soutenir des campagnes juridiques et des poursuites symboliques contre les responsables, y compris les officiels américains actuels et anciens, en suivant les précédents établis ailleurs. Tenir les États-Unis responsables de leurs actes d'agression est une tâche ardue, mais ni impossible ni optionnelle. L'histoire du droit international démontre qu'aucun dirigeant, aussi puissant soit-il, n'échappe à la justice à long terme. Le président Trump et d'autres responsables américains doivent être tenus pour responsables, comme le seraient les dirigeants de tout autre État. L'inertie institutionnelle d'aujourd'hui ne devrait que renforcer la volonté de rouvrir ces dossiers cruciaux. Les crimes internationaux ne se prescrivent pas, et la haute fonction n'accorde aucune immunité. Seule une véritable reddition de comptes peut permettre à l'ordre mondial de guérir des chaos causés par un pouvoir incontrôlé, en réaffirmant les principes d'égalité, de souveraineté et de justice pour tous. Il est temps de dépasser la rhétorique et les gestes symboliques. La véritable justice exige que les responsables de l'agression, quel que soit leur pouvoir ou leur rang, soient confrontés à de réelles conséquences. La responsabilité n'est pas seulement une nécessité juridique - elle est le fondement de la paix, de la stabilité et du respect entre les nations. Le monde doit s'unir pour garantir que personne, pas même le plus puissant, ne soit au-dessus des lois. *Chercheur en droit public |
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