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Sommet de Johannesburg: L'Algérie aux portes des BRICS

par Ghania Oukazi

Représentée par le ministre des Finances aux travaux du Sommet de Johannesburg, l'Algérie compte bien faire partie de ses pays membres - les Brics - et ce, en formalisant son actionnariat dans le capital de leur banque et en y bénéficiant au préalable d'un statut d'observateur en attendant que sa demande d'adhésion soit acceptée et confirmée.

C'est donc le ministre des Finances, Laaziz Faïd, qui a été dépêché dimanche dernier, par le président de la République à Johannesburg (Afrique du Sud) pour le représenter au forum «BRICS Outreach Plus», qui en marque la 15e session, selon un communiqué du ministère rendu public hier, lundi. Laaziz Faïd participera à cet important rendez-vous dont l'ouverture se fera jeudi prochain, après des réunions bilatérales et multilatérales qui débutent aujourd'hui, mardi. En plus des dirigeants des cinq pays du groupe des BRICS, le forum réunira sous le thème «Partenariats pour une croissance accélérée, développement durable et multilatéralisme inclusif», des chefs d'Etat et de gouvernement de 67 pays d'Afrique, d'Amérique latine, d'Asie et des Caraïbes, ainsi que des responsables d'organisations internationales et régionales. «La participation de l'Algérie à ce forum traduit tout l'intérêt accordé par les autorités du pays à contribuer à la réflexion autour des questions liées à la reprise face aux crises multidimensionnelles, au renforcement d'un multilatéralisme juste et à la réforme de la gouvernance mondiale», affirme le ministère des Finances. «Les thématiques qui seront débattues en présence d'éminentes personnalités et de chefs d'Etat, témoignent de l'importance d'une action solidaire pour un système économique mondial plus réactif et plus juste, permettant de lutter contre les inégalités, d'accélérer la transition climatique et de renforcer les chances d'atteindre les objectifs du développement durable», indique-t-il encore en précisant que Faïd rencontrera, en marge de cet événement, des responsables de certains pays membres et non membres des BRICS, « avec lesquels il échangera sur l'état et les perspectives de coopération avec l'Algérie ». Lors de la visite en Chine qu'il a effectuée du 17 au 21 juillet dernier, le président de la République a déclaré que «nous avons demandé officiellement à rejoindre le groupe des BRICS et sa Nouvelle Banque de développement en tant qu'actionnaire avec une première contribution à hauteur de 1,5 milliard de dollars».

«Un statut d'un Etat membre observateur pour une première phase»

Abdelmadjid Tebboune estime que cette adhésion »ouvrira de nouvelles perspectives économiques» tout en précisant que «l'Algérie œuvre depuis des années, aux côtés de la Chine, pour un monde meilleur et plus juste où des aides sont accordées aux pays pauvres». Il a expliqué à cet effet que «nous œuvrons également pour un monde multipolaire» et «nous réclamons, avec la Chine, la révision de plusieurs aspects relatifs aux institutions onusiennes, pour ne citer que le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale (BM), qui ne servent plus les pays pauvres et émergents (...), le groupe des BRICS nous est plus favorable». Le 5 août dernier, le président de la République a déclaré à des médias nationaux au sujet de l'adhésion de l'Algérie aux Brics que « nous nous sommes entendus pour que l'accession commence par une première phase, celle d'un État membre observateur » non sans indiquer que « les membres de l'organisation n'ont pas encore tranché les critères à retenir pour accepter de nouveaux membres ». Il estime que « ce qui nous encourage est que les acteurs des BRICS nous soutiennent, à l'image de la Russie, de la Chine, de l'Afrique du Sud et même du Brésil ». Le lendemain, dimanche 6 août, le ministre des Affaires étrangères et de la Communauté à l'étranger a reçu les ambassadeurs de la Chine, de la Russie, de l'Inde, ainsi que des chargés d'affaires aux ambassades du Brésil et de l'Afrique du Sud en Algérie (...) dans le cadre des démarches visant à mobiliser davantage de soutien à la candidature de l'Algérie pour son adhésion en tant que membre au sein du groupe des BRICS », a rapporté un communiqué du ministère. Il a noté qu'il faut «valoriser les atouts de cette candidature qui repose sur une forte volonté politique de la part du président de la République, et puise sa spécificité des principes, des valeurs et des références sous-tendant la politique étrangère de notre pays, laquelle n'a eu de cesse de plaider pour l'établissement d'un ordre international multipolaire et d'œuvrer en faveur de l'activation de l'action internationale multipartite et de la démocratisation des relations internationales».

Le soutien de l'Afrique du Sud aux peuples sahraoui et palestinien

Pour Ahmed Attaf, «l'Algérie, de par son militantisme politique connu pour promouvoir les valeurs et les principes sur lesquels et pour lesquels l'organisation des BRICS a été fondée(...), ambitionne d'apporter une contribution qualitative à l'activité de ce Groupe, en faveur des objectifs de paix, de sécurité, de développement et de bien-être au double plan régional et international", a conclut le communiqué. Composé de cinq pays émergents qui sont la Russie, la Chine, le Brésil, l'Inde et l'Afrique du Sud, le groupe des Brics dont la création en tant que « Bric » a été actée en 2009 après l'aboutissement d'importantes négociations lancées en 2006, et est devenu « Brics » en 2011 après l'adhésion de l'Afrique du Sud, s'active à se positionner sur l'échiquier mondial en tant que révisionniste du monde unipolaire sur lequel trône les Etats-Unis en s'appuyant sur leurs grands alliés de l'Occident et sur l'entité sioniste. Jamais les Brics n'ont fait autant parler d'eux que ces dernières années où s'entrechoquent initiatives et contre-offensives à tous les niveaux régionaux et internationaux, pour déconstruire une structuration du monde injustement et illégalement unipolaire pour la reconstruire en une autre multipolaire «plus équitable et plus juste » affirment-ils. Conçu initialement pour être une institution économique par excellence, le groupe se positionne en effet aujourd'hui, comme une organisation géopolitique de grande envergure dont la mission capitale est de renverser «les équilibres» mondiaux tenus en main par les Etats-Unis pour les réorienter, selon ses membres, vers des coopérations équitables basées sur le non alignement que ce soit pour le nord ou pour le sud ainsi qu'une promotion de coopérations sud-sud capables de mettre un terme aux ingérences étrangères intempestives en Afrique et dans le monde arabe et musulman. Il est clair que la guerre russo-ukrainienne y est pour beaucoup tant elle a dangereusement précipité le monde dans une confrontation armée qui augure de mauvais lendemains pour l'humanité toute entière. Le coup d'Etat du 26 juillet dernier au Niger est venu confirmer si besoin est, les fortes appétences d'accaparement et de régence des puissances étrangères des ressources du reste du monde notamment en Afrique et dans le monde arabe avec toutes les conséquences désastreuses qu'elles engendrent.

Soutien de l'Afrique du Sud aux peuples sahraoui et palestinien

Tout en dirigeant par une main de fer l'Occident en premier, ce gendarme du monde que sont les Etats-Unis craignent de se voir dépourvu de ce statut par les offensives des Brics dont la plus en vue aujourd'hui est leur décision de dédolariser le commerce mondial. La Russie et la Chine particulièrement, ont déjà commencé à effectuer leurs transactions commerciales avec le rouble et le yuan, leurs monnaies nationales respectives. Notons que le Président Ramaphosa de l'Afrique du Sud a affirmé dimanche, la veille du sommet des Brics que "l'Afrique du Sud, qui est membre du Mouvement des non-alignés, soutient activement les luttes des opprimés à travers le monde". Il a affirmé dans ce sens que "nous avons toujours estimé que la liberté que nous avons arrachée et la solidarité dont nous avons bénéficié nous obligent à soutenir les luttes de ceux qui sont encore sous le joug colonial. C'est pourquoi nous continuerons à soutenir les luttes des peuples sahraoui et palestinien". a-t-il soutenu. Il a souligné ainsi « l'attachement de son pays à la Charte des Nations Unies, notamment au principe selon lequel tous les membres doivent régler leurs différends internationaux par des moyens pacifiques. Pour ce qui est des Brics, le président sud-africain a dit que "les membres du groupe plaident en faveur d'un monde plus équitable et plus équilibré, régi par un système inclusif de gouvernance mondiale", faisant observer que son pays avait toujours défendu les intérêts de l'Afrique au sein des Brics. Il a notamment indiqué que son pays soutenait l'élargissement de la composition des Brics à des pays qui "partagent le désir commun d'avoir un ordre mondial plus équilibré".

«Cette structure décisionnaire du monde futur»

Autre déclaration, «l'Afrique du Sud tient à ce que l'ONU, une fois réformée, soit au centre des affaires mondiales, nous demeurons convaincus que cette institution multilatérale a besoin d'une véritable réforme pour qu'elle soit plus démocratique et plus représentative". Il propose de "transformer le Conseil de sécurité de l'ONU en une instance plus inclusive et plus efficace, capable de garantir la paix et la sécurité" tout en étant convaincu que "le dialogue, la médiation et la diplomatie demeurent la seule voie qui permette de mettre fin aux conflits actuels et de réaliser une paix durable". Le 17 août dernier, René Naba, écrivait sur son site El Madanya «le sommet des Brics de Johannesburg est « le premier sommet sur le continent africain de ce groupement qui se propose de créer un monde multipolaire et de mettre un terme à six siècles d'hégémonie absolue occidentale sur le reste de la planète». Le journaliste franco-libanais, analyste, spécialiste du Monde arabe affirme que «ce sommet actera dans l'ordre symbolique la fin de l'unilatéralisme occidental tel qu'il s'est manifesté depuis l'implosion de l'Union soviétique, en 1989, et corrélativement, les nouveaux rapports de force sur la scène mondiale ». Considéré comme un grand ami de l'Algérie, René Naba a formulé son souhait il y a déjà plusieurs mois, de voir l'Algérie adhérer aux Brics, «cette structure décisionnaire du monde futur », a-t-il dit. Ce sont 23 pays dont l'Algérie, qui ont introduit leur demande d'adhésion à ce groupe dont une grande majorité de pays arabes et musulmans, du Golfe, de l'Asie, du Moyen-Orient et de l'Afrique.