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A quoi joue le Maroc ?

par Abdelkrim Zerzouri

Pourquoi le Maroc s'entête-t-il à reproduire les échecs dans ses tentatives de se présenter comme médiateur actif dans la crise libyenne ? En 2015, le Maroc a organisé une rencontre entre des responsables libyens à Skhirat et claironné à la fin que cette rencontre a abouti à un accord qui, malheureusement, n'a jamais été concrétisé sur le terrain, notamment à cause du refus opposé par le camp de l'Est libyen. Cela montre, déjà, que le Maroc ne réunit pas toutes les parties en conflit, mais seulement quelques responsables, qui peuvent bien se mettre d'accord sur quelques points, alors qu'on sait pertinemment que d'autres parties, qui n'ont pas pris part à leurs réunions pour une raison ou une autre, ne peuvent pas cautionner leur accord. Entre 2015 et 2023, huit ans se sont écoulés, englobant des réunions et des rencontres au Maroc, et en Europe, entre les responsables libyens, et la crise libyenne perdure toujours.

Si cela explique une chose, c'est que tout ce beau monde qui cherchait à se placer en tant que médiateur dans la crise libyenne n'a pas réussi dans sa mission d'instaurer la paix dans ce pays en proie aux divisons et aux violences depuis 2011. Et, dans des moments où la Libye semble se diriger vers des élections présidentielles et législatives, toutes les parties en conflit ayant convenu que c'est la seule solution pour retrouver la stabilité, ne voilà-t-il pas que le Maroc veut effectuer son retour sur le dossier libyen en organisant une rencontre à Bouznika entre le président du Parlement, Aguila Saleh Issa, et le président du Haut Conseil d'Etat, Khaled al-Michri qui au bout de quinze jours de discussions dans cette station balnéaire sont arrivés à signer un « accord » sur les lois électorales. Mais les nombreuses autres parties libyennes, comme toujours, n'en connaissent ni le bout ni la conclusion, parce que n'ayant pas participé à son élaboration.

Immédiatement après l'annonce de cet « accord », le ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l'étranger Ahmed Attaf a reçu un appel téléphonique du représentant spécial du Secrétaire général de l'ONU, chef de la Mission d'appui des Nations Unies en Libye (MANUL), Abdoulaye Bathily, avec lequel il a passé en revue « les développements de la situation politique et sécuritaire en Libye, pays frère, à la lumière des efforts déployés par l'ONU pour que les parties libyennes puissent parvenir à une solution définitive à la crise ». Le message est clair, les Libyens doivent parvenir à une solution sous l'égide de l'ONU. Le Maroc ne cherche-t-il pas à saboter ces efforts de l'ONU pour faire perdurer le conflit libyen en parrainant la signature d'un « accord » entre deux camps qui sera forcément rejeté par tous les autres antagonistes ? Si l'Algérie souhaite que la crise libyenne se règle le plus rapidement possible, pour des raisons évidentes de voisinage et des effets de la crise sur la stabilité de la région, il est impossible que le Maroc soit du même avis. En témoigne la reproduction, sciemment entretenue, des échecs de sa soi-disant médiation dans ce conflit.