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Complot (s) ?!

par Belkacem-Ahcene Djaballah

Imene Khelif (une très grande athlète), qui n'a pu, hélas pour elle et pour nous, disputer la finale de la 13e édition des Championnats du monde de boxe féminine, en Inde, a tout de suite, après avoir été écartée de la finale, crié au «complot». L'athlète avait été disqualifiée par l'AIBA, la veille de sa rencontre avec la Chinoise Yang Cheng Yu pour le titre mondial (-de 66 kg). L'instance internationale a invoqué des raisons médicales. En fait, un taux élevé de testostérone dans le sang. Ni une ni deux, l'athlète a fait part de sa grande peine et on la comprend d'autant que lesdites raisons «médicales» sans appel auraient pu être fournies clairement et bien avant les combats éliminatoires ou bien avant la compétition afin de se «rétablir» : «C'est un complot contre l'Algérie. À travers ma personne, on vise notre pays. Il y a ici en Inde deux nations (note : dont le Maroc ? et «certains responsables algériens» ?), qui ne souhaitent pas voir notre chère patrie remporter la médaille d'or. Franchement, je suis outrée. Je suis victime d'une injustice. Les organisateurs, après m'avoir laissé atteindre ce niveau, sont venus me voir pour me dire que je ne pouvais pas combattre chez les dames. Je disposerais, selon eux, de capacités physiques supérieures. Je ne vais pas me laisser faire. Je fais cette vidéo pour solliciter le soutien de l'État algérien et du peuple. Je suis votre fille. Vous devez m'aider », a tenu à déclarer l'athlète algérienne, visiblement déçue, sur sa page Instagram. N'entrons pas trop dans les détails de la décision de l'AIBA.

Ce qu'il faut savoir, c'est que plusieurs athlètes dans différentes disciplines ont déjà vécu une situation similaire à celle de la boxeuse algérienne, c'est-à-dire que leur taux de testostérone a été jugé au-dessus de la normale pour une femme. Un ancien sélectionneur national de boxe a tenu à rappeler qu'une autre athlète algérienne avait subi le même sort en 1980 lors des Jeux olympiques de Moscou (Russie). Comme pour dire que les problèmes d'hyper androgénie remontent à longtemps. On se souvient des dénégations d'un athlète, second au 5.000 m aux JO de Sydney en 2000, mais disqualifié pour dopage. On se souvient de la mésaventure d'un boxeur vice-champion du monde. Tous deux avaient dénoncé ce qu'ils ont qualifié de «complot». On a eu aussi les accusations portées à l'encontre de l'arbitre de football Gassama et l'élimination de l'équipe nationale de football, à la dernière seconde face au Cameroun. On a, aussi, les accusations portées, par les dirigeants et les supporteurs et entraîneurs de clubs de foot, entre autres disciplines, à chaque défaite ou menace de rétrogradation, soit contre les arbitres, soit contre la Ligue de football ou la Fédération, soit contre les publics d'accueil.

Finalement, peut-être, il n'y a de complot que dans la tête des «complotistes». Il y a seulement une absence de suivi médical rigoureux et sans tabou au niveau de nos propres structures sportives et une absence de qualité de jeu (ou de qualité des stratégies) lors des compétitions. Parler de complot ne pourrait être dans ces cas-là qu'une «fuite en avant». Décidément, dans le monde du sport, là où il est vrai la compétition est la plus démonstrative des capacités physiques et mentales des compétiteurs, sur la pelouse, sur le ring, ou sur la piste, bref, en acte et non plus en théorie, on ne finit pas d'être étonné par le nombre continuel de protestations contre les «complots» réels ou, surtout supposés, et ce, chaque fois qu'il y a défaite ou exclusion. A chaque fois, c'est toujours le même refrain de «complot» «ourdi» par... contre l'athlète ou l'équipe, quand ce n'est pas contre toute la région ou même le pays. C'est toujours l'appel aux autorités supérieures non pas pour arbitrer mais pour intervenir.

C'est toujours la «hogra» et j'en passe. Bien sûr, les adversaires du moment ne sont jamais des enfants de chœur et chaque équipe, chaque compétiteur et chaque pays cherche à engranger le maximum de victoires. Car, sur le plan international, le sport est devenu certes un énorme enjeu financier mais aussi et surtout, un pan essentiel de la diplomatie internationale.

Avec ses manœuvres, ses coups fourrés, ses manipulations, sa triche, ses corrupteurs... qui ne sont pas choses rares. Heureusement, le sport, sur le plan international, s'est peu à peu construit un édifice indépendant, presque en dehors des Etats. Tout reste donc lié à l'honnêteté et à la compétence des dirigeants des instances internationales. Avec l'espoir de ne pas voir le fonctionnement de ces dernières dévoyé par des représentants de pays «ripoux». Et, hélas, il n'en manque pas ! Et, avec des représentants de notre pays nombreux, compétents et capables qui ne se contentent pas de siéger dans les bureaux ou de voyager et de s'empiffrer, mais aussi et surtout d'informer les athlètes nationaux sur les règlements et les dangers encourus en cas de déviations. Et, avec des dirigeants nationaux très rigoureux en matière de veille et de suivi médical de nos athlètes. Et, avec des compétiteurs respectueux de l'éthique et de la déontologie sportives.