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Boulangeries: Cherche pain «ordinaire» désespérément !

par Houari Barti

Ce qui semblait être, au début, un phénomène marginal, est désormais devenu presque général devenant, petit à petit, la norme.

Le recours de plus en plus à la vente du pain amélioré, principalement du pain de semoule ou du pain parsemé aux graines de sésame, a fini par venir à bout du pain dit ordinaire.

Dans la majorité des boulangeries oranaises, le pain ordinaire à 10 dinars a, en effet, complètement disparu des étals. Ceux qui le proposent encore à leurs clients, ne le font, généralement, que durant des tranches horaires limitées, très tôt le matin. Le reste du temps, on propose principalement du pain de semoule à 20 dinars la baguette, ou du pain dit amélioré, parsemé de quelques graines de sésame à 15 dinars.

Pour les petites bourses, proposer des variétés de pain amélioré ne doit en aucune manière justifier l'absence du pain ordinaire. « C'est une manière déguisée d'imposer une augmentation du prix, pourtant totalement illégale, à un produit au prix administré et subventionné par l'État, » nous confie, sans détour, un père de famille à la sortie d'une boulangerie à Maraval.

L'ampleur du phénomène suscite la colère des familles à revenus modestes, qui accusent les boulangers de non-respect de la réglementation mais aussi les pouvoirs publics, notamment les services relevant de la direction du commerce, de « passivité » dans leur mission de répression de la fraude.

Contacté hier par téléphone, le président du bureau d'Oran de l'Association de protection et d'orientation du consommateur et son environnement (APOCE), Hadj Ali Abdelhakim, soulignera tout d'abord que le phénomène est loin d'être nouveau et qu'il perdure depuis plusieurs mois. Notre interlocuteur a tenu toutefois à rappeler quelques éléments de base. D'abord que le prix légal d'une baguette de pain est fixé par l'État à 7,5 DA pour l'ordinaire et 8,5 DA pour le pain amélioré. Ce dernier ayant des normes et des caractéristiques bien définis, a-t-il précisé. En deuxième lieu, M. Hadj Ali rappelle aussi que les boulangers demandent depuis des années à ce que ce prix soit revu à la hausse avec comme principale argument, que la subvention de l'Etat ne concerne que la farine, et non pas la baguette de pain, dont la fabrication nécessite d'autres composants comme le sel, l'huile et la levure mais aussi du matériel, de la main d'œuvre et du transport qui ne bénéficient d'aucun soutien.

Du côté des boulangers, on estime, ainsi, que la marge bénéficiaire actuelle n'est plus en mesure de couvrir tous ces frais.

Un argumentaire qui pourrait paraître rationnel si seulement les boulangers n'utilisaient pas cette farine subventionnée pour la fabrication des gâteaux et autres viennoiseries dont les marges de bénéfices sont conséquentes. En résumé, les boulangers bénéficient d'un prix subventionné de 2.000 dinars le quintal de farine pour fabriquer du pain. Or, dans la réalité, une grande partie de cette farine subventionnée est utilisée pour fabriquer de la pâtisserie vendue au prix fort et depuis récemment du pain amélioré au détriment du pain à 10 dinars. Cette manière de faire porte un nom : C'est du "détournement" pur et simple d'une subvention, qui à la base, est destinée au consommateur. Vraisemblablement, tout le monde profite de cette subvention, en l'occurrence, les boulangers et les minotiers entre autres, sauf les petits consommateurs, qui eux, sont désormais contraints de payer leur baguette à 15 et à 20 dinars. C'est ce qui nous a amené à proposer aux pouvoirs publics de revoir de fond en comble le système de subvention pour qu'il profite réellement et directement au consommateur, conclut notre interlocuteur.