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Solution factice

par Abdelkrim Zerzouri

La solution au problème de la migration illégale adoptée par les pays européens, réunis dans l'espace Schengen, reste factice tant que les leviers de cette solution ne sont pas entre leurs mains. Pour eux, la solution de l'externalisation de la politique de lutte contre l'immigration clandestine, prônée depuis des années, est ce qu'ils ont trouvé de mieux sur ce plan, alors qu'en fait, il s'agit d'un aveu d'impuissance. Comment peut-on lutter contre l'immigration clandestine en confiant l'accomplissement de cette mission à des pays tiers, des pays de transit situés à la frontière directe de l'Europe, terrestre ou maritime, incluant les pays de l'Afrique du Nord, la Turquie et l'Europe de l'Est ? Peut-être parce que les lois en vigueur au sein de l'Union européenne limitent les capacités pour gérer ce phénomène migratoire, notamment en raison des exigences de respect des droits de l'homme, qui obligent à traiter les demandes de droit d'asile et des réfugiés introduites par les migrants dans un cadre conforme aux règles des droits de l'homme, qu'ils soient réguliers ou clandestins. Est-ce pour cette raison que l'Europe souhaite que d'autres pays non membres de l'Union européenne puissent se charger de cette tâche embarrassante, qui focalise l'attention des défenseurs des droits de l'homme ?

L'Union européenne est arrivée à souhaiter l'installation des bureaux en tant que postes avancés à l'extérieur de ses frontières, au niveau des pays de transit, où on peut avoir la latitude de refuser les demandes avant même que les demandeurs ne mettent les pieds dans un pays européen, d'où il sera difficile de les expulser. Selon cette conception politique, les européens laissent le soin de la gestion humanitaire du phénomène migratoire aux pays de transit qui, souvent, se fichent royalement du respect des principes des droits de l'homme, tant que leurs commanditaires sont ceux-là mêmes qui distribuent les bonnes et les mauvaises notes sur ce registre. Ainsi en va-t-il du Maroc, qui semble prendre à cœur cette mission de bloquer l'immigration illégale aux frontières de l'Europe. En témoigne l'intervention musclée des services de sécurité marocains, il y a un mois et demi, où plus d'une vingtaine de migrants ont été tués quand ils ont tenté de passer la frontière de l'enclave espagnol Melilla.

Mais la politique migratoire du Maroc est très ambigüe, parfois c'est le durcissement à l'extrême et d'autres fois c'est le laxisme total, comme en mai 2021, quand le Maroc a fermé l'œil sur le passage de 10 000 clandestins, dont de nombreux mineurs, vers les plages de Ceuta, dans des moments de grande tension diplomatique entre le Maroc et l'Espagne à la suite de l'accueil par l'Espagne du président du Sahara occidental pour soins médicaux. Ce qui ne laisse aucun doute sur l'utilisation par le Maroc de la migration vers l'Europe comme un moyen de pression sur les Européens pour obtenir de l'argent afin de financer ses troupes anti-migration et, surtout, obtenir des soutiens sur le dossier du Sahara occidental.

D'autres pays utilisent également ce moyen de pression contre l'Europe pour l'amener à se ranger sur leurs positions dans des dossiers délicats. L'Europe peut-elle ignorer qu'on exerce contre elle des chantages migratoires ?