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L'approvisionnement se fera par Medgaz: Le gaz destiné à l'Espagne ne passera plus par le Maroc

par R. N.

L'Algérie a entériné son refus de renouvellement du contrat la reliant au royaume du Maroc en décidant de livrer son gaz à l'Europe à travers le gazoduc Medgaz.

Pendante depuis plusieurs jours à travers différents médias, la question du renouvellement ou pas du contrat assurant le passage du gaz algérien par les territoires marocains a été tranchée jeudi dernier suite aux précisions que Mohamed Arkab, ministre de l'Energie et des Mines a rendues publiques.

«L'ensemble des approvisionnements de l'Espagne en gaz naturel algérien sera assuré à travers le gazoduc Medgaz », a-t-il déclaré mettant ainsi un terme aux supputations autour du contrat algéro-marocain qui arrivera à terme en octobre prochain. Le refus de renouvellement de ce contrat avec le Maroc était devenu évident depuis mardi dernier, jour où le ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l'étranger a lu un communiqué au nom, a-t-il dit, du président de la République et du gouvernement, avisant de la rupture des relations diplomatiques avec le royaume du Maroc.

Mohamed Arkab l'a confirmé lors de sa réception au siège de son ministère de l'ambassadeur d'Espagne à Alger, Fernando Moran qu'il a assuré de «l'engagement total de l'Algérie à couvrir l'ensemble des approvisionnements de l'Espagne en gaz naturel à travers le Medgaz». Le communiqué du ministère rendu public jeudi à cet effet rapporte que les deux responsables ont passé en revue les relations de coopération entre l'Algérie et l'Espagne dans le domaine de l'énergie. Relations qualifiées par le ministre « d'excellentes, notamment celles relatives à l'approvisionnement en gaz naturel du marché espagnol à partir de l'Algérie ». Arkab a réitéré «la volonté de l'Algérie à renforcer ces relations et à promouvoir le partenariat entre les deux pays pour le bénéfice des deux parties». Le communiqué indique que le ministre a noté, à cet effet, «les efforts déployés par l'Algérie pour garantir la sécurité des approvisionnements en gaz naturel du marché espagnol à travers les importants investissements consentis pour acheminer dans les meilleures conditions le gaz naturel sur ce marché». L'Algérie rassure l'Espagne par la voix de son ministre qui, rapporte le communiqué, «a mis en exergue les récents projets initiés, à l'image du projet d'extension de la capacité du gazoduc Medgaz reliant directement les deux pays».

Les assurances algériennes à l'Espagne

Arkab a alors mis en avant « les capacités dont dispose l'Algérie pour répondre à la demande en gaz de plus en plus croissante des marchés européens et plus particulièrement le marché espagnol et ce grâce à la flexibilité en terme de capacités de liquéfaction dont le pays dispose ». Il a aussi rappelé la nouvelle loi sur les hydrocarbures « et sa portée sur le partenariat, en invitant les compagnies espagnoles à renforcer davantage leur présence en Algérie et bénéficier des avantages que la loi en question offre ».

C'est en 2008 qu'ont été achevés les travaux de réalisation de Medgaz, le gazoduc Maghreb-Europe reliant l'Algérie à l'Espagne. La dernière pose, c'était l'entreprise italienne Saipem qui s'en était chargé en lui réalisant une rallonge maritime de plus de 200 km à partir de Beni Saf dans la wilaya de Aïn Témouchent pour atteindre Almeria en Espagne. Medgaz était entré en service à la fin de la même année. En 2011, le Maroc a signé un contrat avec l'Algérie pour s'assurer l'importation de 640 millions de mètres cubes de gaz algérien à travers ce gazoduc.

En 2005, les autorités espagnoles lui avaient accordé une priorité absolue. Leurs médias ont rapporté qu'au titre de son classement à la catégorie «A» que lui a accordé le ministère espagnol de l'Industrie du Tourisme et du Commerce, « Medgaz est un gazoduc stratégique pour le système énergétique espagnol (qui) délivrera dans une première phase 8 milliards de m3 de gaz naturel par an au marché européen ». En tant que principal promoteur et actionnaire du projet à hauteur de 20% de participation dans son capital au même titre que l'espagnole Cepsa (Global Energy Company), le groupe Sonatrach s'était en même temps associé pour sa réalisation à Endesa (une autre société espagnole d'envergure européenne) et Iberdrola (classé 1er groupe énergétique espagnol), BP (British Petroleum), Gaz de France et Total à raison de 12% de participation chacun. En liaison étroite avec le projet Medgaz, Sonatrach avait en septembre 2018 lancé la réalisation d'une extension du gazoduc Maghreb-Europe qu'elle avait décidé d'appeler le tracé du gazoduc GPDF (Pedro Duran Farell) au nom de l'entrepreneur espagnol ami de l'Algérie et initiateur dans les années 60 de l'idée d'un gazoduc entre les deux rives de la Méditerranée. Devant être réalisée à « 100% » par Cosider et sa filiale ENAC pour un montant de 31,59 milliard de dinars, l'extension qui devait entrer en service en 2020, est longue de 197 km reliant El Aricha, commune de la wilaya de Tlemcen et Beni Saf, commune de Aïn Témouchent.

Les précautions de Sonatrach

«C'est un nouveau couloir qui sera à cheval, selon une note de Sonatrach, sur quatre wilayas à raison de 116 km situés sur celle de Tlemcen, 39 km à Naama, 4 km à Sidi Bel-Abbès et 39 autres à Aïn Témouchent » lisait-on sur une note de la compagnie pétrolière. (Voir le Quotidien d'Oran du 13 septembre 2018). Le lancement des travaux s'était fait à l'époque sous la direction de Mustapha Guitouni alors ministre de l'Energie aux côtés de Abdelmoumène Ould Kaddour, PDG de Sonatrach. « Le GPDF renforcera la position de l'Algérie à l'avenir sur le marché international », avait déclaré le ministre. Sonatrach a écrit dans sa note que «l 'extension du GPDF, gazoduc qui passe depuis 96 par le Maroc, s'inscrit dans le programme de développement et du renforcement des capacités d'approvisionnement en gaz naturel algérien au continent européen et pour permettre à notre pays de disposer d'une flexibilité d'exploitation pour répondre aux besoins croissants du marché national». Nous écrivions en cette année dans ces colonnes que «prévue sur un nouveau couloir que celui desservant en gaz naturel l'Espagne et le Portugal, l'extension El Aricha-Beni Saf approvisionnera d'autres pays européens. Le GPDF assurera ainsi un écoulement bidirectionnel».

Il a été construit pour «sécuriser et augmenter l'approvisionnement de la péninsule ibérique en gaz naturel algérien et ce en prévision de l'augmentation de la capacité du Medgaz par le rajout du 4ème TC à la station de compression de Beni Saf», soutenait Sonatrach. Avec la précision que « l'extension permettra de dévier le flux gazier transitant par le GPDF d'El Aricha vers Beni Saf, d'optimiser l'utilisation de la capacité de réserve, de sécuriser l'approvisionnement en gaz naturel du marché national en particulier de la région ouest du pays et enfin de disposer d'une flexibilité d'exploitation « capacité de réserve » sur l'axe GPDF en cas de besoin.» Ould Kaddour avait précisé que « nous avons 20 000 km de pipelines, l'extension nous permettra d'exporter plus de gaz » en évoquant dans ce sens «le gros contrat de gaz avec les Espagnols de 9 milliards, qui va sur 9-10 ans, c'est à long terme». En réalisant cette extension locale du gazoduc, l'Algérie avait comme pris ses devants pour pallier à toute éventualité.

Les prévisions africaines de l'Algérie

Le Maroc l'avait d'ailleurs senti en véhiculant à cette époque l'idée d'une fermeture de son tronçon à la fin de son contrat en 2021. Les deux pays ont vu juste.

Jeudi dernier, le ministre de l'Energie et des Mines, Mohamed Arkab, a aussi rappelé que « l'Algérie accorde un intérêt particulier à la concrétisation rapide du projet de gazoduc transsaharien (TSGP) inscrit au titre du Nepad, visant à connecter les gisements de gaz naturel nigérians à l'Europe via le réseau de gazoduc algérien ». Un projet important qui, a-t-il précisé, «donnera un nouvel élan aux relations entre nos deux pays, en termes de coopération technique et de renforcement des capacités». Arkab a fait cette déclaration en présence d'une délégation de l'Institut national des études politiques et stratégiques du Nigéria (NIPSS) en visite en Algérie. En faisant part «des retombées socio-économiques importantes dans les pays de transit, dans le respect de la protection de l'environnement et du développement durable», le ministre a exhorté le Nigéria à ratifier l'accord intergouvernemental relatif au projet TSGP signé en 2009 à Abuja. »Nous devrons œuvrer ensemble pour construire l'avenir énergétique de l'Afrique, à travers le renforcement des relations bilatérales», a-t-il soutenu en rappelant « les importantes ressources énergétiques dont disposent les deux pays leur permettant de développer de nombreux projets d'intérêt commun qui vont contribuer au développement du continent à travers l'amélioration de l'accès à l'énergie ». Il affirme ainsi que »notre stratégie de développement accorde, en effet, une place privilégiée à l'énergie en tant que levier de l'intégration régionale». La cheffe de la délégation nigériane et directrice du NIPSS, la professeure Funmi Para-Mallam, a, elle, indiqué que « nous croyons que cette décade est celle de l'Afrique. Nous pensons que l'Algérie et le Nigéria ont un grand rôle à jouer en travaillant ensemble pour faire avancer la cause africaine ».