Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Clamser... à tire-larigot !

par El-Houari Dilmi

L'odeur de la mort nous prend à la gorge, le virus tueur arrache des vies par-ci par-là, sans coup férir. Si la comptabilité macabre n'a plus de limite depuis plusieurs jours déjà pour compter les macchabées, c'est que les Algériens continuent à mourir...à tire-larigot. Fêter la réussite à un examen, aller à la plage, prendre simplement sa douche, ou prendre la route pour se rendre quelques kilomètres plus loin, tout est prétexte à clamser sous nos latitudes déprimantes. A s'arracher les cheveux et les ongles. Et cette euthanasie collective que les Algériens semblent pratiquer comme un sport national, nous fait cauchemarder éveillés... sous 48° à l'ombre ! Dans la rue, partout sur les espaces publics, le «ghachi » fait comme si de rien n'était. Tel ou untel est mort covidé, bof bof et re-bof... et puis après ! Parce que l'homme est un loup pour l'homme, que dire pour hurler sa douleur face à un monde qui ne peut renaître que par la mort d'un autre monde ? « Face à un monde dangereux à vivre, la faute n'est pas tant à ceux qui font du mal, mais à ceux qui regardent et laissent faire », disait déjà Albert Einstein. Encore heureux que le commun des Algériens n'est pas assez savant pour raisonner de travers. Ni assez philosophe pour apprendre à mourir avec un (sou) rire jaune en pendentif. A rebours de cette vérité toute simple, il y a ceux, haut juchés sur les balcons inexpugnables. Les yeux clos et les oreilles bouchées, ils sont chargés de gérer le quotidien en noir et blanc de l'Algérien lambda. Dans leur génie (trans) humain, ils continuent de tirer des plans sur la comète en finissant toujours par poser un cautère sur une jambe de bois. Plusieurs étages plus bas, chez l'arrière-peuple profond, l'on est toujours au point zéphirus, à s'interroger si un Algérien de Z'dama ou d'Oum Theboul n'est pas simplement un homme qui ne veut plus regarder nulle part, y compris dans son propre miroir « brisé ». S'il faut se sustenter pour remplir son « vicariat » sur terre ou simplement entrer par un bout pour en sortir édenté par l'autre. S'il faut travailler ou aller au travail. S'il faut s'instruire ou se rendre simplement à l'école du coin de la rue. S'il faut respecter la loi ou la contourner par derrière son bon dos. Sous nos cieux menaçants, l'exploit (sur) humain est encore à trouver le moyen de ne pas perdre la face... face à une survie plus que jamais menacée et un moral dans les semelles. En attendant, l'Algérien de l'arrière-pays profond continue à lire dans la paume de sa main pour prédire la couleur des lendemains qui donnent la pétoche. Pour se prémunir contre la douleur des gifles cinglantes assénées par la crise sanitaire d'une ampleur sans précédent, on a décidé d'éteindre la lumière du jour et de fermer les yeux... Pour faire face aux coups de boutoir de la vie, l'Algérien de la rue a décidé de ne rien voir, rien écouter, de ne rien dire, en assumant simplement son vicariat sur terre, celui de mangeur-dormeur. Aussi vrai que toujours tirer la couverture vers soi revient à arracher un morceau de peau à un scalpeur ensommeillé...