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La logique implacable du marché

par Abdelkrim Zerzouri

Pourrait-on concilier frénésie des achats de produits alimentaire, à la veille du Ramadhan, protection des consommateurs et régulation du marché ? C'est chercher à mettre en concordance des antipodes que de tenter de trouver un équilibre dans cette équation où les variables se jouent de la rationalité du comportement du consommateur et des lois du marché. La législation a mis en place des textes assez solides qui protègent le consommateur contre tout abus, les pouvoirs publics se plient en quatre, durant cette période, pour assurer l'approvisionnement des marchés en produits alimentaires, et mettent toute leur capacité de contrôle dans la balance, mais rien de toutes ces mesures ne permet de parvenir aux solutions recherchées.

Les prix flambent, les spéculateurs s'invitent au festin et certains individus véreux tenteront de faire avaler tout et n'importe quoi à ce consommateur aveuglé par sa course aux achats immodérés. La fièvre, devenue traditionnelle, s'empare des marchés et personne ne semble en mesure de remédier à la situation. La faute à qui ? Le comportement irrationnel du consommateur en porte une lourde responsabilité dans le dysfonctionnement des marchés, en pareille période. C'est la logique du marché qui l'incrimine. A quoi s'attendre quand on vient rafler d'un coup les étals des marchands de légumes et fruits, ainsi que d'autres produits alimentaires et épices exposés dans les commerces d'alimentation générale et les supérettes ? Quand on vient à épuiser les stocks chez ces commerçants, ces derniers iront massivement se réapprovisionner chez les grossistes, où ils iront provoquer, immanquablement, un fort déséquilibre entre l'offre et la demande qui influe selon la logique commerciale sur les prix. L'offre qui se réduit en raison de la forte pression de la demande, des paramètres auxquels se greffe la pression sur les circuits de la distribution, notamment le marché de détail, entraînent fatalement une flambée des prix, hors de tout contrôle (excepté pour les produits subventionnés), le marché étant régi par la loi de l'offre et de la demande. Le consommateur n'a-t-il pas, ainsi, que ce qu'il mérite ? Sans risque de rupture des stocks, vu la disponibilité en quantités suffisantes de tous les produits alimentaires, la frénésie des achats n'a aucune raison d'être. Pourtant, elle est là, défiant toute logique. Le consommateur met de la sorte le feu à ses poches avec son comportement. Un comportement destructif de soi, exploité par des individus sans foi ni loi. Car, indéniablement, la dimension spirituelle du mois sacré du Ramadhan a laissé place à la chose matérielle au sein d'une société à rebâtir.

Dans certains pays musulmans qui n'échappent pas totalement à cette frénésie des achats, les commerçants du gros et du détail ne prennent qu'une faible marge bénéficiaire et participent activement à influer sur le comportement des consommateurs qui ne se voient plus obligés de faire des achats excessifs par crainte d'une hausse subite des prix sur les marchés. Parce que, au bout de la chaîne, le commerçant est lui-même consommateur, le marchand de légumes doit bien passer chez le boucher et vice-versa, pour ne donner que cet exemple de fonctions et de rôles enchevêtrés qui n'épargnent forcément personne, du mal fait à autrui.