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Ce que doit la rue à l'urne

par Abdelkrim Zerzouri

L'exclusion tacite des partis du pouvoir ou reconnus comme tels du temps de l'ancien système, lors des dernières consultations politiques engagées par le président Tebboune sitôt rentré de son séjour médical en Allemagne, fait encore débat. Si certains trouvent cette disqualification tout à fait naturelle, du fait de leur mauvaise publicité, d'autres y voient une grave atteinte au dialogue inclusif prôné par le président de la République lui-même. D'autant qu'il ne s'agissait pas moins, entre autres sujets, de discussion autour de la dissolution de l'APN où les partis concernés détiennent la majorité des sièges.

A voir de près le contexte dans lequel se sont déroulées les consultations en question, à la veille du 2e anniversaire du « hirak », on peut comprendre que la présidence ne voulait s'embarrasser en s'affichant avec des partis qui constituent la première cible de la colère populaire. Des décisions qui suivirent ces rencontres entre le président de la République et les chefs de plusieurs partis politiques allant dans le sens de l'apaisement à travers la libération de détenus incarcérés suite à des attroupements jugés illicites et autres activismes « subversifs » sur les réseaux sociaux, en sus de l'annonce de la dissolution de l'APN et l'organisation d'élections législatives anticipées, il en sort que les autorités ne peuvent plaider la chose, autant d'appels du pied aux hirakistes pour les convaincre et les faire adhérer au changement en cours et faire son contraire si jamais les partis les plus décriés et rejetés par le « hirak » se joignaient à ces discussions politiques.

La présidence a ainsi choisi de faire vivre la démocratie loin de l'urne. Les partis qui ont confisqué l'urne sont automatiquement exclus du vrai processus démocratique qui s'enclenche ? Cela en a tout l'air. Pourtant, il est admis dans un cadre démocratique que seule l'urne, qui exprimerait le choix libre et démocratique des électeurs, a ce pouvoir de sanction contre les partis politiques. On est là face à des signes qui expriment la crise de la démocratie, comme un peu partout à travers le monde, y compris dans des pays «berceau» de la démocratie. Hélas, pour le moment, c'est le seul outil disponible pour organiser politiquement les sociétés afin de leur éviter des implosions fatales.

A trop vouloir déplacer la démocratie loin des bureaux de vote sans proposer aucune solution de rechange, on risque de sombrer dans le chaos. Pour se prémunir contre toute confiscation des droits politiques, tant que la loi fondamentale offre cette opportunité, la rue doit s'organiser et imposer ses choix à travers l'urne en hissant de nouveaux acteurs au-devant de la scène nationale et aller tranquillement et pacifiquement vers le renouvellement de la classe politique. En attendant, personne n'a le droit d'exclure l'autre hors d'un cadre légal et juridique.