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Les défenseurs de l'environnement demandés à Reggane

par Abdelkrim Zerzouri

Un sérieux et inattendu coup de main vient en dehors de l'Algérie secouer la France sur le dossier mémoriel visant particulièrement les essais nucléaires de Reggane. C'est l'organisation non gouvernementale internationale ICAN qui vient de lancer un appel pour «exercer une pression» sur la France en vue de «déterrer» les déchets issus des explosions nucléaires effectuées dans le Sahara algérien afin d'assurer la sécurité sanitaire des générations actuelles et futures et préserver l'environnement. Il est établi que les effets néfastes de toute explosion nucléaire touchent les êtres humains et leurs descendants sur plusieurs générations, sans parler de la catastrophe environnementale dont les retombées sont très difficiles à effacer. Dans ce contexte, les spécialistes craignent énormément la contamination de la nappe phréatique saharienne qui constitue la sécurité de l'avenir du pays sur le plan des ressources hydriques.

ICAN, qui regroupe quelque 570 organisations non gouvernementales issues de 105 pays, intervient plus de 50 ans après le dernier essai nucléaire en Algérie, qui coïncide également avec la date du 29 août, consacrée par l'Organisation des Nations unies «Journée internationale contre les essais nucléaires», et sonne l'alarme sur «le passé nucléaire de la France » qui ne doit plus rester « enfoui dans les sables ». Et, pour dire que cette intervention s'inscrit dans le prolongement des actions déployées pour défricher le terrain mémoriel, ICAN a relevé dans une étude que le déterrement de ces déchets permettra de «préserver l'environnement» d'une part, et d'autre part «d'ouvrir une nouvelle ère dans les relations entre l'Algérie et la France». D'ailleurs, l'étude d'ICAN cible en premier lieu l'identification les zones d'enfouissement des déchets radioactifs issus des explosions nucléaires menées par l'armée française pendant et quelques années après l'indépendance, enjoignant dans ce cadre à la France de « remettre aux autorités algériennes la liste complète des emplacements où ont été enfouis des déchets contaminés » et d'agir pour faciliter le nettoyage des sites concernés.

Un appel clair également à lever la chape de plomb qui couvre les archives des essais

nucléaires de la France coloniale à Reggane. Car, la levée du secret sur ces essais ne serait qu'une suite logique de toute bonne volonté dans ce contexte de recherche d'une conciliation des mémoires algéro-françaises. Si la France a avoué sa responsabilité en acquiesçant à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires à Reggane, les questions environnementales restent encore, selon toute vraisemblance, frappées du sceau du « secret défense ». Bien sûr, comme on a reconnu les victimes humaines des essais nucléaires, on ne peut que faire suivre par la victimisation de l'environnement qui a, celui-là, ses défenseurs partout dans le monde. Est-ce pour autant une raison qui inciterait à la démission officielle sur ce dossier ? Probablement que non, et même si on n'a pas trop évoqué le sujet, il serait bien inscrit sur l'agenda des discussions entre les deux historiens nommés pour concilier les mémoires algéro-françaises, en l'occurrence Abdelmadjid Chikhi et Benjamin Stora.

Des avocats et des historiens algériens ont mené un long combat pour arriver à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires, ne faut-il pas que les spécialistes et les défenseurs de l'environnement se joignent à ICAN pour revendiquer le nettoyage des sites qui ont servi aux essais nucléaires au sud du pays ?