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Tourisme : realpolitik des uns et latence des autres !

par Cherif Ali

Si je réussis, aidez-moi et encouragez-moi, et si j'ai failli corrigez-moi ! (Abdelmadjid Tebboune, président de la République). Pour donner du contenu et du signifiant au titre de cette contribution, il est nécessaire d'exposer deux situations :

1. Le gouvernement tunisien va œuvrer, après la crise du coronavirus, à faciliter davantage l'entrée des Algériens en Tunisie, a déclaré, le ministre du Tourisme et de l'Artisanat, Mohamed Ali Toumi, lors d'une entrevue avec l'ambassadeur de l'Algérie à Tunis, Azouz Baâlal.          

Le marché algérien est l'un des marchés stratégiques pour le tourisme tunisien, a rappelé le ministre, cité dans un communiqué du département du Tourisme. Il faut dire que les Algériens représentent, pas moins, de 20% des entrées aux frontières tunisiennes, avec près de 1,2 million de touristes. C'est le marché qui a réalisé la plus importante progression, en 2014, pour des recettes estimées à 3,57 milliards de dinars, devançant la Grande- Bretagne (+4%) et l'Italie (+9%).

Il est clair que l'enjeu est de taille pour les Tunisiens, leur pays risquant de perdre quelque 450 millions d'euros, si la saison estivale est gâchée.

Voilà pour ce qui est du sens à donner au terme realpolitik qui ici, ne renvoie pas à la guerre froide de jadis, mais dénote du réalisme et du pragmatisme de nos voisins de l'Est qui ont fait du tourisme leur économie principale ; pour ce faire, ils anticipent un déconfinement post Covid-19 avec des mesures d'accueil personnalisées à destination des Algériens.

2. Le ministre du Tourisme, de l'Artisanat et du Travail familial, Hacène Mermouri, a instruit l'ensemble des établissements sous tutelle quant à l'impératif de renforcer « le tourisme virtuel » en vue de promouvoir la destination Algérie. Le ministre a appelé à « prendre une série de mesures de solidarité visant à insuffler une dynamique promotionnelle virtuelle pour la destination touristique +Algérie+, en pleine crise sanitaire mondiale du COVID-19 ». Dans le contexte pandémique actuel, il s'agit de « renforcer le tourisme numérique et de relancer ce qui est appelé aujourd'hui le tourisme virtuel, ainsi que la promotion numérique de l'artisanat à travers la programmation de visites virtuelles devant contribuer à favoriser la destination Algérie et le produit artisanal algérien sans avoir à se déplacer ».

A lire ce compte-rendu, il nous vient à l'esprit le terme latence qui signifie atermoiement, tergiversation, pause etc.

Pour résumer, les Tunisiens offensifs à souhait, se préparent à accueillir en masse les Algériens cet été, alors qu'au niveau du département de Hacène Mermouri, on se contente de se mettre en conformité avec la campagne de sensibilisation mondiale au nouveau coronavirus lancée par l'Organisation mondiale du tourisme (OMT) sous le slogan « Rester chez soi aujourd'hui pour pouvoir voyager demain ».

Pourtant, le président de la République en est convaincu, le tourisme est désormais un secteur stratégique et la préparation de l'Algérie à la période post-pétrole s'impose !

A cause du syndrome de la dépendance quasi-totale de l'économie pétrolière et également de l'abondance de ressources de développement hors hydrocarbures non encore, ou insuffisamment exploitées, susceptibles d'offrir au pays des opportunités d'un développement durable.

Et son 19e engagement électoral porte justement sur :

l la segmentation stratégique de la demande touristique nationale et internationale afin de déterminer le type de tourisme à mettre en valeur (estivale, culturel, religieux, saharien / sud et extrême sud, montagneux et familial) ;

l La mise en œuvre d'un « Plan destination Algérie »

l Le développement de la formation dans les métiers de tourisme

l L'assouplissement des procédures d'obtention de visas touristiques.

Et pour mettre en œuvre son engagement, le choix d'Abdelmadjid Tebboune s'est porté sur Hacène Mermouri qui ne doit pas déjà se poser la question de savoir s'il faut commencer par réanimer le tourisme domestique et donc commencer par satisfaire une demande intérieure, pesante et urgente ou alors tout miser sur une demande extérieure, hypothétique et virtuelle, soumise de plus en plus à une impitoyable concurrence !

Il devrait déjà agir auprès de toutes les institutions, politiques et privées, jusqu'au moins planifiable possible, l'Algérien et sa mentalité pour réanimer le secteur touristique en :

l mettant de l'ordre dans les hôtels et les complexes ; c'est déjà une priorité.

l réhabilitant les 300 plages interdites à la baignade pour cause de pollution pour qu'elles soient traitées selon les normes requises et mises à la disposition des vacanciers dés lors que l'année 2019 a été complètement ratée !

l livrant bataille aux gardiens de parkings qui font la loi ainsi que les «gros bras» qui sont les maîtres des plages où la baignade est autorisée et dont l'accès, selon les pouvoirs publics, était sensé être gratuit !

l Intervenant sur les mentalités des opérateurs touristiques, c'est aussi une urgence à prendre en considération!

l Se rapprochant également du ministre des affaires étrangères pour l'allégement de l'octroi des visas aux étrangers désirant visiter notre pays, conformément au 19e engagement de Tebboune relatif à l'assouplissement des procédures d'obtention des visas!

l Militant pour la réduction des tarifs des billets d'avion du réseau intérieur, même si la compagnie nationale Air-Algérie a réduit de moitié ses tarifs à destination du sud du pays. Là aussi, il y a à dire sur cette compagnie qui fait parler d'elle avec ces retards, reports et annulations de vols et de mauvaise prise en charge des passagers.

l Relançant le tourisme saharien de l'extrême Sud en organisant des circuits d'expédition en véhicules tout-terrain, et le tourisme itinérant en autobus, à travers la boucle des Oasis et celle de la Saoura ; ensuite le tourisme culturel avec notamment des promenades et des séjours dans les sites de Tipaza, Djamila, Timgad, Hippone, Madaure, Taghaste entre autres....

l Encourageant les investissements touristiques dans les Hauts-Plateaux et le Sahara qui seront exonérés d'impôts pendant 5 ans ! Tous les investisseurs devront bénéficier ainsi de réductions de 50 à 80% sur le coût de la concession des terrains et aussi des coûts bancaires qui seront bonifiés.

l Favorisant l'ouverture des instituts de formation dans le domaine, notamment par le privé ; sauver l'artisanat, protéger le patrimoine archéologique, rendre nos villes plus attrayantes, conserver une politique de loisirs, améliorer nos transports, renforcer la sécurité partout, promouvoir la gastronomie et l'habit traditionnel algérien, sortir le tapis de Ghardaïa du néant dans lequel il se trouve, rendre nos banques agréables, mettre le wifi partout.

Tout un programme plus qu'alléchant pour sortir le tourisme national de sa régression ! Le président Tebboune a été catégorique : Il faut remplacer l'or noir par l'or jaune !

Un sacré challenge pour le ministre du Tourisme et de l'Artisanat qui doit d'ores et déjà se préparer à parler aux Algériens qui veulent passer leurs vacances dans leur pays!

Les considérer ! Leur donner des gages à l'orée de cette saison estivale en invitant, par exemple, les gestionnaires des infrastructures hôtelières publiques ou privées, comme en Tunisie :

1. à mettre en place des équipes personnalisées et des espaces d'orientation pour accueillir les vacanciers d'ici et d'ailleurs,

et réviser à la baisse leurs prestations hôtelières avec un très bon rapport qualité-prix,

2. à veiller à la gratuité des plages et des piscines

3. à élargir leur éventail des loisirs.

4. à construire encore plus d'hôtels, d'auberges, de campings, de bungalows, de gites de montagne, de caravansérails pour persuader les algériens d'opter pour des vacances chez eux, dés lors qu'ils disposeront des mêmes prestations qu'ils recherchaient ailleurs, à un prix plus que raisonnable, en monnaie locale en plus !

Pour l'heure, l'instabilité du secteur n'en finit pas, alors que le pays reste le même, dans ses constantes : plus de 1000 km de bord de mer, des montagnes boisées, surplombant plusieurs vallées et même des cours d'eau ; des sources minérales à ciel ouvert ; dans le Sud et l'immensité saharienne, on trouve les ergs, les oasis, et les parcs du Tassili et du Hoggar ; en amont, des installations touristiques louables, mais franchement insuffisantes ; en aval, une demande interne, de plus en plus, croissante de vacanciers, effectifs ou potentiels, aspirant à la détente !

La crise que vit l'Algérie en matière touristique, faut-il le rappeler, n'est pas le résultat d'une fatalité, mais la conséquence directe des errements de tous ces ministres qui, pour le moins, n'avaient pas les compétences requises pour gérer le secteur !

Pour justifier leurs insuffisances, ces responsables ont évoqué la question de l'insuffisance des budgets alloués. Certes le parc hôtelier a besoin d'argent pour son développement, comme il est nécessaire, aussi, de libérer le foncier pour permettre un maximum d'investissements, mais le secteur a, aussi, besoin de se débarrasser de tous ceux qui font fuir les investisseurs, lassés d'être rackettés par des responsables beaucoup plus soucieux de leur avenir que de celui du Tourisme national ! Ce grand gâchis touristique qui fait, par ailleurs, le bonheur de nos voisins de l'Est et de l'Ouest, est à inscrire, en caractère gras, sur le registre des faillites de l'Algérie indépendante. Le nom des ministres qui ont mal géré le secteur et contribué à sa ruine aussi !

Le moment est venu pour Hacène Mermouri de déconfiner le tourisme ! Il connait les défis à relever dans l'urgence, dés lors qu'il a présidé aux destinées du Ministère du Tourisme et de l'Artisanat du 12 juillet 2017 au 4 Avril 2018, dans le gouvernement de Tebboune.

Il peut réussir, pour peu qu'il s'imprègne de realpolitik.