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Guelma - 8 Mai 1945 : l'évocation douloureuse

par Mohammed Menani

Incrusté profondément dans l'immortelle mémoire collective nationale, le mois de Mai reste le jalon le plus distinctif et le plus expressif dans l'itinéraire combattant de notre peuple dans sa dynamique insurrectionnelle et de sa lutte pour le recouvrement de sa souveraineté.75 années après, le mois du «muguet» rime toujours avec le mois de l'horreur à Guelma, Sétif et Kherrata... Un mois de massacres sanglants qui se prolongea jusqu'au 26 juin 1945 pour tuer plus de 45.000 civils innocents, ayant osé manifester pacifiquement, sans armes et en liesse, pour fêter la victoire contre l'Allemagne nazie. Cette évocation macabre est intimement liée à la définition de l'acte odieux qui n'est autre qu'un génocide, un crime contre l'Humanité, perpétré par le colonialisme français au mépris de toute considération pour les valeurs humaines universelles. Mardi 8 Mai 1945 : Berlin s'effondre et l'Allemagne nazie capitule. Les conférences de Yalta, Dumbarton Oaks et de San Francisco ont tracé les grandes lignes de la nouvelle reconfiguration planétaire qui donna naissance à l'ONU, avec une rumeur d'espoir devant aboutir à la libération de tous les peuples colonisés et oppressés. A la même heure où fut signé l'armistice, enterrant le totalitarisme nazi, des balles meurtrières crépitaient dans nos villes et campagnes pour abattre des manifestants dans leurs marches pacifiques, donnant ainsi le feu vert à la soldatesque coloniale, soutenue par les milices de colons européens, de commettre l'ignoble carnage, dans une «chasse à l'Arabe» qui embrasa toutes nos contrées où l'on tira à vue.

Les massacres étaient assez choquants et extravagants. Le pouvoir central de l'ordre colonial constate que sur le nombre de victimes de cette «boucherie», plus d'un cinquième ont été perpétrés sur la population de Guelma et sa région, cataloguée précédemment comme étant «paisible et inoffensive».

Dans un pragmatisme avéré, les activistes du mouvement national algérien avaient su ancrer son parterre de militants dans le creuset nationaliste foncièrement établi à Guelma, et si l'ordre colonial avait versé dans la folie meurtrière pour «décapiter» toutes les intentions nationales indépendantistes, il n'avait fait que précipiter sa désintégration dans une fuite en avant stérile. En 1947, tout en pansant les blessures de cette entreprise criminelle génocidaire, Mohamed Boudiaf, Mohamed Larbi Ben M'Hidi et Brahim Chergui se sont retrouvés dans une école coranique à Guelma pour installer, dans la discrétion totale, une cellule de l'organisation secrète (OS).

Le combat et la lutte contre le pouvoir colonial n'ont jamais été interrompus et c'est une autre génération de militants qui allait instaurer l'insurrection permanente et de rébellion jusqu'au recouvrement de la souveraineté de la patrie.

Le 8 Mai 1945 restera l'une des dates les plus tragiques de notre Histoire. 75 années après, la commémoration, même amoindrie relativement par les mesures drastiques du confinement pour contrer la pandémie du Covid-19, préserve encore son cachet particulier d'humilité et de dignité.