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Cinq candidats en lice: La course pour la présidentielle commence

par Houari Barti

C'est sur fond de crise politique majeure marquée par 39 semaines de contestation populaire appelant à «un changement radical du système» que débute aujourd'hui la campagne électorale pour l'élection présidentielle du 12 décembre prochain. Une élection qui mettra en lice cinq candidats dont les dossiers ont été acceptés par l'Autorité nationale indépendante des élections (ANIE) et validés par le Conseil constitutionnel.

Entre la position «farouchement opposée» à ces élections qui est chaque vendredi exprimée par de grands pans du Hirak et celle des «pros» défendue par des contre-manifestations parcellaires, le sort de ces élections présidentielles pourrait dépendre de ce que certains appellent la majorité silencieuse, une frange importante de la population qui demeure pour l'instant dans la posture de l'observateur mais dont l'implication risque de tout faire balancer dans un sens ou dans l'autre. Voila donc l'enjeu majeur de cette campagne dont les animateurs auront à relever le défi de convaincre en premier lieu ceux qui n'ont pas encore de position tranchée, ceux, y compris au sein même du Hirak, qui hésitent encore entre la légitime revendication de changement et l'impérieuse nécessité d'une normalisation qu'une élection présidentielle tenue le plutôt possible pourrait garantir.

C'est ce qui explique la prédominance dans le discours politique de cette notion de «changement» que l'ensemble des candidats en lice pour cette élection ont pris à leur compte dans leurs programmes respectifs de campagne.

Les candidats veulent satisfaire le Hirak

C'est ainsi que Abdelmadjid Tebboune, qui se présente en candidat indépendant, a rendu public un programme électoral placé sous le slogan «Engagés pour le changement, capables de le réaliser». Un programme composé de 54 engagements pour l'instauration d'une «Nouvelle République». Parmi les engagements contractés par M. Tebboune, figurent «une large révision de la Constitution, une reformulation du cadre juridique des élections, un renforcement de la bonne gouvernance à travers la séparation du monde des affaires de la politique et la mise en place de mécanismes garantissant la probité des fonctionnaires publics».

Le président du parti Talaie el Hourriyet, Ali Benflis, a lui aussi placé cette notion de changement au cœur de son programme affirmant qu'il œuvrait à un «changement global», conformément aux demandes et aux aspirations «justes et légitimes» du Hirak, le mouvement populaire de contestation qui revendique depuis le 22 février dernier un changement radical du système de gouvernance du pays. Sous le slogan «Notre serment pour l'Algérie», le programme de Ali Benflis se veut une «transition globale» visant «la modernisation politique, économique et sociale du pays». Le président du mouvement El-Bina, Abdelkader Bengrina, a de son côté, déclaré que son programme s'appuie essentiellement sur «le principe de consultation des Algériens sur les voies de sortie de crise, la récupération des fonds volés, la concrétisation de la sécurité alimentaire et territoriale de l'Algérie», tout en apportant son soutien aux exigences du mouvement populaire Hirak.

De son côté et pour sa première participation à une élection présidentielle, Azzedine Mihoubi, secrétaire général par intérim du Rassemblement national démocratique (RND), a dévoilé un programme électoral axé sur l'économie avec 150 propositions, plaidant pour la création d'un ministère de l'Economie qui réunira les secteurs de l'Energie, des Finances, de l'Industrie, des Télécommunications et de la Poste. M. Mihoubi mise dans sa nouvelle politique sur le développement d'une économie entrepreneuriale et compte encourager la création d'entreprises de production pour préparer le pays à l'après pétrole.

Plus jeune postulant à la magistrature suprême, Abdelaziz Belaid (56 ans) concourt pour la seconde fois après un premier échec en 2014. Soutenant que l'élection présidentielle du 12 décembre constitue «la seule solution pour sortir de la crise que traverse le pays», M. Belaid appelle les Algériens à contribuer à la réussite de ce rendez-vous électoral, promettant d'engager des «réformes profondes» pour répondre aux aspirations du peuple. Le candidat promet d'«éliminer la corruption, de garantir l'indépendance de la justice, de consacrer la démocratie participative et l'exercice d'un contrôle effectif à l'aide des différents mécanismes qui seront mis en place».

Equité et transparence

L'autre enjeu de cette campagne est de convaincre les électeurs du caractère «régulier et démocratique» de cette joute dont l'issue doit refléter le choix du peuple. Des impératifs que Mohamed Charfi, président de l'ANIE, avait affirmés à travers l'engagement de cette instance à veiller au caractère «régulier et démocratique» de la présidentielle, assurant que «ses membres sont mobilisés pour préserver le choix du peuple».

Cette équité des joutes électorales passe également par une équité entre candidats dans l'accès aux médias. C'est dans cette perspective que le vice-président de l'ANIE, Abdelhafid Milat, a indiqué que la campagne électorale verra «des débats entre candidats, en cours de préparation en coordination avec l'Autorité de régulation de l'audio-visuelle (ARAV)», mettant en exergue le rôle «prépondérant» des médias dans le déroulement régulier et loyal de la campagne électorale.

Une équité qui doit être également assurée par une transparence des financements des campagnes. A ce propos, Abdelhafid Milat avait indiqué que cette opération est régie par la loi, assurant que l'ARAV «ne permettra pas que des fonds issues d'activités illégales et dont l'origine est inconnue soient utilisés et interviendra en cas de dépenses excessives et injustifiées pour demander des explications». Il importe enfin de souligner que le parti du Front de libération nationale (FLN), majoritaire au Parlement mais qui peine à se relever de son soutien aux mandats successifs du président sortant, Abdelaziz Bouteflika, deux décennies durant, n'a ni présenté de candidat, ni apporté, jusqu'à maintenant, son appui à aucun d'entre eux. Hormis le parti Talaie el Hourriyet, les autres partis de l'opposition, réunis au sein du Forum national pour le dialogue et des Forces de l'alternative démocratique, dont le Mouvement de la société de la paix (MSP), le Front des forces socialistes (FFS), le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) et le parti des travailleurs (PT) n'ont pas présenté de candidats. Ces formations considèrent que les conditions «ne sont pas réunies pour la tenue d'une élection permettant le choix libre et souverain du peuple et que son organisation dans le cadre du système actuel ne servira qu'à sa régénération».