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L'argent sale cessera-t-il d'irriguer les scrutins électoraux?

par Kharroubi Habib

L'Autorité nationale indépendante des élections (ANIE) a introduit une innovation dans le cadre de la préparation du scrutin dont elle est censée prémunir le déroulement contre les pratiques qui ont fait des précédents des rendez-vous électoraux ni réguliers ni démocratiques. Elle a en effet décidé de soumettre à ses membres, aux candidats et partis politiques participant à l'élection présidentielle, ainsi qu'aux médias nationaux tous secteurs compris, une « charte d'éthique » qu'ils devront parapher et s'engager à respecter ses clauses.

En elle-même l'initiative de l'Autorité nationale indépendante des élections constitue une avancée salutaire vers l'organisation d'élections que ne viendront pas entacher des comportements répréhensibles tant au plan moral que celui de l'équité, gage du bon fonctionnement du système démocratique dont elles sont les tests irrécusables. La charte de l'éthique que l'ANIE va faire signer contient une dizaine d'engagements généraux et d'autres spécifiques pour chaque catégorie participant au processus électoral. Autant de dispositions dont l'ANIE espère que leur respect permettra un déroulement inattaquable du prochain et crucial scrutin présidentiel.

Il est pourtant un aspect concernant le processus électoral qu'elle veut mettre à l'abri des pratiques qui ont eu cours dans les précédents auquel l'ANIE n'a fixé nul engagement. Celui du financement par les candidats de leurs campagnes électorales. La charte de l'ANIE évoque vaguement le sujet en stipulant que les candidats s'engagent à n'utiliser aucun moyen détourné pour contraindre ou inciter des citoyens à voter pour eux. L'autorité en question est restée toutefois muette sur la provenance du financement dont vont disposer ces candidats. En clair, elle s'est abstenue d'obtenir l'engagement de ces candidats à recourir à l'argent sale.

Quand on sait ce qu'a produit ce recours dans le système électoral algérien et par voie de conséquence sur l'échiquier politique national, sa non évocation astreignante ne peut que surprendre et laisser dubitatif sur la détermination à empêcher la contamination du rendez-vous électoral par cet argent sale. Tout comme la législation encadrant le fait électoral fait obligation aux candidats postulant à une élection de déclarer la fortune et les biens qu'ils possèdent, l'ANIE devrait leur exiger de déclarer en toute transparence les origines certifiées du financement à leur disposition pour leurs campagnes électorales. L'aspect le plus révoltant du règne de Bouteflika a été le pourrissement quasi total de la sphère politique par l'argent sale dont les détenteurs ont fini par devenir de véritables « faiseurs de roi » bénéficiaires d'incroyables renvois d'ascenseur.

Il était pour le moins indispensable que l'ANIE s'avise d'ajouter aux mécanismes garantissant la régularité et la transparence du scrutin celui lui permettant de constater que l'argent sale est cette fois banni de la compétition électorale. Les cinq candidats en course dans celle-ci iront-ils plus loin qu'elle en la matière et feront-ils preuve d'une initiative qui les démarquera sans équivoque des pratiques de l'ère de Bouteflika ? Ils ne peuvent faire autrement s'ils veulent procurer du crédit populaire à leurs candidatures.