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Grève des magistrats : une fronde syndicale ou une lame de fond ?

par Kharroubi Habib

Fait sans précédent. Le corps de la magistrature observe une grève «illimitée» à l'appel de son syndicat qui affirme qu'elle est suivie à 96%. La fronde judiciaire s'est déclarée suite au vaste et inédit mouvement opéré dans ce corps par le ministre de la Justice, Belkacem Zeghmati, accusé en l'occurrence par le syndicat national de la magistrature (SNM) d'avoir forcé la main au Conseil supérieur de la magistrature (CSM).

Le ministre de la Justice garde des Sceaux a bien entendu récusé l'accusation et rappelé que la loi «interdit aux magistrats de participer ou d'inciter à la grève et d'entraver l'activité judiciaire». Ce qui ne va probablement pas mettre fin au mouvement que le SNM a décidé de poursuivre jusqu'à satisfaction des revendications qui en sont à l'origine.

Ce qui est certain est que le vent de fronde qui secoue le monde judiciaire n'est pas le fait des seuls magistrats. En effet, les avocats ont, eux aussi, entamé des actions de protestation et ont fait entendre des revendications qui sont pour certaines similaires à celles des magistrats en grève. Ces deux corps primordiaux de la justice se sont rejoints pour réclamer l'indépendance du pouvoir judiciaire. Ce qui vaut à leur fronde et protestation la sympathie de l'opinion publique et place le pouvoir devant une situation qu'il aura peine à gérer. Que la grève des magistrats ait été provoquée par le mouvement opéré par Zeghmati et jugée par ceux qu'il affecte individuelle comme arbitraire et précipitée, il n'empêche qu'elle soulève la problématique de cette indépendance du pouvoir judiciaire lequel est apparu à cette opinion publique en certaines de ses décisions ces derniers temps encore totalement sous la coupe du pouvoir politique.

Les magistrats qui, pour cette raison, essuient l'hostilité du mouvement populaire pour l'acceptation de leur sujétion à ce pouvoir, ont l'opportunité de transformer leur bras de fer avec celui-ci et le ministre qui l'incarne à la tête de la chancellerie en un combat pour l'émancipation de la justice. C'est dire que leur fronde ne doit pas revêtir un simple caractère syndical, mais leur fait obligation de se montrer solidaires avec la révolution populaire qui, entre autres revendications primordiales, réclame l'indépendance de leur institution menant à l'instauration de l'Etat de droit et d'une justice égale pour les citoyens et au-dessus de tous. Raison pour laquelle le SNM qui est leur porte-parole ne doit pas se satisfaire d'un accord qui se limiterait à la résolution de problèmes individuels nés du mouvement opéré par Zeghmati sans faire réponse à la problématique de l'indépendance de la justice telle que voulue par le peuple algérien.