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Dommages collatéraux

par Mahdi Boukhalfa

Le panel de dialogue national prend l'eau de toutes parts, le gouvernement patine et veut préparer une rentrée sociale «normale» quand les clignotants de la gouvernance actuelle sont au rouge et les Algériens ne comprennent pas que leurs enfants puissent mourir piétinés pour assister à un concert mal préparé. Ce sont là les derniers ingrédients d'une crise sociétale qui est en train de prendre la relève d'une impasse politique à plusieurs inconnues. Il y a d'abord ce mur des lamentations nommé «Panel» qui est en train de confirmer que des Algériens ne veulent pas d'un dialogue politique téléguidé ou d'une sortie de crise programmée dans des cercles dont n'a pas accès le pouvoir du peuple.

Les démissions en cascade et les volte-face violentes de certains membres du panel que dirige un revenant politique, M. Karim Younes, sont une réponse grandeur nature à tous ceux qui veulent faire passer cette pilule amère qu'il faut dialoguer selon les termes du pouvoir pour aller vers une sortie de crise déjà dans les starting-blocks. Les désaveux de la classe politique comme ceux de la société civile, qui lui ont tourné le dos, expliquent autrement l'impasse vers laquelle se dirige à toute allure le panel. Et, sans cette sève populaire, cette crédibilité que lui refusent les partenaires politiques comme les ONG, que peut proposer l'instance de dialogue et de médiation pour convaincre ses détracteurs qu'elle peut être l'alternative au blocage politique ?

Dans sa réaction à ce panel, le défenseur des droits de l'homme Ali Yahia Abdenour avait trouvé que «le panel n'est pas dans la bonne voie». Une sentence terrible pour déclarer diplomatiquement que le pouvoir a mal négocié la sortie de crise en voulant imposer aux Algériens, qui manifestent depuis sept mois pour un changement radical de gouvernance, des élections présidentielles au moment où les préoccupations politiques sont autres, plus proches de la gestion du moment critique actuel que de pérenniser un état de délabrement avancé des institutions du pays. Dès lors, le gouvernement Bedoui, qui a été nommé dans les moments critiques du crépuscule de la gouvernance catastrophique du clan Bouteflika, éprouve beaucoup de difficultés à faire démarrer la machine économique et sociale. A défaut, il opère des interventions par à-coups, mais loin d'obéir à une stratégie réelle de sortie de crise économique et sociale.

C'est, en peu de mots, une gestion de l'aléatoire que l'opposition et les experts dénoncent et décrivent comme une fuite en avant du pouvoir, qui ne veut pas abdiquer et mettre en place un vrai gouvernement de transition, qui prépare les prochaines échéances politiques, économiques et sociales. Et, de bricolage en bricolage, on en arrive à ces tragédies humaines insupportables et intolérables, la mort d'enfants dans des circonstances impardonnables. La tragédie du stade du 20 Août 1955 aurait-elle pu être évitée ? Ce qui est sûr, c'est que les responsabilités dans ce drame sont à portée de main et, dans tous les cas, relatives à une extrême légèreté dans la prise en charge de la demande sociale, qu'elle soit décryptée en termes de territoires culturels, politiques ou économiques. L'évidence est cependant de ne pas feindre de ne pas voir cette affolante dérive multidimensionnelle, tous azimuts, qui accable les Algériens. Et hypothèque leur avenir.