Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Réappropriation

par Mohamed Salah

Ce qui s'est passé mercredi dernier à Kherrata, Sétif et Batna, à l'occasion des festivités commémorant les événements du 8 Mai 1945, consacre définitivement la cassure entre le peuple et les représentants du pouvoir en place. Les officiels locaux ou dépêchés pour assister à ces cérémonies ont été déclarés persona non grata par la population. Depuis l'installation du gouvernement Bedoui, ses ministres sont constamment chahutés à chacune de leurs sorties sur le terrain jusqu'à leur interdire tout déplacement en dehors de leurs bureaux.

Si depuis le 22 février dernier les Algériens se sont réapproprié l'espace public, ce mercredi c'est leur Histoire qu'ils ont reconquise, une Histoire instrumentalisée depuis l'indépendance par le pouvoir en place qui en tire toute sa légitimité et qui vient d'être recouvrée par la grâce d'une mobilisation populaire sans précédent qui a réconcilié l'Algérien avec ses repères. La différence la plus notable entre la période pré-Bouteflika et post-quatrième mandat est cette réconciliation du citoyen avec son pays et partant son divorce avec les symboles du régime. Des campagnes de nettoyage des places publiques, des plages à l'embellissement des cités, l'Algérien redécouvre les vertus d'un civisme longtemps perdu de vue malgré toutes les campagnes de sensibilisation initiées par les départements et les organisations satellitaires.

La question qui se posait toujours est cette réfraction de l'Algérien à laisser sa place nette, à vouloir jeter ses ordures devant le pas de sa porte sans se soucier de la propreté du voisinage. Cette délinquance urbaine des mœurs avait une seule explication : la rue ne lui appartenait pas. Le pays n'était pas le sien alors pourquoi irait-il le nettoyer, sa maison lui suffisant. Et c'est ce changement radical dans la perception de l'espace et des réflexes anciens qu'a apporté avec lui le mouvement populaire. Cette volonté de s'inscrire dans un nouveau processus multidimensionnel qui a entraîné cet élan de civisme sans précédent qui anime l'Algérien. Ces campagnes de bénévolat répondent juste à une émulation du moment sans pour autant avoir besoin d'une structuration qui reprend les mêmes schémas hiérarchiques honnis. Les Algériens ont fini par découvrir qu'ils avaient un beau pays et qu'il suffit d'un peu d'eau savonnée et d'un bidon de peinture et beaucoup de volonté pour le faire reluire.