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Désormais, sans Bouteflika

par Mahdi Boukhalfa

Premier vendredi test pour la mobilisation populaire contre les symboles du régime, mais sans Bouteflika. Les Algériens, qui ont acté la démission du chef de l'Etat et l'ont saluée par des manifestations de joie, veulent maintenant s'attaquer aux représentants du régime qu'il a laissés derrière lui. Pour beaucoup, le fait que Bouteflika ait démissionné à un peu plus de trois semaines avant la fin de son mandat présidentiel n'est pas une fin en soi, ni l'aboutissement ultime d'un combat mené par le peuple et soutenu par l'armée pour un changement radical du système de gouvernance, politique, économique et social. Car si le président s'en est allé, tous les symboles d'un Etat déliquescent, qui a dangereusement hypothéqué l'avenir économique du pays et menacé de le soumettre encore une fois au bon vouloir des institutions de Bretton Woods, sont encore en place.

L'enjeu maintenant des marches de protestation des Algériens se déplace d'un cran pour exiger le départ du président du Conseil constitutionnel Tayeb Belaïz, qui a traîné les pieds pour appliquer les articles 7, 8 et 102 de la Constitution, ceux des deux chambres du Parlement et Bedoui et son gouvernement, nommé 48 heures par le président Bouteflika avant sa démission. Il est clair pour l'opposition que la transition ne peut être menée par un président de Conseil de la nation non seulement âgé lui aussi, mais qui fait partie de l'ensemble d'un package politique, tout comme son «pendant» de l'APN, que la rue s'est efforcée depuis maintenant plus de 40 jours à faire «dégager». L'enjeu des marches et manifestations est ainsi de faire «dégager» des grandes institutions du pays le reste des symboles de la gestion Bouteflika, d'autant que le président de l'APN, au regard du règlement intérieur de l'Assemblée nationale, est illégitime et ne devait jamais être porté au sommet de l'un des panthéons de la démocratie parlementaire.

Le retour de manivelle et, plus que tout, la réalité actuelle d'un pays, qui s'apprête à entamer la difficile phase de la transition pour le retour des institutions nationales à la légalité et la souveraineté populaire, voudraient que les points noirs de l'ère Bouteflika soient enlevés. Reste maintenant la difficile question de la conduite de la phase de transition et, plus que tout, si Bensalah va vraiment être désigné pour la diriger. Les deux chambres du Parlement planchent sur cette question et doivent donner leur verdict dans les prochains jours avec, selon les dispositions de l'article 102, la nomination du président du Conseil de la nation comme chef de l'Etat pour une période transitoire de 90 jours.

Tout le problème de cette démarche constitutionnelle sera de savoir quelle sera la réaction non seulement de la rue mais de l'opposition. Après, un autre chantier d'importance et délicat doit être mené avec sérénité, à savoir l'assainissement des rouages de l'économie nationale, gangrenée par la prédation et les fuites de capitaux sous couvert de programmes d'importation. Et, au-delà, remettre sur rail tout le potentiel et les opportunités économiques qui ont été marginalisés par un système rentier. De vastes chantiers en perspective pour une démocratie longtemps étouffée, qui veut renaître.