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La réponse du berger à la bergère

par Kharroubi Habib

Le président français Emmanuel Macron qui depuis qu'il est à l'Elysée s'est fait le chantre de plus d'Europe au détriment des Etats qui constituent son ensemble a proposé il y a quelque temps la création d'une armée européenne distincte de l'OTAN à laquelle la chancelière allemande qu'il n'a pas pris la précaution de consulter au préalable a répondu certes favorablement mais sans conviction affirmée. Son initiative a incontestablement agacé la partie allemande par son côté unilatéral qui du point de vue de Berlin a visé à forcer la main à l'Allemagne qui ne fait pas de cette question une priorité dans son logiciel de construction d'une Union européenne forte et en capacité de s'exprimer à l'unisson dans le concert international.

L'agacement a été d'autant manifeste en Allemagne que Macron est soupçonné de profiter de la faiblesse à laquelle sont réduits la chancelière Merkel et son gouvernement par leurs échecs électoraux successifs pour faire jouer à la France le rôle de moteur de l'attelage franco-allemand qui assume le leadership de l'ensemble européen. Pour tester les convictions européanistes que professe le président français, le vice-chancelier allemand et ministre des Affaires étrangères a émis en direction de Paris une suggestion qui a tout l'air d'être une mise à l'épreuve. Il a en effet tout simplement suggéré que la France qui plaide pour plus d'Europe cède à celle-ci le siège de membre permanent dont elle dispose dans le Conseil de sécurité de l'ONU ce qui lui permettrait de faire entendre une voix unie et entendue dans cette cruciale enceinte internationale.

C'est une réponse du berger à la bergère dont le locataire de l'Elysée a certainement cerné l'implacable logique et la teneur ironique quant à la prétention de la France de s'estimer avoir un statut spécial au sein de l'Union européenne qui l'exonère de l'obligation d'y renoncer. L'Allemagne veut tout autant que la France une Europe forte mais diverge avec elle sur les réformes et innovations qu'il faut entreprendre pour atteindre cet objectif. Elles sont d'autant en opposition que Macron chercherait à imposer à l'Allemagne sa vision sur le sujet qu'elle considère incompatible avec la sienne au motif qu'elle ne tient pas compte que le projet européen n'en deviendrait viable et accepté par tous que si ses défenseurs font la preuve devant les Européens qu'il n'est pas antinomique avec leurs intérêts nationaux respectifs. Ce dont doutent les Français eux-mêmes au nom desquels prétend parler Macron.

En faisant de ce sujet clivant son cheval de bataille malgré la sourde opposition qui s'exprime contre lui chez ses compatriotes mais pour tenter d'en tirer un dividende à l'international, le président français a fait un hasardeux pari qu'il risque indéniablement de perdre et de voir sa position être encore plus fragilisée tant en interne en France qu'au plan international et européen en premier lieu.