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Jérusalem : Trump toujours à la recherche des pires solutions

par Pierre Morville

Les premières réactions palestiniennes à la déclaration de Donald Trump consacrant Jérusalem comme capital d'Israël ont été hélas limitées.

La répression israélienne en est l'une des premières raisons. Quatre palestiniens ont déjà été tués et des centaines de personnes ont été blessés dans les rassemblements qui se sont déroulés. La division actuelle des diverses forces expliquent également les difficultés actuelles du mouvement palestinien à régir à ce tournant important du conflit israélo-palestinien.

Mais selon Libération «si le nombre de manifestants reste mineur et stagne à, quelques milliers de manifestants chaque jour, la colère palestinienne est sourde, profonde». Dans les éléments donnés par le quotidien, un sondage réalisé au lendemain de la reconnaissance de Jérusalem comme capitale, révèle que 90% des Palestiniens appellent à une réponse forte de leurs leaders, incluant une rupture des négociations avec les Américains, mais aussi les Égyptiens et les Saoudiens. 45% aspirent à une intifida armée. 70% des sondés souhaitent le départ de Mahmoud Abbas, le président palestinien, jugé trop mou !

Les réactions des capitales arabes ont été marquées par une surprise mêlée d'une difficulté à réagir. L'Arabie saoudite avait noué des liens discrets avec Israël ces derniers mois et se trouve du coup en pleine contradiction avec la volonté affichée de son nouveau chef de gouvernement, Mohammad Bin Salman al Saoud de réunifier derrière lui l'ensemble des pays sunnites. La Ligue arabe elle-même s'était déjà contentée, lors d'une réunion le week-end dernier, d'émettre une condamnation verbale, appelant les États-Unis à «annuler leur décision sur Jérusalem». Le rapprochement improbable des USA, d'Israël et de l'Arabie Saoudite, orchestré par Jared Kushner, le gendre de Donald Trump, semblait être une réponse à la montée en puissance de la coalition Iran/Russie. Mais la déclaration surprise de Donald Trump confirmant une alliance privilégiée des USA et d'Israël rejette au moins un temps, une normalisation des tensions au sein du Moyen-Orient. Paradoxalement, c'est la Turquie qui a le plus rapidement réagi : Le président turc Recep Tayyip Erdogan a, lors de l'ouverture d'un sommet extraordinaire de l'Organisation de la coopération islamique (OCI) à Istanbul, exhorté mercredi la communauté internationale à reconnaître Jérusalem-Est comme la «capitale de la Palestine», le leader palestinien Mahmoud Abbas estimant qu'il n'y aurait «ni paix, ni stabilité» sans cela.

Parmi la vingtaine de chefs d'État ayant répondu à l'appel de M. Erdogan figurent le président iranien Hassan Rohani, le roi de Jordanie Abdallah II, l'émir du Qatar cheikh Tamim ben Hamad al-Thani ou encore le Libanais Michel Aoun. En froid avec la Turquie, mais ne pouvant esquiver un sommet consacré à Jérusalem, l'Égypte avait envoyé à Istanbul son ministre des Affaires étrangères, Sameh Choukry. Mais, dans la plupart des cas, plusieurs pays majeurs du mode sunnite.se sont contentés d'émettre des condamnations d'usage. Selon Libération, « les observateurs estiment peu probable l'annonce de mesures fortes ou de sanctions à l'issue du sommet mercredi», alors que le monde musulman est profondément divisé et que plusieurs pays, comme l'Arabie saoudite, tentent de cultiver de bons rapports avec l'administration Trump sur fond d'hostilité commune envers l'Iran.

Ce dernier pays se retrouve de fait, en concurrence avec la Turquie comme pouvant être le leader des pays arabes qui refusent le diktat américain.

Le Hezbollah, libanais qui a fait de la cause palestinienne le cœur de sa doctrine, a organisé le 11 décembre une manifestation dans la banlieue sud de Beyrouth pour protester contre la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d'Israël. Des dizaines de milliers de manifestants ont défilé aux cris de « Mort à l'Amérique !» et de « Jérusalem est à nous !»

C'est l'un des plus gros rassemblements générés par l'initiative de la Maison Blanche dans le monde arabe, après les défilés organisés vendredi à Amman et dimanche à Rabat, même si la mobilisation reste moindre que ce que pouvait craindre Washington.

Durcissement américain sans précédent

La décision de Donald Trump semble néanmoins avoir surpris la communauté internationale. Certes, la reconnaissance de Jérusalem comme capitale officielle d'Israël faisait partie de son programme électoral et avait l'appui d'une partie de son électorat issu d'un protestantisme hyper-religieux et dogmatique. Mais cette prise de position renvoie à très loin le règlement du conflit israélo-palestinien et fragilise d'une manière ou d'une autre les relations des États-Unis aux pays du Moyen-Orient en dégradant, pour le moins, un peu plus l'image américaine dans les populations arabes. Au-delà, des foucades habituelles du président américain, quels sont ces objectif et son calcul éventuel ? Isoler l'Iran, réduire l'influence grandissante de la Russie paraissent ses principales motivations.

Toutefois ce soutien brutal à Israël est en grande partie de l'ordre de la propagande : Israël avait en effet conquis Jérusalem-Est, partie arabe de la ville, lors de la guerre des Six Jours en 1967 avant de l'annexer.

C'était déjà une ville occupée et totalement régie par les forces israéliennes.

La reconnaissance de Jérusalem comme capitale exclusive du seul état israélien et en filigrane celle d'un état binationale et la fin définitive de l'espérance d'un état palestinien indépendant, apparaissent néanmoins comme un coup de force et un renversement des postures traditionnelles des États-Unis dans les conflits du Moyen-Orient, avec les risques que cela comporte : «Sur le plan international, outre le surcroît d'influence du front du refus, Iran en tête, on peut escompter la liquidation de ce qui reste à Washington de son rôle traditionnel de médiateur dans la région» explique Elie Barnavi, ancien ambassadeur d'Israël en France, dans le quotidien Le Monde, qui poursuit, « il faut tordre le cou une fois pour toujours à l'idée d'un état binational, du moins si l'on entend par un tel état une entité démocratique.

Cette chimère ne verra jamais le jour. Pour mal partie qu'elle soit, la solution à deux états est la seule possible»