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Arnaud Montebourg à Oran: Retour sur un accord gagnant-gagnant

par Houari Saaïdia

  Après de courtes formalités protocolaires et quelques échanges de politesse avec les autorités locales, au salon d'honneur de l'aéroport, Arnaud Montebourg a filé droit vers l'usine Renault, à Oued Tlélat. L'ex-ministre français de l'Economie, du Redressement productif et du Numérique avait à cœur de découvrir ce qu'il est advenu de ce projet dont il était un des cosignataires du pacte d'actionnaires, en septembre 2012.

Au bout d'une visite guidée à travers l'unité, deux premières impressions, deux sentiments, assez contradictoires, transparaissaient du visage et du ton du troisième homme de la primaire socialiste de 2011 et candidat à la présidentielle de 2017 : Satisfaction et fierté, d'une part, et désillusion et regret, de l'autre. Le ministre de l'Economie du gouvernement français sous Jean-Marc Ayrault puis sous Manuel Valls, était satisfait, très satisfait même a priori, de l'aboutissement et de l'état d'évolution, en un temps record, de ce «projet modèle de co-localisation et exemple de partenariat franco-algérien gagnant-gagnant», tout en tirant fierté, tant à son propre compte qu'au compte du gouvernement français d'alors. Mais, dans le même temps, il paraissait comme nourrir des regrets, et particulièrement déçu, désenchanté, par la réticence et la phobie des autres investisseurs de son pays, qui devaient débarquer à Oran dans le sillage du projet Renaut, mais qu'on ne voit toujours pas venir. «Je m'en souviens bien, des opérateurs français avaient exprimé leur désir de venir ici, dans le sillage et sous l'impulsion du projet de partenariat Renault. Mais, ils ne sont malheureusement pas là», dit-il sur un ton désappointé en s'adressant au manager de l'usine, entre deux séquences de présentation vidéo de l'usine Renault Algérie, depuis sa mise sur pied à ce jour. Ce à quoi le responsable français de l'usine rétorque : «Oui, malheureusement, ils ont raté le virage de l'Algérie, comme ils avaient d'ailleurs raté auparavant le virage de la Roumanie et celui du Maroc», allusion faite à l'usine roumaine de construction automobile Dacia, filiale du groupe français Renault, et à l'usine de la même marque au losange de Tanger, dédiée à la production des modèles Lodgy et Dokker.

«Vous produisez combien de véhicules actuellement ?», veut savoir M. Montebourg. «Nous sommes actuellement à 230 véhicules/jour. Nous sommes passés de 25.000 à 35.000 puis à 42.000 véhicules/an, et comptons passer progressivement à 50.000, ensuite à 75.000 en 2017 et renforcer la cadence jusqu'à atteindre une production annuelle de 150.000 véhicules». Avant de projeter le petit «film» sur écran, le présentateur a jugé utile de préciser auprès de M. Montebourg : «Ce n'est pas de la pub pour notre entreprise. Nous n'en avons pas besoin. Vraiment pas. Nos Symbol et Sandero se vendent eux-mêmes, en fait». Renault Algérie fonctionne actuellement avec 513 employés (directs). En tout et pour tout, elle génère 800 emplois, quand on tient compte des emplois indirects.

L'EXPORTATION VERS L'AFRIQUE «EMPECHEE» PAR LA DEMANDE LOCALE

Avec Arnaud Montebourg, électron libre au sein des majorités internes successives du PS, qui dirigeait l'économie française, et tout ce qui gravite autour de ce portefeuille étendu et aux contours confus (nommé en 2012 ministre du Redressement productif dans les gouvernements Ayrault, avant de s'éclipser de 2015 à 2016 de la vie politique, en replongeant dans monde des affaires (il a été, entre autres, vice-président du conseil de surveillance de la chaîne d'ameublement Habitat, membre du comité d'orientation de la société Talan), pas question de caresser les situations, y compris quand il s'agit d'une présentation «carte-postale» au détour d'une visite de courtoisie. Le présentateur de l'usine d'assemblage de Renault Algérie avait, de surcroît, en face de lui un fin connaisseur en la matière. Les sous-traitants de cette entreprise, que ce soit Joktal qui lui fournit les injections plastiques, Sitel qui l'approvisionne en câblage ou Sarel qui lui procure certains types de pièces en plastique, M. Montebourg en connaît un bout. Il apprendra que l'usine va sous-traiter à partir de 2017 avec le groupe Hasnaoui. «Et l'exportation vers l'Afrique, ce serait pour quand ?», veut-il savoir. «Ce n'est pas à l'ordre du jour. Le marché local a soif», lui explique-t-on, en ajoutant un peu plus loin, comme pour donner une idée sur la demande «frénétique» sur le marché de consommation local : «Vous n'avez qu'à lire la presse, la foire de l'automobile a tourné à des scènes à la limite de l'émeute».

Pour M. Montebourg, «c'est d'abord et surtout un voyage qui me permet de revenir sur les traces de ma propre politique. J'ai engagé un processus d'union entre nos deux pays, avec la co-localisation d'activités productives et industrielles». «J'avais nommé Jean-Louis Levet haut responsable de ce travail de coopération industrielle, pour un compromis gagnant-gagnant entre la France et l'Algérie.

C'est ainsi que l'implantation de l'usine Renault a vu le jour. L'usine Renault d'Oran a relocalisé sur le territoire algérien pour produire des véhicules Made in Algeria destinés au marché africain, sans priver les usines françaises de leur production d'automobiles. C'est donc un accord gagnant-gagnant de co-localisation, l'usine algérienne servant les marchés africains, les usines françaises servant les marchés européen et mondial.