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Film arabe: Pourquoi le festival d'Oran n'attire pas grand monde

par Mokhtaria Bensaâd

Le Festival international d'Oran du film arabe n'a pas attiré grand monde dans les salles de cinéma. Un afflux timide des cinéphiles contrairement aux années précédentes où le public était présent en masse à ce rendez-vous annuel. La projection des courts et longs métrages, lancée depuis le 23 juillet, n'a pas enregistré cette ambiance festive de l'année dernière. Le public semble bouder les salles de cinéma pour des raisons multiples. Les temps des projections pour les courts métrages, toutes les matinées, qui n'arrangent pas les gens qui travaillent et même ceux qui sont en congé. Pour les longs métrages, ce sont les films projetés entre 20h et 22h qui ont eux moins de chance avec le public. Pour les films présentés dans les différentes salles de cinéma entre 17h et 19h30, ils ont eu plus de succès, à l'exemple du film égyptien «Nouara», réalisé par une femme, Halla Khalil, en 2016 et interprété par Mouna Chalabi, dans le rôle principal.

Ce qui explique ce manque d'afflux vers les salles du cinéma, selon certains, est le fait que la tradition n'est pas ancrée dans les esprits. «Ce n'est qu'une fois par an qu'on a la chance de voir ces salles ouvertes durant presque une semaine. Les autres jours, c'est le désert et donc, on n'arrive pas à avoir cette culture de prendre un temps de plaisir en allant voir un film au cinéma», nous dira une jeune maman, âgée de 38 ans, qui n'a pas pu voir ces films à cause des ses enfants en bas âge. Pour d'autres, c'est le manque de médiatisation qui a réduit le public dans les salles. «Je n'ai pas vu le programme des projections pour sélectionner les films, en plus, je rentre chez moi fatiguée du travail et c'est tout juste si j'ai le temps de m'occuper des enfants», nous dira une autre maman, la quarantaine avec trois enfants.

Les raisons de ce manque d'afflux évoquées par certains hommes sont liées au congé et leur déplacement pour passer les vacances en dehors de la wilaya d'Oran. Tandis que d'autres avancent l'argument qu'ils ne sont pas branchés films arabes.

Le festival est à sa 9ème édition et Oran peine encore à réconcilier le public avec les salles de cinéma et à le fidéliser à cet évènement.

La jeunesse domine la réalisation des films

Cette 9ème édition du FIOFA a été marquée par la mise sous les projecteurs d'une nouvelle génération de réalisateurs arabes qui vient apporter sa touche dans le cinéma arabe. Les longs et courts métrages ainsi que les films documentaires en compétition ont été en majorité réalisés et produits par des jeunes passionnés. Tout comme le cinéma arabe veut casser les frontières, les jeunes réalisateurs, eux, veulent atteindre les étoiles. Leurs initiatives sont à encourager. Leur travail présenté lors de ce festival montre cette ambition de vouloir percer dans ce domaine de l'image et du son.

La cinémathèque a vu hier la rediffusion des courts métrages en compétition. «Kendil El Bahr», un film algérien de 38 mn, réalisé par Damien Ounouri en 2016 et interprété dans le rôle principal par Adila Bendimerad, la scénariste qui a écrit le scénario du film. Ce court métrage, la première fiction du réalisateur, a été sélectionné dans la catégorie «la quinzaine des réalisateurs» au Festival de Cannes 2016. Il raconte l'histoire de Nfissa, une jeune mère qui a été attaquée et lynchée à mort par un groupe d'hommes alors qu'elle se baignait seule à la plage. Sa famille, sa mère et son mari, s'est inquiétée de sa disparition. La police a lancé des recherches en mer pour trouver la jeune disparue.

Au fond de la mer, Nfissa s'est transformé en méduse. Une séquence de sa transformation filmée au fond du large qui a montré une maîtrise technique du réalisateur et de son équipe. Devenue une autre créature, Nfissa contre-attaque et se venge en tuant les baigneurs sur son chemin jusqu'à ce que la police lui tende un piège et la capture. Un film émouvant qui met en avant le harcèlement dont sont victimes les femmes et le regard de la société vers ces victimes. Si techniquement le film est une réussite, le choix de la musique a fait fausse note dans certaines séquences où le public a constaté un contraste entre le déroulement des évènements et la musique. Le 2ème court métrage qui a suivi est «Nos souvenirs», co-réalisé par deux jeunes Algériens, Farid Noui et Walid Ben Yahia. Le scénario a été écrit par Djafar Hezaz. Le film a été interprété par le comédien Tayeb Benaidja et l'actrice Aida Guechoud qui a joué le rôle de «Zohra» dans «Dar Sbitar» de Mohamed Dib.

Ce film de 16 mn, raconte l'histoire d'un père de famille qui a perdu la raison après avoir «perdu» sa fille et sa femme dans un accident. Mais sa fille en réalité a survécu au drame. Le destin a voulu qu'ils se croisent dans un abribus où la fille oublie son sac et c'est son père, ce mendiant, qui le récupère. En l'ouvrant, ce sont tous les souvenirs de sa famille qui lui reviennent. Il décide alors de rendre le sac à sa propriétaire en le lui laissant devant la porte de sa maison. Il garde juste la photo de sa fille bébé comme souvenir. Un film émouvant à travers lequel les deux réalisateurs ont voulu mettre en avant le drame d'une famille détruite par un incident et l'instinct humain qui réagit aux évènements.

Le 3ème court métrage projeté est intitulé «Ghasra», synopsis du réalisateur tunisien Jamil Najjar, produit en 2015 et interprété par le comédien Mohamed Ali. Le public a beaucoup applaudi ce film qui raconte sur le ton de l'humour la situation sociopolitique actuelle en Tunisie après le «Printemps arabe» où tout a été bouleversé et le pays cherchait encore la route à prendre pour sortir de la crise. C'est le chauffeur Larbi qui a décidé en cours de route de s'arrêter pour se soulager. Avec cet arrêt, ses aventures commencent. Il est confronté à toutes les situations, un parti politique qui fait sa campagne et veut l'intégrer dans son organisation, des supporters qui font leur passage et l'entrainent dans leur folie, et des extrémistes qui le trainent de force dans «le droit chemin» et enfin la police qui l'embarque sans qu'il ait commis une infraction. Le réalisateur a voulu montrer dans ce film le drame du citoyen tunisien qui a dû affronter tous les déboires pour avoir la paix. L'ironie et l'humour utilisés dans ce film ont permis de faire passer le message avec souplesse au public conquis dès les premières séquences du film.