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Industrie pétrolière : Sombres perspectives pour 2016

par Zahir Mehdaoui

Le constat est sans complaisance. Les horizons pour l'industrie pétrolière sont sombres. Les perspectives pour l'année 2016 sont encore plus sombres, de l'avis de Mourad Preure, expert pétrolier international, professeur de stratégie et de géopolitique de l'énergie.

S'exprimant hier à l'occasion d'une conférence organisée par le CARE (Cercle d'action et de réflexion autour de l'entreprise) à l'hôtel Hilton d'Alger, le professeur est convaincu que la crise pétrolière atteindra son summum en 2017. Le prix du pétrole, selon le conférencier, descendra probablement jusqu'à 30 dollars ; ce qui va accentuer davantage notre crise économique. La crise, ou le choc pétrolier, est encore plus importante que celle des années 1970 ou de 1986, estime encore cet expert qui énumère un tas d'arguments pour conforter cette thèse.

L'apparition du gaz de schiste est l'événement le plus important depuis la prise de contrôle des réserves de pétrole du Moyen-Orient par les USA, argumente l'invité du CARE qui souligne en ce sens que l'offre sur le marché pétrolier dépasse aujourd'hui très largement la demande. Les choses vont davantage s'aggraver avec l'arrivée de nouveaux quotas provenant de l'Iran, de l'Irak et probablement encore de Libye, prévient-il. Un excédent de plus de 6 millions de barils par jour pourrait venir compliquer davantage le marché en 2016, selon l'analyse du professeur Preure.

La surabondance sera telle que le marché connaîtra un « fléchissement » des prix de l'or noir, selon M. Preure qui évoque un « nouveau paradigme en œuvre » où l'OPEP ne peut rien faire. Cette organisation dont fait partie notre pays est aujourd'hui dans une position intenable, analyse le professeur qui estime que le pourrissement de la situation n'incombe pas à l'Arabie saoudite qui a toujours refusé un retrait du quota de production de pétrole sur le marché pour tenter d'élever le prix du baril.

« L'excédent d'offre provenant des huiles de schiste américains alors que l'OPEP dépassait déjà son plafond de 1mb/j », « La forte progression du dollar », « la sur-production des pays de l'OPEC, principalement l'Arabie saoudite »?sont quelques raisons évoquées par notre expert en énergie qui ajoute que la baisse de 50% en une année n'a pas stimulé la demande, comme attendu, ni réellement fait sortir du marché les pétroles coûteux américains.

Pire encore, du côté de la demande, la baisse est sensible. La demande chinoise n'augmenterait en 2015 que de 0.3 mb/j contre 1mb/j il y a cinq ans, la croissance de la demande américaine reste limitée (0.2-0.3 mb/j), la demande européenne poursuit son cycle de stagnation.

Les pays émergents ne sont plus, pour le moment, le moteur de l'économie mondiale ; là est le vrai problème. La reprise en Asie pourrait absorber les surplus pétroliers. Quand viendra-telle ? Là est la question, s'interroge Mourad Preure.

« L'Arabie saoudite a transféré la responsabilité de régulation du marché aux USA. C'est un nouveau paradigme. On n'est plus dans les 1970 », dira Mourad Preure qui pense pourtant que la solution réside dans la réduction de l'offre pour voir un jour les prix augmenter sur le marché.

« Des ajustements violents sont à attendre, à moyen terme car ni les USA ni l'OPEP ne sont en mesure de réguler le marché », prévient encore le conférencier qui prédit trois scénarios possible :

Scénario 1, moyennement probable, où la pression baissière des surcapacités de 3 à 4 mb/j ajoutées aux capacités inutilisées de l'OPEC, de l'ordre d'au moins 2 mb/j verront les prix fluctuer autour d'un pivot de 40 dollars le baril le premier semestre pour remonter ensuite de 10 dollars le second semestre.

Scénario 2, fortement probable, où l'arrivée des pétroles iranien, libyen et irakien est limitée avec une reprise modérée de la demande. Les prix fluctueraient autour d'un pivot de 50 dollars le baril le premier semestre pour s'apprécier ensuite de 10 dollars le second.

Scénario 3, fortes turbulences, faiblement probable, où une crise majeure au Moyen-Orient occasionnerait des ruptures d'approvisionnement et propulserait les prix vers des seuils beaucoup plus hauts.