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Le petit enfant et la mer

par Boutaraa Farid

Le petit enfant et la mer n'est pas le titre d'un roman d'Ernest Hemingway, mais celui d'un fait divers où un enfant syrien avait trouvé la mort d'une façon atroce.              En effet, l'histoire qui suit est celle d'un mioche de trois ans qui avait perdu son âme suite à un drame. Il s'agit d'une fin lamentable d'un chérubin qui ne savait pas que cette traversée de nuit va mettre toute l'humanité en un état de tristesse, d'angoisse et d'ennui. Il ne savait pas non plus que la mer dévore chaque jour des âmes. Il ne savait pas que sa mort va ouvrir les portes des frontières à des milliers d'autres personnes qui n'ont plus de foyer. Ces migrants qui imitent de nos jours les oiseaux. En effet, ce flot de migrants ressemble étrangement à celui des oiseaux qui font des déplacements pour juste fuir un climat qui ne répond plus à leurs besoins. Comme eux, notre héros avait pris le chemin du Nord où, d'après ses parents, il aurait sa propre chambre. Notre petit enfant ne savait pas les causes de cette fuite. Il ne connaissait pas les raisons des larmes de sa mère, ni cette peur qui ne quitte pas son père. Le petit enfant, qui venait juste d'avoir trois ans, savait que son pays la Syrie était en guerre civile. Il savait que son pays était divisé et que les écoles étaient fermées. Le petit Aylan était Syrien d'origine kurde. Il était l'un des défavorisés sur terre. Son père Abdallah voulait lui offrir un bel avenir. En effet, le jeune Aylan avait la chance de quitter son pays natal pour aller vivre au Canada chez sa tante «Tima» ou «Fatima». Cependant, les autorités turques étaient contre la délivrance d'un passeport aux réfugiés kurdes. En plus, les autorités canadiennes exigeaient trop de papiers pour faciliter la venue des étrangers. Alors, nos amis kurdes avaient décidé de jouer le tout pour le tout. Les autorités turques étaient sévères avec les intrus qui réclament du travail et qui dérangent la tranquillité des citoyens turcs. Trop de haine et trop de mépris étaient en l'air. La famille kurde avait pris la décision de quitter cette terre de Turquie non hospitalière. Abdallah et sa femme Rehana étaient tous pour un aller vers l'île de Kos qui se trouve en Grèce. Alors, un petit sourire commençait à se dessiner sur les lèvres du père qui n'avait pas d'autres alternatives. Abdallah savait que sa ville Kobané était le théâtre de bombardements des avions turcs et n'offrait aucun emploi. Il savait aussi que ses deux enfants, Galip et Aylan, n'avaient aucun avenir sur cette terre stérile. Abdallah était un mort-vivant dans un ghetto où les sbires de Daech faisaient la loi. Abdallah voulait fuir cette guerre qui brûlait tout sur son passage. Il voulait offrir à ses deux enfants la chance de vivre dignement, loin des insultes des Turcs, des injures des djihadistes et des menaces des militaires syriens. Abdallah voulait offrir à ses enfants la paix et l'amour. Il voulait que ses deux garçons apprennent à aimer la vie et à respecter tous les autres humains. Il voulait que ses deux enfants soient des lumières dans ce bas monde où les droits sont bafoués. Abdallah était pour l'émergence d'une génération qui sait faire face aux conflits. Il était pour les libertés des bouches et pour l'égalité des chances. Abdallah avait pris une dure décision. Il avait risqué sa vie et celle de ses proches. Il savait que la mer ne faisait pas de cadeaux pour les imprudents. Il savait que l'ogresse changeait souvent d'humeur. En effet, le mauvais temps pouvait surgir à tout moment et les petites embarcations seraient disloquées en quelques secondes. Abdallah et sa famille avaient choisi le mauvais moment pour traverser. Et oui, ce 02 septembre 2015 restera gravé dans les mémoires de toute une planète. En effet, la mort de Aylan était la gifle de l'année. Une claque pour tout ce continent européen et cet Occident qui ferme ses frontières aux exilés et démunis qui n'ont rien et qui ne demandent rien qu'une soupe chaude et un toit pour passer quelques moments de paix et de tranquillité. Et oui, la photo de la mort du petit Aylan semble être un message divin. Un réveil. Une découverte. Où sommes-nous? Pourquoi cette indifférence? Où demeure la chaleur humaine? Pourquoi sommes-nous si froids et si égoïstes? Et oui, cette image a fait le tour du monde en quelques secondes. Des millions de cœurs ont pleuré cet enfant qui donne l'impression de dormir. Dieu nous interpelle et nous rappelle notre échec et nos mauvaises actions.

Nous avons tous une part de responsabilité de ce qui arrive à ces migrants. Nous, par notre silence, et les responsables de tous les pays du monde, car ils n'ont rien fait pour arrêter les conflits et les guerres. La famille kurde était contrainte et n'avait pas le choix.

Pourquoi on ne trouve pas une fin à ce conflit qui détruit tout en Syrie? Pourquoi on n'offre pas de la nourriture à ces démunis d'Afrique et d'Asie? La mort de cet enfant sera longtemps considérée comme une honte. Nos cœurs sont en bois et nos esprits ne respectent plus les us et les lois. Nous avons appris de mauvaises habitudes. Nous avons peur du partage. Nous voulons tout garder. Certains ont l'idée qu'ils sont les meilleurs, les plus intelligents et les plus nobles, tandis que les autres ne sont là que pour les servir. Nous avons rompu avec les traditions ancestrales. Les humains de ce siècle ont des corps sans mains. Ils ont la phobie de l'étranger. Ils ont peur de la famine. Les humains de nos jours sont des fous qui circulent. Ils sont renfermés et n'aiment plus les cours de solidarité. Les riches ignorent les pauvres. Les gens aisés oublient qu'ils vont tous partir. En effet, beaucoup de gens oublient que la mort rode et qu'elle ne prévient pas ses cibles. Ils oublient que notre but sur terre demeure celui d'adorer Le Maître des deux mondes et de venir en aide à toutes les âmes qui frappent à nos portes. Ils oublient aussi que tout est éphémère. Et oui, beaucoup d'hommes politiques ont compris le message qui se dégage de la mort du petit Aylan que les autorités turques avaient trouvé gisant sur la plage de Bodrum, tête contre terre. Ils ont compris qu'il s'agit d'une image pieuse. Le petit enfant donne l'impression qu'il était heureux. On sent une délivrance. Et oui, notre petit enfant rend hommage à cette mer qui lui offre un billet au paradis. On sent que notre enfant n'est qu'un ange qui vit avec les anges. Dieu l'a rappelé à vivre une vie meilleure. Aylan n'est plus de ce monde où les riches et les puissants méprisent les faibles et les pauvres. Aylan est au paradis et nous sommes là comme des badauds qui n'ont rien compris aux mystères de la vie. Aylan est mort afin que d'autres migrants trouvent un peu de clémence et de charité chez les âmes sensibles et pieuses. Le petit enfant n'est rien qu'un ange descendu du ciel pour nous éclairer sur notre état piètre, ridicule et lamentable. Nous sommes si bas et nous n'avons plus nos têtes sur nos épaules. Nous avons perdu les bonnes recettes de solidarité et nous payons les factures de nos fautes. L'orgueil alimente nos cœurs et l'avarice gonfle nos entrailles. Nous sommes des momies mobiles qui aiment l'oisiveté et les louages. Nous détestons le dialogue et la compréhension. L'humanité entière a une part de responsabilité sur ce qui arrive aux pauvres et aux exilés. Le moment est venu pour se pencher sur le sujet afin de trouver des issues durables et efficaces à ces problèmes de guerres civiles et de famines.

De cette tribune, nous lançons un appel à tous les responsables et les hommes puissants de ce monde pour qu'ils œuvrent non pas à ouvrir les frontières aux migrants, mais à éteindre les foyers de guerres civiles et à offrir l'aide aux Etats pauvres et ceux qui ont des difficultés. Notre souhait est de ne plus revoir des images qui font mal au cœur. Nous voulons que tous les petits enfants du monde entier retrouveront les chemins de l'école.