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« Moi Noudjoum, agée de 10 ans et divorcée» Yemen : Regards sur le drame des fillettes Yémenites mariées de force

par Mokhtaria Bensaâd

La série des longs métrages, programmée à la 8ème édition du Festival international d'Oran du film arabe (FIOFA) a été clôturée par le film yémenite le plus attendu par le public oranais, intitulé « Moi Noudjoum, âgée de 10 ans et divorcée », de la première productrice et réalisatrice yémenite, Khadidja El-Salami. C'est un long métrage boulversant qui raconte l'histoire d'une enfant de dix ans mariée avec force. C'est son père, pour fuir le déshonneur dans sa tribu, (puisque sa première fille a été violée par son voisin), qui a conclu un mariage avec un jeune d'une autre tribu en acceptant de l'argent en contrepartie de sa fille. Cette enfant innocente, qui joue encore avec la poupée, se voit transportée comme une marchandise à la maison de son mari sans avoir conscience de ce qui lui arrive exactement. Le jour de son mariage, on l'habille comme une mariée, sa mère l'a maquillée comme une grande pour la fête. Mais l'innocence de la petite, malgré le fait qu'elle soit préparée pour ses noces, préfère sortir jouer avec ses voisines dans la rue. Elle vend même la bague de fiançaille pour acheter une poupée. Ramenée de force à la maison, son mari l'emmène vers sa nouvelle demeure. En montant dans la voiture, elle n'oublia pas d'emmener sa poupée avec elle.

Dans l'ambiance du mariage, Noudjoum est là, dans sa chambre, toujours en train de jouer avec sa poupée. Le soir, c'est le mari qui la rejoint et la viole lors de sa nuit de noce. Ele est ensuite battue, humiliée et terrorisée parcequ'elle veut retourner chez ses parents. Elle réussit à s'enfuir et se dirige directement vers le tribunal pour demander le divorce. Elle sera prise en charge par un juge qui, après avoir écouté son histoire, décide de la protéger et de déposer plainte contre le mari et le père de Noudjoum. L'enfant de dix ans a pu obtenir le divorce après que le cheikh de la tribu ait ordonné à l'époux de la répudier. Jamais, dans l'histoire du Yémen, une enfant n'a demandé le divorce. Le film a emporté le public qui a beaucoup applaudi lorsque Noudjoum a divorcé. Il a applaudi aussi lorsque la justice a condamné l'époux et le père pour atteinte à l'enfance. La réalisatrice, absente aux débats animés sur le film, a voulu à travers ce film mettre les projecteurs sur ces filles encore mineures qui se vendent comme des marchandises à travers un mariage forcé.

Une histoire qui a touché les téléspectateurs et développé un sentiment de révolte à l'intérieur de chacun. A travers le décor du film, tourné clandestinement au Yémen dans les montagnes, la musique, tantôt triste, tantôt révoltante, et le scénario bien écrit et l'interprétation de la petite Noudjoud qui est la nièce de la réalisatrice et les autres acteurs, le message du film est passé même si la situation au Yemen n'a pas changé. Adnan El Khodr, l'acteur qui a joué le rôle du juge, a souligné qu'il est difficile de changer les choses au Yémen du fait que le pouvoir des tribus est fort et le gouvernement n'arrive pas à imposer la loi.

Quant à la cinéaste, elle est née en 1966 au Yémen, elle a suivi des études en cinéma aux Etats-unis avant de réaliser des films documentaires et des longs-métrages. Elle s'est intéressée à la société et les injustices commises à cause du poids des traditions.