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Crasc : L'humour après l'indépendance en débat

par T. Lakhal

Elizabeth Pérégo de l'Université d'Ohio (USA) a présenté, avant-hier au niveau du CRASC d'Oran, une conférence intitulée «L'évolution de l'humour en Algérie après l'indépendance». La problématique qui a inauguré son exposé était la suivante. L'humour, à l'algérienne post-indépendance, était-il le fait des pouvoirs politiques de l'époque à la recherche d'une identité ou est-ce simplement une pure création populaire afin de consolider le lien social et le renforcement d'appartenance à un groupe ? La conférencière a par la suite déroulé toutes les étapes qui ont jalonné cette période qui va des années 60 jusqu'aux années 90 pour, à chaque fois, mettre en exergue un modèle tout en expliquant sa fonction. L'humour de la rue pour marquer sa supériorité en pointant du doigt un autre groupe social et ses travers. L'Etat, à travers son cinéma, a également fait de la sienne en propulsant des personnages comiques. L'inspecteur Tahar, un tendre malgré les apparences de sa fonction, Hassan Terro, l'anti-héros et toute la panoplie des comiques reconnus par l'institution comme tels. La bande dessinée et la satire sociale sur la pénurie et la bureaucratie de l'époque, les blagues osées qui dénotent d'un certain vécu frustrant. En fait, la conférencière, en mélangeant les genres car une bande dessinée, une caricature peuvent ne pas être forcément comiques, a voulu montrer que chaque période de la vie d'un pays a son propre humour qui sous-tend un vécu. Il s'en est suivi un débat ou plutôt des observations ayant trait au sujet, entre autres, la décortication du langage humoristique avec ses codes d'emprunt, l'humour et les hommes politiques, l'autodérision pour mieux accepter ses difformités, l'humour comme arme de résistance durant l'occupation coloniale, l'humour et la religion.

En fait l'humour, le plus hilarant soit-il, cache à peine le désespoir d'une société à la recherche d'une utopie toujours en avance d'un pas. Il déconstruit dans l'absurdité la chose pour mieux la reconstruire. Et c'est au rôle des sociologues d'analyser les signes de cet humour qui fait partie des marqueurs identitaires d'une société en pleine gestation.