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Magistrats faussaires : Le procès mis en délibéré pour le 25 janvier

par Mohamed Mehdi

Le procès en appel de Benyoucef Mellouk, l'ancien fonctionnaire du ministère de la Justice qui a révélé l'affaire des «Magistrats Faussaires» en 1992, a finalement eu lieu hier, à la cour d'Alger, après trois reports depuis la décision de la Cour suprême de renvoyer l'affaire opposant le mis en cause à Mohamed Djeghaba, ancien ministre des Moudjahidine.  

La séance s'est déroulée en présence de Mohamed Djeghaba (représentant de la partie civile), de Benyoucef Mellouk, accusé pour «diffamation», et leurs avocats respectifs. Le président de la chambre correctionnelle, Tayeb Hellali, a entamé le procès par donner la parole à Mellouk, lui demandant de relater l'historique de cette affaire des magistrats faussaires. Benyoucef Mellouk est revenu sur l'origine de la mission qui lui a été attribuée, à l'époque du ministre Benhamouda, suite à une circulaire de Houari Boumediene, de démasquer d'éventuels faux moudjahidine dans le corps de la magistrature. «Vous avez fait vos recherches. Vous avez trouvé des dossiers. Votre mission devait s'arrêter là. Pourquoi avez-vous gardé les dossiers et pourquoi êtes-vous allé à la presse ?», a déclaré le magistrat s'adressant à Mellouk.

Ce n'est pas la première fois que Mellouk se voit reproché par la justice d'avoir révélé des dossiers de magistrats faussaires. La véracité des résultats de son travail n'a jamais été mise en doute, mais il lui est reproché d'avoir divulgué à la presse le contenu de ces dossiers, au lieu de se contenter de les transmettre à ses supérieurs et de s'arrêter-là. Ce que l'accusé refuse, estimant que s'il a fait ce travail c'est sur instruction de ses supérieurs, mais aussi pour que les mis en cause dans ces affaires de fausses déclarations de participation à la guerre de libération nationale soient sanctionnés. « Le peuple a le droit de savoir », affirme Mellouk, se disant prêt à montrer « 520 dossiers » dont il exhibe une partie au juge.

Le président de la chambre correctionnelle s'adresse ensuite à Mohamed Djeghaba lui demandant de s'exprimer, à son tour, dans cette affaire. L'ancien ministre des Moudjahidines explique qu'il n'a pas de beau-frère dans le secteur de la justice, comme l'avait déclaré Mellouk lors du procès de 1999.

Benyoucef Mellouk replonge dans ses dossiers et en sort un document d'un des magistrats faussaires, le dénommé «Kherachi Abdelkader» qu'il dit être le beau-frère de Mohamed Djeghaba. Selon Mellouk, «Kherachi était militaire de l'armée française».

Interrogé par le juge sur le lien de parenté avec Kherachi Abdelkader, l'ancien ministre des Moudjahidines fini par reconnaître qu'il s'agit bien de son beau-frère. Mellouk a continué à expliquer qu'il s'agit du frère de l'épouse de M. Djeghaba.

Dans le lot de dossier que Mellouk a montré au juge, figuraient aussi ceux de l'ancien ministre de l'Intérieur, Mohamed Salah Mohammedi (qui s'est également constitué partie civile dans cette affaire) et celui du frère de Ali Kafi, l'ancien président du HCE. Le magistrat n'a pas jugé utile de retenir ces deux dossiers.

«PRESCRIPTION»

Dans sa plaidoirie l'avocat la partie civile a rappelé que la plainte a été déposée, par MM. Mohammedi et Djeghaba, à la suite des propos de Mellouk, considérés comme diffamatoires, sur les colonnes du quotidien El Watan du 7 octobre 1999.

Me Amokrane Aït Larbi, l'avocat de l'accusé, revient lui aussi sur la genèse de l'affaire des «magistrats faussaires», expliquant qu'après un travail titanesque de son mandant, les autorités ont décidé d'enterrer le rapport de Mellouk et d'ignorer les dossiers dans lesquels il a été démontré que les magistrats incriminés ont «en même temps la qualité de harki et de moudjahid». Il explique aussi que c'est face à cette situation que Mellouk a décidé de s'en remettre à l'opinion publique via le recours à la presse en 1992.

Concernant le procès en diffamation, pour lequel était jugé hier Benyoucef Mellouk, Me Aït Larbi affirme que son mandant «n'a jamais écrit d'article sur El Watan». Il explique qu'il s'agit en fait d'un article publié, au lendemain du procès du 6 octobre 1999, citant des propos de Mellouk lors de ce procès. Il rappelle que Mellouk bénéficie du principe universel accordé à tout justiciable à savoir «l'immunité de séance».

Enfin, Me Aït Larbi explique, citant les articles 6, 7 et 8 du code de procédure pénale, qu'il y a prescription de l'action publique, à l'encontre de Mellouk, puisque la durée séparant le dépôt de plainte et le jugement de cette affaire a dépassé les 7 années. «Je demande l'innocence pour mon client et la déclaration de prescription de l'action publique» à l'encontre de son mandant, a-t-il déclaré.

A l'issu de l'audience, le président de la chambre correctionnelle, Tayeb Hellali, ordonne la clôture des débats, et décide la mise en délibéré de cette affaire pour le 25 janvier 2015.